#370 Surface – Olivier Norek

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Le résumé…

Ici, personne ne veut plus de cette capitaine de police.
Là-bas, personne ne veut de son enquête.

Mon avis…

Quel bonheur d’avoir de nouveau un roman d’Olivier Norek entre les mains. Si j’avais déjà beaucoup aimé Code 93 et les autres aventures de Coste, son dernier livre, Entre deux mondes, avait été un véritable choc ! L’évolution de l’auteur est constante, et après la Seine-Saint-Denis et la jungle de Calais, c’est dans un territoire bien surprenant que nous entraîne Norek… l’Aveyron ! Nous suivons ici l’histoire de Noémie, capitaine de police parisienne bossant aux Stups. Un jour, une interpellation parmi d’autres… Enfin, c’est ce que cela aurait dû être. Ce jour-là, Noémie se fait tirer dessus en plein visage. Elle est alors défigurée. Désormais, elle sera No. Très vite vient le moment de retourner travailler. Mais certains de ses coéquipiers et sa hiérarchie semblent ne pas pouvoir supporter le spectacle quotidien de cette gueule cassée… Elle est donc envoyée, « pour se reposer », dans un commissariat tranquille de l’Aveyron, à Decazeville. Là-bas, alors qu’elle devait se faire oublier, un cadavre resurgit, vieux de dizaines d’années…

Ce roman retrace la destruction puis la reconstruction délicate de Noémie, alias No, mais aussi celle d’un village tout entier. La surface, c’est autant celle du visage de la capitaine, abîmée et fragile, que celle du lac d’Avalone, et du village de Decazeville : lisse en apparence, mais cachant de lourds mystères. Avec sensibilité, Olivier Norek nous décrit le parcours périlleux et tumultueux de No. Il y aborde le thème de la blessure, tant physique qu’intérieure, de la solitude, de la folie, de la perte… Comme toujours dans ses romans, le lecteur aura plaisir à retrouver la veine sociale propre à l’auteur. Et, là encore, une intrigue absolument passionnante. Surface est un page-turner efficace et parfaitement bien ficelé. Le dénouement, évidemment, est surprenant et à la hauteur de l’attente.

Autant vous dire que ce roman est un véritable coup de cœur. J’aime beaucoup, chez Olivier Norek, la profondeur des personnages, leur psychologie parfaitement étudiée. L’intrigue provinciale, surprenante pour un auteur qui s’est jusque là passionné pour le monde urbain, est parfaitement bien menée. L’apparente tranquillité du village de Decazeville donne d’autant plus de relief aux sombres secrets qu’il abrite… J’ai vraiment apprécié la force de Noémie, pourtant si ébranlée par son accident. Cette héroïne est très inspirante. Ce roman d’Olivier Norek, comme les autres, se caractérise par une certaine générosité qui réside dans la volonté de donner du plaisir au lecteur. À noter aussi les pointes d’humour et les quelques clins d’œil au monde du polar français… Irrésistible ! Impossible de s’ennuyer une seule minute. Toute la surprise que l’on veut retrouver dans un bon polar est là. En bref, Olivier Norek fait un retour attendu et ne déçoit pas !

Carte d’identité du livre

Titre : Surface
Auteur : Olivier Norek
Éditeur : Michel Lafon
Date de parution : 4 avril 2019

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Coup de cœur

5 étoiles

#353 Sujet inconnu – Loulou Robert

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Le résumé…

J’avais huit ans quand j’ai su que je ne finirais pas mes jours ici. Qu’ici je ne deviendrais personne. Qu’ici je n’aimerais personne. Qu’ici, rien. Je ne ressentirais rien.
J’avais huit ans et j’ai décidé de partir un jour. J’ai choisi de ressentir. J’ai choisi de souffrir. À partir de là, je suis condamnée à cette histoire.

Sujet inconnu, c’est, dans un style brut et très contemporain, l’histoire d’un amour qui tourne mal. Entre jeux de jambes et jeux de mains, l’héroïne de ce roman boxe, court, tombe, se relève, danse, au rythme syncopé de phrases lapidaires et d’onomatopées. Plus la violence gagne le récit, plus on est pris par cette pulsation qui s’accélère au fil des pages. Un roman écrit d’une seule traite, d’un seul souffle, dans l’urgence de gagner le combat, dans l’urgence de vivre, tout simplement.

