#323 Moi, l’interdite – Ananda Devi

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Le résumé… 

Murée dans la solitude et le silence pour devenir invisible puisqu’indésirable, une femme est face à elle-même. Les seuls témoins de son existence sont des colonies d’insectes, le regard d’un chien et l’ombre d’un homme…

Mon avis…

Je vous avais parlé, il y a peu, d’un roman magnifique et atypique intitulé Manger l’autre. Cela avait été un véritable coup de coeur ! Et bien, aujourd’hui, j’aimerais vous faire découvrir Moi, l’interdite, qui est un texte plus ancien de la même autrice. Nous plongeons, cette fois aussi, dans la vie d’un personnage rejeté de tous et de toutes car hors norme : une jeune femme avec un bec de lièvre. En raison de cette particularité physique, elle est exclue de la société. C’est donc encore l’occasion, pour Ananda Devi, de parler du corps, d’une femme, d’une société, avec toujours la présence quasi obsessionnelle de la nourriture, de la faim, mais aussi de l’animalité. Là aussi, le roman est d’une poésie envoutante. Chaque phrase pourrait se lire et se relire à l’infini tant elle est belle et subtile. C’est un texte très court mais qui fait vraiment son effet, et qui va forcément marquer les lecteurs par sa force. Si vous avez, comme moi, une forte tendance à l’analyse littéraire – déformation professionnelle ou non – vous y trouverez de quoi vous faire plaisir ! C’est un roman profondément métaphorique, qui a plusieurs niveaux de lecture. Ananda Devi sait parler de la condition féminine, des exclus, de la société, de l’apparence… Vous le verrez, chaque page est un trésor pour le lecteur attentif.

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Instagram @juliette.sa

En quelques mots…

poétique du corps
subtil et profond
absolument magnifique
sur l’exclusion
condition féminine

Carte d’identité du livre

Titre : Moi, l’interdite
Autrice : Ananda Devi
Éditeur : Dapper
Date de parution : 10 septembre 2000

5 étoiles

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Coup de coeur

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#286 Sexe et mensonges – Leïla Slimani

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Le résumé…

Sexe et mensonges, c’est la parole, forte et sincère, d’une jeunesse marocaine bâillonnée dans un monde arabe où le sexe se consomme pourtant comme une marchandise. Les femmes que Leïla Slimani a rencontrées lui ont confié sans fard ni tabou leur vie sexuelle, entre soumission et transgression. Car, au Maroc, la loi punit et proscrit toute forme de relations sexuelles hors mariage, tout comme l’homosexualité et la prostitution. Dans cette société fondée sur l’hypocrisie, la jeune fille et la femme n’ont qu’une alternative : vierge ou épouse. Sexe et mensonges est une confrontation essentielle avec les démons intimes du Maroc et un appel vibrant à la liberté universelle d’être, d’aimer et de désirer.

Mon avis…

Leïla Slimani, nous la connaissons surtout pour ses romans : Dans le jardin de l’ogre, premier livre exceptionnel et très prometteur, ainsi que, bien évidemment, Chanson douce, qui a eu le prix Goncourt. Aujourd’hui, la notoriété qu’elle a acquise permet à Leïla Slimani de s’attaquer à des sujets délicats, sous une forme plus documentaire. Après avoir touché à la fiction, elle s’attaque à la réalité. Sexe et mensonges, c’est le fruit de plusieurs rencontres. Elles sont tantôt touchantes et émouvantes, tantôt drôles et rebelles. Parfois, elles sont résignées, mais souvent, elles affirment la volonté d’un changement. Ce que narre l’autrice dans ce livre, c’est la façon dont la sexualité est vue au Maroc, mais surtout la façon dont elle est vécue. Et la différence entre les deux. L’hypocrisie. C’est un livre qui est écrit avec un style fluide, qui nous accroche tout de suite. A la lecture aussi facile qu’un roman, ce livre recueille des témoignages multiples et enrichissants. Une synthèse de nombreux regards différents sur une seule et même question, permettant de se faire ainsi une idée complète et développée sur le sujet. Leïla Slimani, en chef d’orchestre, prend le lecteur par la main pour l’accompagner dans ce parcours de voix qui se croisent et se rencontrent parfois. C’est un plaisir de lire un tel ouvrage, de découvrir une réalité souvent ignorée. C’est le portrait d’un pays, à travers ses pratiques sexuelles, à travers sa jeunesse. Avec ses regrets et ses espoirs. Sans fioritures, sans détours, le sujet est abordé avec tact et sensibilité à la fois. Vraiment, aucune erreur dans ce livre abordable et didactique.

