#415 Le service des manuscrits – Antoine Laurain

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Le résumé…

« À l’attention du service des manuscrits. »
C’est accompagnés de cette phrase que des centaines de romans écrits par des inconnus circulent chaque jour vers les éditeurs.
Violaine Lepage est, à 44 ans, l’une des plus célèbres éditrices de Paris. Elle sort à peine du coma après un accident d’avion, et la publication d’un roman arrivé au service des manuscrits, Les Fleurs de sucre, dont l’auteur demeure introuvable, donne un autre tour à son destin. Particulièrement lorsqu’il termine en sélection finale du prix Goncourt et que des meurtres similaires à ceux du livre se produisent dans la réalité.
Qui a écrit ce roman et pourquoi ? La solution se trouve dans le passé. Dans un secret que même la police ne parvient pas à identifier.

Mon avis…

Ce roman me tentait depuis un moment, et j’ai profité du confinement pour me lancer dans sa lecture. Je dois dire que le résumé me plaisait déjà beaucoup, car j’aime les romans dont l’intrigue se déroule dans le domaine livresque… Le métalittéraire, c’est ma passion ! Bref, Le service des manuscrits partait donc sur de bonnes bases avec moi. En plus, le récit prend la forme d’une enquête policière, et j’adore ça ! Mais, attention, ce n’est pas à proprement parler un thriller ou un polar, mais plutôt un livre de littérature générale qui exploite les thématiques du secret, de la frontière entre fiction et réalité, de l’acte créateur… On constate d’ailleurs de plus en plus que la forme de l’enquête pénètre tous les genres romanesques, c’est pourquoi il ne s’agit plus nécessairement d’un critère définitoire du roman noir (entre autres), mais c’est un autre passionnant sujet ! Pour revenir au Service des manuscrits, j’ai beaucoup aimé la direction prise par l’intrigue, et je suis satisfaite par son dénouement comme par les interrogations qui ont été soulevées au fil des pages…

Je dois pourtant avouer une petite déception, qui était néanmoins prévisible en raison de la longueur du roman. En effet, Le service des manuscrits est un récit assez court, et malheureusement certains points et certains moments de l’intrigue auraient mérité d’être plus développés. J’aurais aimé en savoir un peu plus sur le passé des personnages, ou que le suspense soit un peu plus durable… Peut-être est-ce parce que je suis habituée à lire des polars et des thrillers qui font lentement monter la tension, alors que ce n’est pas nécessairement l’objet ici… J’aurais peut-être plus aimé ce livre s’il avait été clairement un roman policier et que l’auteur avait exploité plus pleinement ses possibilités. Vous l’aurez compris, j’ai quand même apprécié cette lecture, malgré ce petit bémol, qui n’enlève rien à la qualité de ce roman qui nous fait découvrir de façon très originale les coulisses des maisons d’édition et des prix littéraires. C’est vraiment un roman à découvrir pour les personnes qui, comme moi, adorent les livres qui parlent de livres… Et je suis sûre que vous en faites partie ! Il m’a d’ailleurs fait penser au roman Le mystère Henri Pick de Foenkinos, qui exploite un peu le même filon de l’auteur inconnu…

Carte d’identité du livre

Titre : Le service des manuscrits
Auteur : Antoine Laurain
Éditeur : Flammarion
Date de parution : 08 janvier 2020

3 étoiles

#407 Le réveil des sorcières – Stéphanie Janicot

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Le résumé…

Et si en commençant son nouveau roman sur la magie noire par un accident de voiture fatal, la narratrice avait provoqué la mort de son amie Diane, guérisseuse et médium ?
Dans la forêt de Brocéliande, où elles se retrouvaient l’été, les légendes celtes, la pratique de la sorcellerie sont toujours prégnantes. Le mystère grandit autour de Diane, sa tragique disparition et ses pouvoirs exceptionnels dont semble avoir hérité sa fille cadette, Soann, une adolescente sombre et troublante, hantée par le deuil et la certitude que sa mère a été assassinée.

Mon avis…

Nous sommes le 8 mars, et en cette journée internationale des droits des femmes, quoi de mieux qu’un roman féministe ? Je vous présente ce livre, sorti pendant la rentrée littéraire de janvier qui, loin de surfer sur la vague du retour en force des sorcières, renouvelle la vision que l’on porte sur ces femmes mystérieuses. Stéphanie Janicot nous propose un roman absolument passionnant, qui se passe dans un cadre à la fois enchanteur et désenchanté : la forêt de Brocéliande, en Bretagne. Personnellement, j’adore cet endroit, et j’avoue avoir retrouvé son charme, tout en découvrant une autre facette, plus sombre et désabusée. Dans ces pages marquées par le réalisme, l’autrice nous entraîne dans une Bretagne profonde qui vit grâce aux touristes attirés par les secrets des sorcières et les légendes nombreuses qui habitent ces lieux. Cette plongée dans la culture bretonne, dont Stéphanie Janicot nous narre quelques récits plus ou moins connus, et bien souvent transmis de façon erronée et ici rétablis, est des plus plaisantes.