Mon avis…

L’exploration de la rentrée littéraire continue avec un roman très singulier : Sujet inconnu de Loulou Robert. Il s’agit d’un texte qui est loin d’être classique, qui est au contraire on ne peut plus contemporain, actuel, et aussi torturé que l’est notre société. Loulou Robert y mêle douceur et brutalité, sensualité et violence, avec un style tout à la fois sec et voluptueux, tranchant et caressant. Accrochez-vous bien, ce texte ne pourra pas vous laisser indifférent. On aime, ou on n’aime pas. Mais ce qui est certain, c’est que l’autrice a un talent fou. Je vous préviens d’ores et déjà, il faut aimer l’écriture saccadée, rythmée et battante, comme le cœur.

Je dis je. Cette histoire existe. Réelle ou pas. Elle existe. La réalité, on s’en fout. La réalité n’écrit pas d’histoires. Je. Tu. Il. Elle ne vit pas. Elle ne mange pas. Ne ressent pas. Ne baise pas. N’aime pas. Ne meurt pas.

Je ne veux pas être réelle.

Rythme de la vie, panique, excitation, désir, peur, hâte… Loulou Robert livre un texte mimétique de l’âme humaine. La pensée y arrive par vagues, déferlante, envoutante, elle nous engloutit, veut nous noyer, nous pousse à lutter pour respirer. C’est un combat pour la vie, pour cette vie qui nous pénètre et nous anime jusqu’aux cellules les plus enfouies et passives. Tout est mouvement, agitation. Et c’est tout simplement beau, exaltant.

Vivante comme jamais. Même dans les pleurs. Je n’ai jamais autant pleuré que cette année. Autant ri. Bu. Mangé. Joui. Dansé. Je me suis envolée. Je me suis crashée. J’ai eu peur. J’ai toujours peur. La peur stimule. Je cours toujours. Crie plus fort. Va chercher. Le sujet inconnu. Je suis le sujet inconnu.

Loulou Robert nous narre la découverte des autres, mais surtout la découverte de soi. Qui est je ? tu ? il ? elle ? Si l’on n’était pas pleinement dans la vie, on aurait le sentiment que l’autrice fait l’autopsie de notre société, de toutes ces individualités effacées dans un collectif, avec un « je », au milieu de tout ça – elle, peut-être ? – qui lutte pour continuer à exister. Elle nous raconte la rencontre d’un personnage avec elle-même, une autre, une inconnue, qui naît lorsqu’elle arrive dans la capitale, un monde bien différent de sa campagne natale. Le choc. Et le charme qui opère.

Carte d’identité du livre

Titre : Sujet inconnu
Autrice : Loulou Robert
Éditeur : Julliard
Date de parution : 16 août 2018

5 étoiles

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Coup de cœur

rentrée littéraire

#343 Règles douloureuses – Kopano Matlwa

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Le résumé…

Nous sommes en 2015, en Afrique du Sud. Des années durant, Masechaba a souffert de douleurs chroniques liées à une endométriose. Le sang a forgé son caractère, non seulement il a fait d’elle une personne solitaire, presque craintive, mais il l’a aussi poussé à devenir médecin. Quand débute le roman, elle est interne dans un hôpital. Dans le flux ininterrompu des patients, elle s’interroge sur sa capacité à les aimer tous, à leur donner toutes ses forces, tout son dévouement. Elle doute souvent, à l’opposé de sa meilleure amie, son modèle qui bien souvent pourtant l’ignore, voire la rudoie, Nyasha. Nyasha est zimbabwéenne, or l’Afrique du Sud vit alors une époque de racisme brutal.
Un jour, après avoir été accusée par son amie de ne pas avoir pris assez soin d’un patient étranger blessé lors d’émeutes xénophobes, elle décide de publier une pétition demandant le retour à la tolérance et à des valeurs humanistes.
En retour, elle sera violée par trois hommes, pour lui apprendre à rester à sa place.

Mon avis…

Dans une rentrée littéraire, il y a toujours un trésor, caché au milieu de la masse… Je sentais avant même de lire ce roman qu’il pouvait être cette petite perle. Et je ne m’y suis pas trompée, je crois. Il est de ces lectures qui laissent un goût à la fois doux et amer… Après avoir refermé ce livre, comme il est difficile de passer à un autre… Afrique du Sud, 2015, Masechaba souffre d’endométriose. Sa vie est une constante course d’obstacles. Malgré toutes les difficultés, les épreuves, elle a réussi à devenir médecin. Loin de laisser ses propres douleurs masquer celles du monde qui l’entoure, elle constate la prégnance du racisme, la persistance d’une forme d’apartheid qui se manifeste par une méfiance envers les étrangers… puis des violences qui vont profondément la choquer… Elle décide alors de mener un combat qui va la briser.