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#276 Sciences de la vie – Joy Sorman

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Le résumé…

Nombre de médecins qui se sont penchés sur les cas saugrenus de la famille de Ninon Moise ont échoué à les guérir, parfois même à simplement les nommer. Depuis le Moyen Âge, les filles aînées de chaque génération sont frappées, les catastrophes s’enchaînent. Ninon, dix-sept ans, dernière-née de cette lignée maudite, a droit à un beau diagnostic : allodynie tactile dynamique, trois mots brandis pour désigner ce mal mystérieux qui brûle la peau de ses bras sans laisser de traces, et sans explications.

Mais Ninon, contrairement à ses aïeules, ne se contente pas d’une formule magique, veut être soignée par la science, et entend échapper au déterminisme génétique, aux récits de sorcières qui ont bercé son enfance, pour rejoindre le temps, adulte, des expériences raisonnées. C’est une décision, celle de contrarier sa propre histoire, de s’inventer une nouvelle identité, de remonter le courant de son intuition initiale, qui lui a fait dire un 19 janvier au réveil je suis maudite comme toutes les autres.

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Mon avis…

Joy Sorman est une autrice dont j’ai déjà eu l’occasion de parler, avec la chronique de son roman La peau de l’ours, très différent de celui que je vais vous faire découvrir aujourd’hui. S’ils ont des points communs, ce serait le thème du corps et de l’âme qui se cache sous la peau. Sciences de la vie, c’est l’histoire mystérieuse d’une malédiction familiale, dont Ninon est la malheureuse héritière. De génération en génération, chaque fille aînée est touchée par une maladie, toujours étrange, incurable et irrationnelle. Mais voilà, Ninon vit avec son temps, elle a conscience des évolutions de la médecine. Et, contrairement aux autres femmes de la famille, elle décide de lutter contre la fatalité. Joy Sorman nous livre le récit éprouvant et passionnant de sa recherche désespérée de la guérison. Ninon passe de médecin en médecin, rencontre un chamane très louche pour une expérience extatique en pleine forêt de la région parisienne – une scène très amusante, d’ailleurs -, bref, elle explore toutes les issues possibles. L’autrice met des mots sur les douleurs et les espoirs. Le travail sur le langage, ses tours et ses détours, la façon dont il peut ou non s’adapter à la réalité du corps, est tout simplement impressionnant. C’est un livre magnifique, plein d’humour, de tendresse et d’ironie. Une petite perle au style à la fois travaillé et délicat, une aventure… et quelle aventure : celle de la vie d’une femme qui a bien l’intention de ne pas se laisser faire.

Coup de cœur

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#275 Manger l’autre – Ananda Devi

Le résumé…

Une jeune adolescente, née obèse, mange, grossit et s’isole. Sa mère s’enfuit, horrifiée par son enfant. Ses camarades de classe la photographient sans répit pour nourrir le grand Œil d’internet. Son père, convaincu qu’elle aurait dévoré in utero sa jumelle, cuisine des heures durant pour nourrir «  ses princesses  ». Seule, effrayée par ce corps monstrueux, elle tente de comprendre qui elle est vraiment. Quand elle rencontre par accident l’amour et fait l’expérience d’autres plaisirs de la chair, elle semble enfin être en mesure de s’accepter. Mais le calvaire a-t-il une fin pour les êtres «  différents  »  ?
Conte de la dévoration et roman de l’excès, Manger l’autre est une allégorie de notre société avide de consommer, obsédée par le culte de la minceur et de l’image conforme.
Avec force, virtuosité, et humour, Ananda Devi brise le tabou du corps et expose au grand jour les affres d’un personnage qui reflète en miroir notre monde violemment intrusif et absurdement consumériste.

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Ananda Devi

Mon avis…

La couverture est magnifique, mais crée un certain malaise, n’est-ce pas ? L’ensemble du livre est du même acabit… Ananda Devi explore dans ce roman les affres de la faim sans fin. Elle nous livre un véritable conte macabre de la destruction et de l’annihilation par l’abondance. Sur fond de subtile – mais incisive – critique sociale, le destin d’un personnage atypique nous est dévoilé, dans un style qui oscille entre poésie et brutalité, entre sensualité et violence. C’est un livre sur le corps, celui d’une jeune fille, confrontée au regard cruel des autres, au regard fou et tendre de son père, au regard fuyant de sa mère, tandis qu’elle-même refuse longtemps de se voir. Ananda Devi nous met entre les mains un livre extrêmement dérangeant, à l’écriture maîtrisée et magistralement travaillée, qui nous secoue, nous brutalise et nous bouleverse. C’est un véritable ovni de la rentrée d’hiver, un roman comme on n’en lit qu’une fois dans sa vie…

Coup de cœur

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