Dans ce roman, les personnages féminins sont mis en avant et occupent une place absolument centrale. Ici, l’amour d’un ou plusieurs hommes ne viendra pas sauver les héroïnes, car elles vont tenter de se sauver elles-mêmes. La narratrice arrive dans la région à la suite de la mort de Diane. Cette dernière, une guérisseuse, autrement dit une sorcière, laisse derrière elle deux filles : Soann et Viviane. La narratrice, elle, ne sait pas trop si elle croit en la sorcellerie. Elle vit à Paris, elle est journaliste et, même si elle a grandi en Bretagne, elle a fini par oublier l’atmosphère qui y règne et les mystères qui s’y déroulent. Elle est désormais plus terre-à-terre, plus réaliste. Mais la mort de Diane la fait douter, et tout ce qu’elle pensait savoir est remis en question. Très vite, elle est confrontée à une évidence : la mort de Diane n’est pas accidentelle. Avec Soann, elle enquête et découvre que son amie la sorcière dérangeait visiblement quelqu’un, mais qui ? Entre peinture sociale et roman noir, ce livre féministe nous fait découvrir le destin de quatre femmes uniques, étroitement lié à Brocéliande, lieu de tous les mystères…

Carte d’identité du livre

Titre : Le Réveil des sorcières
Autrice : Stéphanie Janicot
Éditeur : Albin Michel
Date de parution : 02 janvier 2020

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Coup de coeur

#404 Miroir de nos peines – Pierre Lemaitre

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Le résumé…

Avril 1940. Louise, trente ans, court, nue, sur le boulevard du Montparnasse. Pour comprendre la scène tragique qu’elle vient de vivre, elle devra plonger dans la folie d’une période sans équivalent dans l’histoire où la France toute entière, saisie par la panique, sombre dans le chaos, faisant émerger les héros et les salauds, les menteurs et les lâches… Et quelques hommes de bonne volonté.

Mon avis…

Ceux et celles qui ont l’habitude de passer sur ce blog ou de discuter avec moi connaissent mon amour inconditionnel pour les romans de Pierre Lemaitre. Je vous ai déjà parlé ici d’Alex, de Trois jours et une vie, et évidemment d’Au revoir là-haut – sur lequel j’ai même eu l’occasion de travailler lors de recherches universitaires – et de sa suite Couleurs de l’incendie. Et bien c’est le tome 3 de la trilogie Les Enfants du désastre que je vous présente aujourd’hui. Après les aventures d’Albert Maillard et Édouard Péricourt, les deux soldats de la Grande Guerre, et celles de Madeleine Péricourt, jeune femme hors-norme piégée dans un monde d’hommes, c’est désormais l’histoire de Louise qui nous est relatée. Si vous avez lu Au revoir là-haut, ce prénom ne devrait pas vous être inconnu. C’est en effet la fille de la logeuse d’Édouard et Albert que nous rejoignons ici dans les rues de Paris.

Comme pour Couleurs de l’incendie, il convient de préciser qu’il n’est aucunement indispensable d’avoir lu les précédents livres pour comprendre celui-ci. Les trois tomes sont complètement indépendants et le lecteur novice se voit rappeler les quelques liens entre chaque roman, qui ne jouent en réalité aucun rôle dans leurs intrigues respectives. Après nous avoir fait visiter le Paris des années 20, puis celui des années 30, direction les années 40 avec Louise, désormais trentenaire. Institutrice célibataire, elle semble bien perdue dans sa vie au moment où l’un des plus gros bouleversements du siècle est sur le point d’advenir. Avec elle, nous découvrons la drôle de guerre, ces tous premiers mois du conflit, caractérisés par leur étrangeté et leur absence de ressemblance avec tout ce qui était connu avant.

Pierre Lemaitre nous fait également vivre l’exode, à la fois avec Louise qui nous permet de connaître celui des populations pauvres et modestes, et avec Gabriel et Raoul, qui nous entraînent dans la débâcle, cette fuite des forces armées devant la redoutable avancée allemande. D’autres personnages, tous aussi intéressants, viennent se greffer à eux, comme le garde mobile Fernand, qui doit escorter des prisonniers vers une destination inconnue, et qui illustre à lui seul l’égarement et le désarroi de l’état français en cette période troublée. Pierre Lemaitre ajoute aussi sa pointe d’excentricité avec, là encore, un personnage subversif – bien qu’ils le soient tous un peu -, à savoir Désiré : un homme qui change sans cesse d’identité pour s’attribuer tous les rôles qu’il souhaite. Ce caméléon un brin arnaqueur devient tantôt médecin, censeur, avocat ou encore curé, ne se lassant jamais de changer de peau.

Encore une fois, c’est une fresque complexe mais savamment orchestrée que nous livre Pierre Lemaitre. Tous les personnages évoluent selon leurs propres trajectoires, jusqu’à la très attendue rencontre finale. Portrait fidèle d’une époque, ce roman charmera très certainement les amateurs de romans historiques et sociaux. Tout en suivant les aventures rocambolesques et passionnantes de tous ces personnages, le lecteur découvre ces années d’inquiétude et de chaos, peinte avec beaucoup de réalisme et de fidélité. Ce qui m’a été le moins agréable dans cette lecture, pour être honnête, c’est de savoir que ce roman était le dernier de la trilogie… J’ai eu le sentiment de voir se clore un épisode de ma vie, durant lequel j’attendais avec excitation la sortie de ces précieuses pages. Je me dis néanmoins que cette aventure laissera, je l’espère, place à une autre.