Règles douloureuses de Kopano Matlwa est un roman fort, puissant, révoltant, qui nous retourne l’âme aussi sûrement qu’une tempête. Endométriose, racisme, xénophobie, viol, mort, survie… Les sujets les plus durs sont présents. Tout cela amené avec la tendresse mêlée d’espoir d’une autrice talentueuse. Un choc, une véritable et belle révélation, un roman à la profondeur et à la perfection insondable ! C’est un livre actuel, moderne, dans lequel fleurit une douce révolte là où plus rien de bon ne semblait pouvoir éclore… Exceptionnel.

Carte d’identité du livre

Titre : Règles douloureuses
Autrice : Kopano Matlwa
Traductrice : Camille Paul
Éditeur : Le Serpent à Plumes
Date de parution : 30 août 2018

5 étoiles

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Coup de cœur

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#331 L’habitude des bêtes – Lise Tremblay

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Le résumé…

« J’avais été heureux, comblé et odieux. Je le savais. En vieillissant, je m’en suis rendu compte, mais il était trop tard. Je n’avais pas su être bon. La bonté m’est venue après, je ne peux pas dire quand exactement. » C’est le jour sans doute où un vieil Indien lui a confié Dan, un chiot. Lorsque Benoît Lévesque est rentré à Montréal ce jour-là, il a fermé pour la vie son cabinet dentaire et les volets de son grand appartement. Ce n’est pas un endroit pour Dan, alors Benoît décide de s’installer pour de bon dans son chalet du Saguenay, au cœur du parc national. Il y mène une vie solitaire et tranquille, ponctuée par les visites de Rémi, un enfant du pays qui lui rend de menus services, et par la conversation de Mina, une vieille dame sage. Mais quand vient un nouvel automne, le fragile équilibre est rompu. Parce que Dan se fait vieux et qu’il est malade. Et parce qu’on a aperçu des loups sur le territoire des chasseurs, dans le parc. Leur présence menaçante réveille de vieilles querelles entre les clans, et la tension monte au village…Au-delà des rivalités, c’est à la nature, aux cycles de la vie et de la mort, et à leur propre destinée que devront faire face les personnages tellement humains de ce court roman au décor majestueux.

Mon avis…

Il est certains livres dont on ne peut dire que peu de choses, et L’habitude des bêtes en fait partie. Il s’agit d’un roman qui se savoure, car il nous permet de pénétrer dans une atmosphère toute particulière, où les intrigues sont presque absentes et où pourtant l’ennui n’a pas la moindre place. Nous plongeons en effet dans la vie et les pensées de Benoît Lévesque qui, alors que la mort de son chien approche, décide de procéder à un retour sur son passé, au regard de son présent, tout en étant dans l’impossibilité d’envisager son avenir. Sa propre vieillesse est déjà bien installée. La simple idée qu’un jour il ne puisse plus profiter de la nature et des saisons, l’effraie au plus haut point. C’est dans le regard de la bête que l’être humain se pense. Le chien, animal familier et rassurant, côtoie les loups, sauvages et féroces. Mais le prédateur n’est pas celui que l’on croit, dans ce village perdu au coeur de la forêt. L’habitude des bêtes nous révèle l’être humain dans son animalité, sa brutalité, mais paradoxalement aussi sa tendresse parfois bourrue. En bref, Lise Tremblay nous offre un beau portrait d’hommes et de femmes, mais aussi d’une nature à la fois familière et mystérieusement insondable. C’est un très beau roman que publient ici les éditions Delcourt, dont il faut prendre le temps de goûter le moindre mot, à découvrir absolument.

Carte d’identité du livre

Titre : L’habitude des bêtes
Autrice : Lise Tremblay
Éditeur : Delcourt
Date de parution : 22 août 2018

5 étoiles

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Coup de cœur

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Merci aux éditions Delcourt pour cette lecture.

