Le résumé…
Bénédict, enfant d’une mère iranienne et d’un pasteur suisse, a grandi entre l’Orient et l’Occident, bercé par la poésie soufie et le souffle de l’Apocalypse, debout au milieu des contraires. Plus tard, devenu Maître Laudes pour ses étudiants, professant la littérature comparée à l’université de Lausanne et, un semestre sur deux, à celle de Téhéran, son enseignement singulier et sa mystérieuse personne inspirent passions et sentiments contradictoires à son public. C’est aussi que Bénédict semble une figure provocante, éminemment androgyne, affranchie des contraintes de sa naissance, prosélyte d’une parole de tolérance et de résistance, qui fait résonner dans les amphithéâtres des mots de liberté, ceux d’une révolution culturelle à conduire, ceux d’un monde où s’effacerait la dramatique et douloureuse séparation entre les sexes.
Mon avis….
Comme j’avais aimé le magnifique roman Illettré de Cécile Ladjali… Une merveille de subtilité et de douceur, le tout couronné du style poétique de celle qui connaît et aime la langue française. Là encore, l’autrice nous plonge dans la vie d’un personnage jugé différent. Il brouille les frontières, les distinctions de genre, bouleverse ceux et celle qui l’entourent, devient tant leur mentor que leur plus grande crainte. Il représente ce qui n’est pas dans la norme, ce qu’on ne comprend pas. Et là où Cécile Ladjali ajoute une complexité supplémentaire, c’est lorsqu’elle place ce personnage androgyne, tantôt femme tantôt homme, souvent les deux à la fois, séduisant l’un comme l’autre des sexes, dans un pays aux lois terriblement conservatrices : l’Iran. En effet, Bénédict, parfois, quitte la Suisse pour le pays qui a vu naître sa mère. Et, tandis qu’en Suisse son identité floue séduit même si elle inquiète, en Iran elle devient un danger, une menace. Cécile Ladjali, comme dans Illettré, mais avec un sujet bien distinct, nous montre la subtilité de l’identité, de la détermination de soi. Elle nous propose un regard neuf sur l’Iran, sur le genre, sur notre propre société, sur nos perceptions… Deux mondes s’opposent là où deux genres se mêlent. Tandis que tous semblent exiger une prise de position de la part de Bénédict, un geste de réassurance, il exploite une indécision toute affirmée. Le fait de ne pas choisir devient un choix. Cécile Ladjali, particulièrement consciente de notre société en mutation, nous emporte dans une histoire passionnante, sur les traces d’un personnage exceptionnel, à la fois pur et sulfureux, révolté et apaisé. C’est un roman d’une grande sensibilité, qu’on ne peut qu’aimer quand on apprécie les belles tournures sans lourdeur, un style à la fois tendre et tourmenté. Bref, un livre actuel et qui, je l’espère, est destiné à durer.
> Intersectionnalité <