En attendant, je peux d’ores et déjà vous dire que les trois romans des Enfants du désastre sont tous des chefs d’œuvre. Si cela vous intrigue et que vous ne connaissez pas, n’hésitez pas à vous y plonger, vous n’en ressortirez pas déçus, je vous l’assure. Vous pouvez soit commencer par Au revoir là-haut, le premier tome, et lire les romans de façon chronologique, comme je l’ai fait moi-même, ou choisir celui dont la thématique vous parle le plus. Ce troisième tome, malgré toutes ses qualités, est peut-être celui que j’ai le moins aimé, car il n’a pas la même fraicheur et la même audace que les deux précédents. Mais je pense que cela est aussi lié à la volonté de réalisme de Pierre Lemaitre, qui souhaitait coller à l’esprit de l’époque. Ce sont en effet des temps sombres qui s’ouvrent dans Miroir de nos peines. Et même si je suis très attachée à Au revoir là-haut, qui est un roman avec lequel j’ai une grosse histoire personnelle, je dois avouer que mon préféré reste Couleurs de l’incendie, notamment pour ses thématiques liées à la place des femmes dans la société, qui sont d’ailleurs reprises ici avec l’histoire de Louise. Maintenant, à vous de vous faire votre opinion de cette trilogie qui, à coup sûr, aura sa place dans l’histoire littéraire du XXIe siècle. Bonne lecture !

Carte d’identité du livre

Titre : Miroir de nos peines
Auteur : Pierre Lemaitre
Éditeur : Albin Michel
Date de parution : 02 janvier 2020

5 étoiles

#393 L’amour de ma vie – Clare Empson

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Le résumé…

Catherine ne parle plus. Ni à son mari, ni à ses enfants, ni aux médecins, pas même à sa meilleure amie. Elle a été témoin d’une scène terrible et depuis plus un mot. Pourtant, du fond de sa bulle, Catherine se souvient…

Elle se souvient de Lui, Lucian, l’amour de sa vie rencontré à la fac. À cette époque, elle s’était laissé entraîner dans son cercle d’amis, privilégiés et hédonistes. Difficile d’oublier leur rupture, aussi : en une nuit, tout a volé en éclats. Elle l’avait quitté, détruisant leur vie à tous les deux. Sans qu’il n’y comprenne rien.

Elle se souvient surtout de leurs retrouvailles, quatre mois plus tôt : le hasard les a réunis, comme pour leur offrir une seconde chance. La passion a ressurgi immédiatement. Toutefois, impossible d’éviter la question essentielle : pourquoi? Pourquoi Catherine s’était-elle enfuie, cette nuit-là?

Une plongée sombre au cœur du silence, des secrets et des non-dits d’une histoire d’amour.

Mon avis…

Aujourd’hui, je quitte mes bouquins, mon traitement de texte et mes blocs-notes (écriture d’articles pour ma thèse oblige…) pour vous parler d’un bouquin original, à mi-chemin entre romance et thriller ! J’ai nommé : L’amour de ma vie de Clare Empson. Dans ce roman, on découvre l’histoire de Catherine qui, traumatisée par un événement que l’on ignore, ne peut plus parler. Elle est enfermée dans la prison de son esprit, mutique, laissant sa famille et sa meilleure amie dans le désespoir… Mais nous, lecteurs et lectrices, avons accès à la vérité, à travers le récit de Catherine, qui devient narratrice. Elle s’adresse à un « tu », une personne qui est la clé de tout ce mystère. Elle revient aux temps de l’université, au moment où elle a rencontré Lucian, l’homme qui a changé sa vie et lui a fait découvrir la véritable passion… Mais cet homme, elle l’a quitté, sans donner la moindre explication… Suspense multiple donc : que s’est-il passé pour que Catherine devienne muette ? et que s’est-il passé à l’époque de la fac ? Nous avons donc le récit rétrospectif de cette belle histoire d’amour, hanté par l’abandon final dont nous ignorons la cause (jusqu’à la fin du roman), et le récit de ces dernières semaines, qui ont vu se réunir Catherine et Lucian. En alternance avec le récit de Catherine, nous avons également la narration de Lucian, qui raconte sa version, sa vision des événements. C’est donc un roman très riche et rempli de suspense que nous propose ici Clare Empson. J’ai été absolument absorbée par ce récit, et je l’ai dévoré en une nuit, pour vous dire ! J’ai deviné assez vite le nœud de l’histoire mais, finalement, ça n’enlève pas du tout le plaisir de la lecture, au contraire.

Avertissement : je vous déconseille d’aller sur le site de Babelio pour faire une recherche sur ce livre, car le résumé spoile carrément l’histoire, ce qui est vraiment vraiment dommage !

P.S. : La couverture est canon !