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#328 Le tueur intime – Claire Favan

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Le résumé…

Will Edwards, quinze ans, est quotidiennement battu, violé, humilié. Quand Samantha arrive dans sa classe, belle et protectrice, il renaît. Mais l’amourette se mue en déception. Décidé à se venger, Will apprend minutieusement les règles de la perversité et de la cruauté. Un véritable enragé ! Devenu un prédateur redoutable, il s’engage sur les routes des États-Unis à la rencontre de ses futures victimes.

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Claire Favan au salon Saint-Maur en Poche 2018.

Mon avis…

J’avoue que je ne connaissais Claire Favan que de nom avant de me rendre à Saint-Maur en Poche cette année. C’est sur ses conseils que j’ai opté pour le roman Le tueur intime, avec la promesse d’entrer dans l’esprit d’un tueur en série, rien que ça ! C’était en fait exactement ce que je cherchais, ce que j’avais envie de lire. J’espérais donc, évidemment, ne pas être déçue. Et autant dire que c’est une réussite. Ce roman est conséquent dans son nombre de pages, j’avais donc peur d’y trouver quelques longueurs. Mais pas du tout ! Claire Favan sait garder le rythme. Ce thriller est tout simplement addictif. J’ai eu l’impression de me retrouver dans un épisode d’Esprits Criminels, mais en 100 fois plus complexe, plus palpitant, plus réaliste, plus recherché. J’en ressors d’ailleurs assez impressionnée par le talent et le travail de l’autrice. Bien qu’elle soit française, elle situe son intrigue aux Etats-Unis. Cela n’est aucunement problématique car c’est très bien fait.

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S’il y a un « bémol » à relever concernant ce roman, il serait peut-être à intégrer dans un avertissement… Cet excellent thriller se caractérise en effet par une extrême violence, une brutalité constante. Nous pourrions nous en douter, évidemment, puisqu’il s’agit de l’histoire d’un tueur en série. Or, le malaise est généralisé à tout le roman, et avec une puissance notable, car nous entrons vraiment dans la tête de Will Edwards. L’ensemble est vraiment glaçant, ce qui est particulièrement délectable pour les amateurs de thrillers et d’histoires de tueurs en série. Mais il est de mon devoir de vous dire qu’il faut cependant, parfois, avoir le coeur bien accroché ! Nos émotions sont mises à rude épreuve page après page… Les personnages sont tous parfaitement bien construits et développés, tout comme l’intrigue, la psychologie d’ensemble. Le cocktail est détonnant. C’est un livre qui vous fera passer quelques nuits blanches, car il est impossible de le lâcher ! Bref, vous l’avez compris, si vous cherchez un roman horrifique, qui vous donnera de véritables frissons, vous l’avez trouvé. Âmes sensibles s’abstenir.

Carte d’identité du livre

Titre : Le tueur intime
Autrice : Claire Favan
Éditeur : Points
Date de parution : 10 mars 2011

5 étoiles

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Coup de coeur

#300 Le Libraire de Wigtown – Shaun Bythell

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Le résumé…

Bienvenue à Wigtown, charmante petite bourgade du sud-ouest de l’Écosse. Wigtown, son pub, son église… et sa librairie – la plus grande librairie de livres d’occasion du pays. De la bible reliée du XVIe siècle au dernier volume d’Harry Potter, on trouve tout sur les kilomètres d’étagères de ce paradis des amoureux des livres. Enfin, paradis, il faut le dire vite…
Avec un humour tout britannique, Shaun Bythell, bibliophile, misanthrope et propriétaire des lieux, nous invite à découvrir les tribulations de sa vie de libraire. On y croise des clients excentriques, voire franchement désagréables, Nicky, employée fantasque qui n’en fait qu’à sa tête, mais aussi M. Deacon, délicieux octogénaire qui se refuse à commander ses livres sur Amazon.
Entre 84, Charing Cross Road d’Helene Hanff et Quand j’étais libraire de George Orwell, Le Libraire de Wigtown invite le lecteur à découvrir l’envers du décor : si l’amour de la littérature est primordial pour exercer le métier de libraire, on y apprend qu’il faut aussi un dos en béton et une patience de saint!

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Petite photo perso du panneau de Wigtown, pour que vous ne vous perdiez jamais !