Carte d’identité du livre

Titre : L’amour de ma vie
Autrice : Clare Empson
Traductrice : Jessica Shapiro
Éditeur : Denoël
Date de parution : 13 juin 2019

5 étoiles

Merci aux éditions Denoël pour cette lecture.

denoel

#386 Il n’est jamais trop tard – Anne Youngson

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Le résumé…

Rien de tel qu’un parfait inconnu pour se révéler à soi-même.
Lorsque Tina Hopgood écrit une lettre depuis sa ferme anglaise à un homme qu’elle n’a jamais rencontré, elle ne s’attend pas à recevoir de réponse. Et quand Anders Larsen, conservateur solitaire d’un musée de Copenhague, lui renvoie une missive, il n’ose pas espérer poursuivre les échanges. Ils ne le savent pas encore, mais ils sont tous deux en quête de quelque chose.

Anders a perdu sa femme, ses espoirs et ses rêves d’avenir. Tina se sent coincée dans son mariage. Leur correspondance s’épanouit au fur et à mesure qu’ils s’apprivoisent au travers de leurs histoires personnelles : des joies, des angoisses, toutes sortes de découvertes. Quand les lettres de Tina cessent soudainement, Anders est plongé dans le désespoir. Leur amitié inattendue peut-elle survivre?

Mon avis…

Il n’est jamais trop tard est un roman qui, a priori, pouvait vraiment me plaire. J’aime beaucoup les livres originaux et, de nos jours, les romans épistolaires ne sont pas monnaie courante. Je me réjouissais donc de découvrir cet échange entre deux personnages que tout sépare, et en particulier des milliers de kilomètres. Tina Hopgood décide, un jour, d’écrire une lettre à quelqu’un qu’elle admire, le professeur Glob, qui a découvert « l’homme de Tollund ». Cette histoire d’archéologie est tout à fait véridique, je vous mets l’image du bonhomme découvert momifié dans une tourbière ci-dessous. Tina est fascinée par cette découverte, et en particulier par le sourire apaisé qui semble éternellement gravé sur le visage de cet homme. Elle a créé tout un imaginaire autour de ça. Néanmoins, ce n’est pas le professeur Glob, mort depuis un bout de temps, qui répond à sa lettre, mais Anders, le conservateur du musée de Silkeborg, où se trouve conservé l’homme de Tollund. Cette réponse, très formelle, est une invitation à venir visiter le musée danois. Mais Tina fera-t-elle le voyage ? Avant d’avoir la réponse, c’est une longue correspondance qui commence entre les deux personnes.

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« Nous avons parlé ensemble du sens de la vie, et nous nous sommes demandé si nous avions vécu comme nous en avions l’intention ou comme nous aurions choisi de vivre si nous avions su au moment de faire ce choix quelles étaient nos alternatives, mais nous n’avons pas raté notre vie. »

Réunis par l’histoire et l’imagination, Tina et Anders sont deux êtres très différents. Leurs conversations sont tantôt très concrètes – ils se racontent leur vie quotidienne – tantôt philosophiques. Ils abordent tous les sujets qui les préoccupent et deviennent progressivement amis, et peut-être plus. J’ai trouvé beaucoup de charme à la correspondance mais j’avoue que, globalement, la lecture ne m’a pas emballée autant que je l’aurais cru. En effet, le rebondissement suggéré dans la quatrième de couverture (« Quand les lettres de Tina cessent soudainement, Anders est plongé dans le désespoir. ») est vraiment moindre. Il n’arrive que tardivement et est très vite évacué. Échange épistolaire oblige, il n’y a aucune action à proprement parler, uniquement des récits d’événements ou des pensées. La lecture peut donc tirer en longueur et devenir parfois un peu ennuyante. J’ai donc beaucoup aimé le postulat de départ, j’ai été séduite par l’idée de réunir ces deux personnages et par certains moments du livre… mais l’impression globale n’est pas excellente, malheureusement. Un petit dommage, donc, malgré le gros potentiel de ce roman qui pourra néanmoins plaire aux lecteurs et lectrices qui aiment les discussions philosophiques, les flux de pensée et les questionnements existentiels… Je sais qu’il en existe beaucoup, et si vous en faites partie, n’hésitez pas à plonger dans Il n’est jamais trop tard.

Carte d’identité du livre

Titre : Il n’est jamais trop tard
Autrice : Anne Youngson
Traductrice : Perrine Chambon
Éditeur : Denoël
Date de parution : 23 mai 2019

3 étoiles

Merci aux éditions Denoël pour cette lecture.

denoel

#385 Toutes ces choses qu’on n’a jamais faites – Kristan Higgins

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Le résumé…

Avant de mourir, la jeune Emerson, obèse morbide gravement malade, remet une enveloppe à ses deux meilleures amies Marley et Georgia, 34 ans, et leur fait promettre de suivre ses instructions. Elles découvrent qu’il s’agit de « La liste de choses à faire quand elles seraient minces », rédigée à 18 ans au camp d’amaigrissement où elles avaient formé leur trio.
Décidées à relever le défi lancé par leur défunte amie, les deux jeunes femmes vont devoir apprendre à surmonter leurs peurs et leurs complexes. Marley parviendra-t-elle à se délester de la culpabilité qui la ronge depuis la mort de sa sœur jumelle ? Georgia saura-t-elle trouver les ressources pour s’opposer à sa famille qui ne cesse de la rabaisser ? Munies de leur to-do list, elles sont prêtes à tout oser !