Mon avis…

Pour un 300ème article, il fallait THE livre, THE book, et donc THE BOOK SHOP. J’ai déjà évoqué ce bouquiniste écossais dans lequel j’avais fait beaucoup de trouvailles : j’avais fait un article, une fois, puis j’y suis retournée et je n’ai pas mis tous mes livres sur le blog, mais il y en avait beaucoup ! Car The Book Shop, c’est une véritable caverne d’Ali Baba. Le Libraire de Wigtown est un excellent bouquin, vraiment. En réalité, c’est un journal, celui du bouquiniste qui tient la librairie d’occasion qui est la « largest in Scotland » (oui, j’ai décidé de faire du franglais). Ce que j’adore dans ce livre, c’est que l’on retrouve l’atmosphère du Galloway, avec une touche bien prononcée d’humour. Shaun Bythell est un peu un cynique, autant vous prévenir, il adore se moquer de ses clients et de ses collègues. Il ne les épargne jamais. Ce livre parle, évidemment, de bouquins, de beaucoup beaucoup beaucoup de bouquins, et de lecteurs plus ou moins farfelus. Il raconte la vie quotidienne de ce libraire qui a une vie dont beaucoup rêvent sans en connaître une infime part.

Il y a une dimension sociale dans ce livre, car on plonge dans la société écossaise du Galloway, une région souvent ignorée de l’Ecosse. Il s’agit aussi, pour Shaun Bythell, de montrer au plus grand nombre la réalité d’un métier très difficile en des temps où la concurrence est de plus en plus déloyale. Les clients ne sont pas tous comme moi, à acheter les livres par dizaines sans les négocier ! Certaines situations décrites sont parfois complètement hallucinantes, il faut l’avouer. D’ailleurs, Shaun Bythell m’a probablement croisée, mais je n’ai pas retenu son attention ! Je ne sais pas si c’est une bonne ou une mauvaise chose, vu les clients dont il brosse parfois le portrait dans son livre ! Propriétaire d’un paradis sur terre pour les lecteurs, il nous vend du rêve, tout en nus montrant une dure réalité. Et c’est exactement cela qui est plaisant : sans idéalisation, il se livre, sans filtre, il critique, il se moque, et de temps en temps, il lui arrive d’être tendre.

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La couverture originale

Sa librairie d’occasion est the place to be à Wigtown, et si vous avez l’occasion d’aller en Ecosse, passez-y sans la moindre hésitation ! Vous repartirez les bras chargés. Surtout, allez-y avec des personnes patientes car on peut rester des heures dans The Book Shop. Et, après avoir lu ce livre très drôle et passionnant, on ne peut qu’avoir envie de donner un tas de pounds à cet écossais parfois grincheux mais amoureux des livres. D’ailleurs, en bon lecteur, Shaun Bythell a le sens du romanesque, et son journal se lit comme un bon roman. C’est efficace, sincère, plein de charme, dépaysant. Comme La Cité perdue du Dieu Singe mais en moins… dangereux… quoique ? (Comment ça, aucun rapport ? Je fais ce que je veux !) On ne sait jamais ce qui nous attend dans une telle librairie. D’ailleurs, si l’envie vous en prend, sachez qu’il existe un festival du livre à Wigtown, organisé chaque année, et que si vous êtes très au taquet, vous pourrez peut-être dormir dans le « lit du festival » qui se trouve… au beau milieu de la librairie ! Nooooon ? Siiiiiiii ! 

Enfin, soyons clair : pourquoi faut-il lire ce livre ? Déjà, parce que l’acheter rapportera un peu de sous à un gentil bouquiniste (bien que cynique, je vous l’ai dit) qui ne l’aura pas volé ! Ensuite, et surtout, parce que ce livre est excellent et qu’il ne peut que plaire aux amoureux de books en tous genres. En même temps, vous (re)découvrirez l’Ecosse, la vraie, pas celle des légendes et des folklores. Vous rencontrerez des personnages atypiques mais tout ce qu’il y a de plus réels ! Vous aurez envie d’envoyer des cartes postales, de vous perdre dans des rayonnages, de dormir dans une librairie sans chauffage… Bref, c’est un livre où le rêve côtoie la réalité. J’avais hâte que ce texte soit traduit en français, il l’est enfin, alors j’espère que vous courrez chez vos libraires pour l’acheter !!! C’est aux éditions Autrement, c’est un peu un outsider des rayonnages de nouveautés en ce moment, mais c’est un sacré bon bouquin ! Shaun Bythell, si vous passez par ce blog (on peut toujours rêver), sachez que j’ai travaillé en librairie et que je vous comprends donc d’autant mieux ! Vous m’avez fait découvrir un métier que je ne commençais qu’à appréhender alors merci.