Mon avis…

Emerson, Marley et Georgia se sont rencontrées pendant leur adolescence, dans un camp pour jeunes personnes en surpoids. Elles ont passé un fabuleux été, nouant une amitié indéfectible. Un jour, elles ont écrit la liste de toutes les choses qu’elles feront lorsqu’elles seront minces. Des années plus tard, Marley et Georgia sont restées très proches, mais Emerson a pris ses distances et donne moins de nouvelles à ses amies. Les kilomètres qui les séparent n’aident pas… Un jour, les deux jeunes femmes sont appelées pour se rendre auprès d’Emerson, et découvrent qu’elle est désormais atteinte d’obésité morbide et qu’elle va mourir… Le choc est immense : que s’est-il passé ? Avant de partir, elle leur confie un petit bout de papier et leur fait promettre de tout faire. Ignorant les enjeux, ses deux amies acceptent. Ce papier, c’est cette fameuse liste de choses à faire quand elles seraient minces… Sauf que, minces, Marley et Georgia ne le sont toujours pas ! C’est donc le début d’un grand combat pour l’acceptation de soi qu’entament les deux amies.

Ce roman m’a beaucoup surprise. Concrètement, Kristan Higgins n’est pas grosse. Elle ne sait donc probablement pas elle-même ce que c’est, mais elle parvient à créer des personnages aux états d’âme très réalistes. Il est vrai que certains passages ont pu me déranger, mais aussi certaines idées qui sont présentes dans le roman, comme celle selon laquelle il suffirait de manger mieux et moins pour mincir. Ce n’est pas toujours vrai. Néanmoins, Kristan Higgins parvient à ne pas rentrer totalement dans les clichés, et j’ai malgré tout réussi à faire abstraction de cette petite gêne initiale. Par ailleurs, il y a un véritable travail sur la psychologie dans ce roman. Parfois, j’ai eu le sentiment qu’il y avait quelques longueurs, qu’il ne se passait pas grand chose à certains moments, et en réalité cela ne m’empêchait pas du tout de prendre plaisir à la lecture. Ces moments matérialisaient surtout l’attention très fine portée par l’autrice à l’élaboration de ces personnages. On explore vraiment leurs sentiments, leur intériorité, et on partage en quelque sorte le quotidien de ces jeunes femmes…

Le roman a un bon rythme, car il alterne des chapitres centrés sur Georgia, d’autres sur Marley, et d’autres où l’on retrouve des pages du journal intime d’Emerson. Malgré la mort de cette dernière, donc, le personnage ne cesse pas d’être présent et le trio continue d’exister, d’une autre façon. Chaque chapitre est en quelque sorte concentré, sur le plan des deux copines vivantes, sur la réalisation des points de la liste. Néanmoins, puisque aucune vie ne saurait être réduite à une liste, il va de soi que les deux amies prennent vite leur indépendance vis-à-vis de ces directives et les adapte à ce qu’elles sont devenues. Hors de question, donc, d’attendre d’être mince ! C’est alors un défi encore plus grand que se lancent Georgia et Marley : assumer leur corps tel qu’il est. Et, dans ce long roman, on retrouve toute leur progression, c’est-à-dire leurs hésitations, leurs doutes, leurs peines, mais surtout leurs victoires, même les plus petites, leurs triomphes sur les autres mais surtout sur elles-mêmes. Les personnages secondaires, eux aussi, sont vite contaminés par cette belle initiative, ce qui donne un roman très positif !

Les quelques petites maladresses sur le traitement du surpoids par l’autrice sont donc vite pardonnées, car elle ne bâcle pas ses personnages. On entre dans la vie de Georgia et Marley et on s’attache véritablement à elles. J’ai beaucoup souri pendant cette lecture, j’ai pris du plaisir, et j’avais vraiment envie de savoir comment les choses allaient se finir pour elles. Toutes ces choses qu’on n’a jamais faites est un roman body positive mais certainement pas moralisateur. Et, rassurez-vous, pas besoin d’être en surpoids pour apprécier cette histoire ! C’est un roman vraiment sympathique, idéal pour les chaudes journées d’été que nous connaissons ces derniers temps. Au programme : de l’amitié, de l’humour, de l’amour, du dépassement de soi et de la sensibilité. Ce roman est aussi un beau pied de nez aux grossophobes, profondément déculpabilisant et bienveillant !

Carte d’identité du livre

Titre : Toutes ces choses qu’on n’a jamais faites
Autrice : Kristan Higgins
Traductrice : Alexandra Herscovici-Schiller
Éditeur : Harper Collins France
Date de parution : 02 mai 2019

4 étoiles

Merci aux éditions Harper Collins France pour cette lecture.

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#383 Les Confessions de Frannie Langton – Sara Collins

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Le résumé…

Esclave. Frannie Langton grandit à Paradise, dans une plantation de canne à sucre, où elle est le jouet de chacun : de sa maîtresse, qui se pique de lui apprendre à lire tout en la martyrisant, puis de son maître, qui la contraint à prendre part aux plus atroces expériences scientifiques…
Domestique. À son arrivée à Londres, la jeune femme est offerte comme un vulgaire accessoire à George et Marguerite Benham, l’un des couples les plus raffinés d’Angleterre.
Séductrice. Seule contre tous, Frannie trouve une alliée en Marguerite. Entre ces deux lectrices invétérées se noue un lien indéfectible. Une foudroyante passion. Une sulfureuse liaison.
Meurtrière. Aujourd’hui, Frannie est accusée du double-meurtre des Benham. La foule se presse aux portes de la cour d’assises pour assister à son procès. Pourtant, de cette nuit tragique, elle ne garde aucun souvenir. Pour tenter de recouvrer la mémoire, Frannie prend la plume…
Victime ? Qui est vraiment Frannie Langton ?