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Petite photo perso de la devanture !

En quelques mots…

cynique et drôle
réaliste
dépaysant
pour les amoureux des livres
comme un roman

Carte d’identité du livre

Titre : Le Libraire de Wigtown
Auteur : Shaun Bythell
Traductrice : Séverine Weiss
Éditeur : Autrement
Date de parution : 04 avril 2018

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Vous ne l’avez pas encore compris ? Mais siiiii, c’est un coup de cœur, bien sûr !

#276 Sciences de la vie – Joy Sorman

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Le résumé…

Nombre de médecins qui se sont penchés sur les cas saugrenus de la famille de Ninon Moise ont échoué à les guérir, parfois même à simplement les nommer. Depuis le Moyen Âge, les filles aînées de chaque génération sont frappées, les catastrophes s’enchaînent. Ninon, dix-sept ans, dernière-née de cette lignée maudite, a droit à un beau diagnostic : allodynie tactile dynamique, trois mots brandis pour désigner ce mal mystérieux qui brûle la peau de ses bras sans laisser de traces, et sans explications.

Mais Ninon, contrairement à ses aïeules, ne se contente pas d’une formule magique, veut être soignée par la science, et entend échapper au déterminisme génétique, aux récits de sorcières qui ont bercé son enfance, pour rejoindre le temps, adulte, des expériences raisonnées. C’est une décision, celle de contrarier sa propre histoire, de s’inventer une nouvelle identité, de remonter le courant de son intuition initiale, qui lui a fait dire un 19 janvier au réveil je suis maudite comme toutes les autres.

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Mon avis…

Joy Sorman est une autrice dont j’ai déjà eu l’occasion de parler, avec la chronique de son roman La peau de l’ours, très différent de celui que je vais vous faire découvrir aujourd’hui. S’ils ont des points communs, ce serait le thème du corps et de l’âme qui se cache sous la peau. Sciences de la vie, c’est l’histoire mystérieuse d’une malédiction familiale, dont Ninon est la malheureuse héritière. De génération en génération, chaque fille aînée est touchée par une maladie, toujours étrange, incurable et irrationnelle. Mais voilà, Ninon vit avec son temps, elle a conscience des évolutions de la médecine. Et, contrairement aux autres femmes de la famille, elle décide de lutter contre la fatalité. Joy Sorman nous livre le récit éprouvant et passionnant de sa recherche désespérée de la guérison. Ninon passe de médecin en médecin, rencontre un chamane très louche pour une expérience extatique en pleine forêt de la région parisienne – une scène très amusante, d’ailleurs -, bref, elle explore toutes les issues possibles. L’autrice met des mots sur les douleurs et les espoirs. Le travail sur le langage, ses tours et ses détours, la façon dont il peut ou non s’adapter à la réalité du corps, est tout simplement impressionnant. C’est un livre magnifique, plein d’humour, de tendresse et d’ironie. Une petite perle au style à la fois travaillé et délicat, une aventure… et quelle aventure : celle de la vie d’une femme qui a bien l’intention de ne pas se laisser faire.

Coup de cœur

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#266 Entre deux mondes – Olivier Norek

Le résumé…

Fuyant un régime sanguinaire et un pays en guerre, Adam a envoyé sa femme Nora et sa fille Maya à six mille kilomètres de là, dans un endroit où elles devraient l’attendre en sécurité. Il les rejoindra bientôt, et ils organiseront leur avenir.
Mais arrivé là-bas, il ne les trouve pas. Ce qu’il découvre, en revanche, c’est un monde entre deux mondes pour damnés de la Terre entre deux vies. Dans cet univers sans loi, aucune police n’ose mettre les pieds.
Un assassin va profiter de cette situation.
Dès le premier crime, Adam décide d’intervenir. Pourquoi ? Tout simplement parce qu’il est flic, et que face à l’espoir qui s’amenuise de revoir un jour Nora et Maya, cette enquête est le seul moyen pour lui de ne pas devenir fou.

Bastien est un policier français. Il connaît cette zone de non-droit et les terreurs qu’elle engendre. Mais lorsque Adam, ce flic étranger, lui demande son aide, le temps est venu pour lui d’ouvrir les yeux sur la réalité et de faire un choix, quitte à se mettre en danger.