Mon avis…

Ce livre, malgré sa couverture colorée, renferme un roman noir dont l’atmosphère gothique marque l’influence sur Sara Collins d’autrices telles que les sœurs Brontë, Mary Shelley, Jean Rhys ou encore Sarah Waters, une autrice contemporaine que j’apprécie énormément et dont je vous parlerais un jour. À l’instar des romans de cette dernière, on retrouve dans Les Confessions de Frannie Langton une histoire d’amour lesbienne en plein Londres du XIXe s. Mais, évidemment, l’intrigue ne se limite pas à cette romance qui, par ailleurs, est tout aussi dure et cruelle que le reste. En effet, nous découvrons Frannie Langton dans une situation plus que compliquée : durant son procès, puisqu’elle est accusée du meurtre de ses deux maîtres, M. et Mrs. Benham. C’est Frannie qui, à la première personne, nous raconte son histoire. Elle revient sur son enfance en Jamaïque, dans la plantation de cannes à sucre où elle est née, sur les horreurs qu’elle a été contrainte de commettre, mais aussi sur l’éducation qu’elle a reçue. Car Frannie est une métisse à qui l’on a appris à lire et à écrire. Mais, au XIXe siècle, dans une société oppressive et esclavagiste, toute connaissance a son revers.

Elle nous raconte son parcours, de sa Jamaïque natale au Londres du XIXe s., au service de M. et Mrs. Benham. C’est avec cette dernière qu’elle nouera une relation aussi passionnée que toxique. Là, elle trouvera une forme de liberté, quittant l’esclavage pour la domesticité, mais elle découvrira les origines de ses souffrances passées, et elle traversera encore des épreuves bouleversantes et perturbantes. Frannie Langton, au fil de ses confessions, apparaît comme un personnage extrêmement complexe, qui semble se déshumaniser au fil du récit, à mesure que les horreurs vécues modifient son être. Est-elle véritablement coupable du meurtre de ses maîtres ? Surtout, a-t-elle tué la femme qu’elle aimait ? Ou n’est-elle la principale suspecte qu’en raison de sa couleur de peau ? Quel est le rôle de cette société coloniale, esclavagiste, raciste et misogyne, dans le meurtre qui a été commis ? Ce livre soulève de nombreuses questions, tant concernant le personnage que l’époque dans laquelle elle évoluait. Il s’agit d’un premier roman intéressant qui, malgré quelques longueurs et une intrigue parfois très foisonnante, parvient à nous captiver.

Carte d’identité du livre

Titre : Les Confessions de Frannie Langton
Autrice : Sara Collins
Traducteur : Charles Recoursé
Éditeur : Belfond
Date de parution : 18 avril 2019

4 étoiles

Merci aux éditions Belfond et à NetGalley pour cette lecture.

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#382 La chambre des officiers – Marc Dugain

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Le résumé…

1914. Tout sourit à Adrien, ingénieur officier. La guerre éclate et lors d’une reconnaissance sur les bords de la Meuse, un éclat d’obus le défigure. Le voilà devenu une  » gueule cassée « . Adrien ne connaîtra pas les tranchées mais le Val-de-Grâce, dans une chambre réservée aux officiers. Une pièce sans miroir, où l’on ne se voit que dans le regard des autres.
Adrien y restera cinq ans. Cinq ans pour penser à l’après, pour penser à Clémence qui l’a connu avec sa gueule d’ange…

Mon avis…

J’ai enfin lu La chambre des officiers de Marc Dugain ! De ce roman, qui date de 1999, je n’ai entendu que du bien… Je l’ai dévoré, le temps d’un aller-retour en train. C’est en effet un livre assez court, qui se lit vraiment bien et qui, en cela, me semble vraiment pouvoir s’adresser à tous les publics, y compris les jeunes. Il raconte l’histoire d’Adrien, beau jeune homme qui, mobilisé dans le génie pendant la Première Guerre mondiale, est défiguré par un éclat d’obus dans les premiers jours du conflit, avant même que les combats ne commencent officiellement. Il est le tout premier blessé de la face en France, la toute première « gueule cassée ». Ce roman raconte donc son quotidien à l’hôpital du Val de Grâce, près de Paris, où il ne voit des combats et de la guerre que les nombreux blessés graves qui affluent à l’arrière. La « chambre des officiers », c’est celle dans laquelle on l’installe dès son arrivée. Les blessés sont « classés » selon leur rang. Dans cette salle, il rencontrera d’autres officiers blessés, et construira des amitiés durables. Ce roman montre bien l’esprit de camaraderie qui peut naître, même dans les pires épreuves, mais aussi tous les obstacles que devaient surmonter ces personnes.

Ce roman est passionnant car il nous fait entrer dans la vie d’Adrien, à travers une narration à la première personne qui nous permet d’imaginer, ne serait-ce qu’un peu, ce que devait ressentir une gueule cassée. En cela, le livre de Marc Dugain était assez singulier à l’époque de sa sortie car, en vérité, les blessés de la face, bien que très nombreux, avaient tendance à être invisibilisés en littérature. Depuis, nous avons aussi vu passer Au revoir là-haut de Pierre Lemaitre, prix Goncourt 2013, dans lequel l’un des personnages principaux, Édouard Péricourt, est aussi une gueule cassée. J’ai beaucoup aimé la présence étonnante d’une femme parmi tous ces blessés. Le roman met en effet en scène la variété des blessures mais aussi celle des victimes, et l’horreur que cela représente. Il permet également de montrer leur retour à la vie civile, parfois extrêmement compliqué, parfois impossible. C’est un roman très fort, écrit avec un style simple et accessible, qui permet de porter un regard profondément humain sur ce conflit dévastateur et précisément marqué par l’inhumanité.

Carte d’identité du livre

Titre : La Chambre des Officiers
Auteur : Marc Dugain
Éditeur : Pocket
Date de parution : 6 janvier 2000

5 étoiles

#378 L’aimée – Renée Vivien

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Le résumé…

Lorély, intellectuelle et salonnière réputée, inspire à la narratrice un amour passionnel et destructeur. Celle-ci en oublie sa tendre amie, Ione, qui en meurt de chagrin. Lorély l’infidèle devient alors celle par qui le drame est arrivé. Viennent d’autres amantes, figures salvatrices ou démons séducteurs, brouillant les pistes dans le jeu amer de tromperie et de pardon qui oppose et réunit tour à tour la narratrice et Lorély.

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Mon avis…

Aujourd’hui, je vous parle non seulement d’un livre, mais aussi d’une maison d’éditions : Talents hauts. Vous en avez peut-être déjà entendu parler. Il s’agit d’une ME jeunesse, créée en 2005, qui choisit de publier des livres qui vont à l’encontre des clichés, des discriminations, des distinctions de genres, etc. L’un de leurs projets est ainsi de proposer la réédition de textes oubliés, car ils sont l’œuvre d’autrices qui, principalement en raison du fait qu’elles étaient des femmes, ont été condamnées à être effacées des histoires littéraires et des rayonnages des librairies. Cette collection très récente s’appelle « Les plumées », pour les raisons que l’on imagine. Vous pouvez y découvrir Isoline, un texte de Judith Gautier (je vous avais déjà parlé de cette autrice en proposant une brève chronique des Mémoires d’un éléphant blanc), ou encore Marie-Claire de Marguerite Audoux, ou bien Trois soeurs rivales de Marie-Louise Gagneur et, un peu plus connu, La Belle et la Bête de Gabrielle-Suzanne de Villeneuve. Aujourd’hui, c’est d’un autre livre que je vous parle : L’aimée de Renée Vivien. C’est un texte qui avait déjà paru sous le titre Une femme m’apparut, mais qui était depuis tombé dans l’oubli…

« Dans une demi-clarté à la magie singulière, une Femme m’apparut… […] Instinctivement, je redoutai le commandement de son regard, la courbe impérieuse de ses lèvres. Ses cheveux la nimbaient d’un perpétuel clair de lune. »

Alors, avant de rentrer dans le détail de ce magnifique texte, j’aimerais vraiment remercier les éditions Talents hauts pour ce superbe projet, qui est d’une importance capitale dans la vie littéraire actuelle. Mettre en lumière les autrices est tout simplement une nécessité aujourd’hui, et cette maison d’éditions le fait avec beaucoup de goût, de subtilité, de fraîcheur. Merci.

« J’attendais Lorély dans un boudoir glauque où les bibelots semblaient jetés çà et là au gré d’une main impatiente. On y sentait le caprice et le désordre d’un esprit fantasque. Des fleurs éclataient partout en gerbes, en fusées, en masses touffues… C’étaient des lys tigrés ouvrant leurs vastes corolles d’où s’exhalait la violence du parfum, des grappes d’orchidées bleues retombant avec une grâce triste, des gardénias, si fragiles que le frôlement le plus doux les eût flétris, blêmissant à côté de roses blanches. »

Si Talents hauts est une maison d’édition jeunesse, il s’avère que les livres de la collection « Les plumées » sont, dans toutes les librairies dans lesquelles j’ai cherché, rangés dans les rayons de littérature générale. Cela peut s’expliquer par le fait qu’il s’agit de textes littéraires assez anciens, peut-être, mais aussi par le vocabulaire, parfois compliqué. Or, je tiens à souligner que l’ensemble est compréhensible y compris d’un lectorat jeune. Tout dépend, je pense, de la maturité des lecteurs et lectrices. Le mieux étant de mettre le livre entre leurs mains et de les laisser décider si cela les intéresse ou non. Ce sont donc aussi des textes qui sont accessibles aux adultes. Bref, il est possible de les lire presque à tout âge. Et je n’ai donc pas boudé mon plaisir.

« Aucune parole de sagesse ne vaut le rire de la folie »

Il n’y a pas vraiment d’intrigue dans ce « roman », que j’hésite même à appeler ainsi pour cette raison. Il s’agit d’un texte qui aborde les questions de l’amour, de la passion, de la peine qui peut en découler. Renée Vivien traite ici de la relation entre deux femmes, et ce n’est pas pour rien que cette autrice est surnommée Sapho 1900, d’après le nom de la célèbre poétesse de l’Antiquité, qu’elle a traduite et adaptée, contribuant ainsi à en faire le symbole des amours lesbiens. L’aimée, dans lequel on retrouve cette influence, est vraiment un livre absolument splendide, très poétique. L’écriture et le style de l’autrice sont exceptionnels. Il s’agit d’un texte en grande partie autobiographique, car il est inspiré de sa relation avec Nathalie Barney, une femme qu’elle a tendrement aimée et qui l’a beaucoup fait souffrir. Tout cela est fort bien expliqué dans la petite préface de Nicole G. Albert, docteure et spécialiste de la littérature décadente. L’ensemble du livre est assez métaphorique parfois, nimbé de mystère, auréolé de douceur également, comme s’il incarnait le sentiment même de l’amour. J’ai vraiment été séduite par cette lecture, qui mérite en effet d’être redécouverte pour sa grande qualité stylistique et sa profondeur qui n’ont rien à envier aux plus grands chefs d’œuvre reconnus de la littérature.

Carte d’identité du livre

Titre : L’aimée
Autrice : Renée Vivien
Éditeur : Talents Hauts
Date de parution : 21 février 2019

5 étoiles

#376 Bleue – Maja Lunde

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Le résumé…

Norvège, 2017. Depuis son plus jeune âge, Signe a fait passer l’écologie avant tout. Ainsi a-t-elle préféré renoncer à Magnus, dont elle ne partageait pas les idées. Aujourd’hui, elle vit sur un bateau amarré dans un fjord, au plus près de l’eau.  Et c’est pour sauver l’eau qu’elle décide à soixante-sept ans d’entreprendre un dernier périple en mer, lorsqu’elle apprend qu’une opération commerciale, autorisée jadis par Magnus, menace son glacier natal. L’heure est venue pour Signe d’affronter son grand amour perdu. Pour cela, elle doit prendre la direction du sud de la France…

France, 2041. La guerre de l’eau bat son plein. Avec Lou, sa fille aînée, David a fui les Pyrénées ravagées par la sécheresse pour retrouver sa femme et leur bébé, dont il a été séparé. Mais les réfugiés climatiques sont bloqués à la frontière, et les ressources commencent à manquer. Un jour, à des kilomètres de la côte, David et Lou trouvent un voilier au beau milieu d’un champ desséché : le bateau de Signe…

Mon avis…

Après l’excellent Une histoire des abeilles, Maja Lunde revient avec une nouvelle fable dystopique : Bleue. Cette fois, ce ne sont pas trois mais deux trames narratives que nous suivons, l’une en 2017, l’autre en 2041. J’apprécie beaucoup cette construction, qui permet d’avoir plusieurs regards sur l’événement, ici la sécheresse. Si ce roman, comme le précédent, a clairement pour but de nous faire réfléchir aux enjeux écologiques et climatiques de notre époque, c’est aussi un livre passionnant, avec des personnages attachants et une intrigue prenante.

Bleue est un texte magnifique, qui nous montre des temps futurs, où de nombreux européens, français compris, seront obligés de fuir les villes dévastées par des incendies que l’on ne peut plus éteindre par manque d’eau, devenant ainsi des réfugiés climatiques dont, malheureusement, les autres pays ne veulent pas… Triste ironie du sort, me direz-vous… Mais c’est aussi et surtout profondément réaliste. L’eau a disparu, les fleuves se sont taris, l’eau courante est rationnée dans les camps où se réunissent les survivants… Quant à l’histoire qui se déroule vingt-quatre ans plus tôt, elle nous montre un échantillon de la destruction de la planète, de son exploitation à l’excès, tout en proposant un récit individuel, montrant le destin de personnages et leur lien avec ce processus. Ici, ni grand méchant ni grand gentil, juste des êtres humains parfois inconscients, toujours fragiles…

Malgré le caractère dystopique, Maja Lunde injecte de l’espoir tout au long de son roman, au travers de ses êtres de papier, et en particulier de la petite Lou. Comme dans Une histoire des abeilles, le salut du monde se trouve entre les mains des enfants… Loin d’être simpliste et moralisatrice, cette histoire est bien au contraire d’une richesse folle, et remplie de tendresse. Ce roman est encore une fois un véritable coup de cœur, car il mêle avec subtilité réflexions actuelles sur l’avenir du monde et divertissement. Oui, c’est à la fois une lecture plaisir et réflexive, et c’est pour cette raison que je vous conseille vivement ce livre. Il est scientifiquement documenté, certes, mais il amène une touche d’humanité et d’individualité dans ce récit parfois catastrophique de l’avenir qui nous attend si le monde continue à tourner ainsi.

Carte d’identité du livre

Titre : Bleue
Autrice : Maja Lunde
Traductrice : Marina Heide
Éditeur : Presses de la Cité
Date de parution : 09 mai 2019

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Coup de coeur

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Merci aux éditions Presses de la Cité et à NetGalley pour cette lecture.