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Mon avis…

Olivier Norek, cet auteur que j’aime, que j’adule… Il s’agit d’un des auteurs de polar qui me donne le plus de frissons, par le réalisme de ses œuvres – qui reflète sa connaissance du milieu – et ses excellentes intrigues. Mais Entre deux mondes est assez différent de ce qu’il a écrit jusqu’ici… Ce livre dépasse le simple « polar », il est porteur d’une profonde humanité, il est d’une intensité folle… Une fois tournée la première page, impossible de le lâcher. Olivier Norek ne nous épargne pas, rend compte d’une réalité terrible qui nous est à la fois proche et distante… J’ai tout simplement été bluffée. De toutes mes lectures de ce début d’année, celle-ci est la plus marquante. Entre deux mondes est un véritable coup de cœur.

L’auteur nous entraîne dans un entre-deux mondes, rempli d’âmes errantes, parfois égarées, parfois en quête d’un sens, parfois guidés par les plus mauvaises intentions… ou par les meilleures… Il nous fait découvrir des personnages extrêmement attachants, nous unit à leur destin, nous lie à eux. Olivier Norek nous plonge dans la jungle de Calais, qui porte si bien son nom… Un univers sauvage, impitoyable, dangereux. Un univers de souffrance et d’attente. L’intrigue policière est là, dans le fond du roman, mais la portée humaine voire sociale est dominante, à mon avis. Je ne sais pas si je classerais vraiment ce roman dans les polars… mais après tout, le genre importe peu ! L’important, c’est le contenu de ce livre, qui est simplement une merveille… Je ne peux pas trop en dire, malheureusement, comme toujours avec les excellents livres… la crainte de ne pas trouver les bons mots, de ne pas assez bien exprimer le « waouh » ressenti…

Bon, qu’attendez-vous ? Lancez-vous. Olivier Norek est une découverte à faire absolument, un membre à part entière de la grande bande des auteurs français contemporains. Laissez-vous entraîner dans cet univers dur et angoissant, avec la plume pourtant bienveillante et tendre d’Olivier Norek. De la brutalité, oui, mais aussi de la douceur, de la tendresse… En bref, de l’émotion.

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Coup de cœur 

#256 Notre vie dans les forêts – Marie Darrieussecq

Le résumé…

Une femme écrit au fond d’une forêt. Son corps et le monde partent en morceaux. Avant, elle était psychologue. Elle se souvient qu’elle rendait visite à une femme qui lui ressemblait trait pour trait, et qu’elle tentait de soigner un homme.

Mon avis… 

Notre vie dans les forêts est probablement un des livres que j’attendais le plus pour cette rentrée littéraire. Marie Darrieussecq y renoue avec le style de son premier roman, Truismes, et nous présente un récit dystopique à la première personne, très troublant, sous la forme d’un journal écrit dans les dernières heures d’une vie bien étrange… On ne sait pas trop à quelle époque tout cela se passe, mais elle n’est pas si éloignée de nous. Reprenant le thème très actuel du transhumanisme, l’auteure nous présente un monde où les hommes ont trouvé la solution pour vivre éternellement. Les plus riches ont leur clone attitré, un réservoir d’organes à leur disposition pour pallier à tout problème de santé… La narratrice semble en faire partie. Mais tout n’est pas si simple. Sa vie touche à sa fin, ce qui n’aurait jamais dû advenir… Qu’en est-il vraiment ? Comment a-t-elle atterri dans cette forêt, à se terrer comme une bête traquée, à nous raconter avec confusion son histoire ?

Ce roman est teinté d’inquiétude, d’angoisse, d’incompréhension. Les personnages sont confrontés à des choses qu’ils ne parviennent pas à appréhender. Ils sont constamment connectés à tout : leurs mains sont devenus des souris, leur esprit des ordinateurs, leurs yeux des écrans… Qu’est-ce qui les différencie désormais des robots ? Toute la question est là. Marie ou Viviane, la narratrice, s’interroge. Elle éprouve d’étranges sentiments pour son clone, qu’elle a tendance à voir comme une sœur jumelle, une sœur parfaite, sans tous les défauts qu’elle a elle-même. Elle ne la rencontre que dans une atmosphère aseptisée, elle est sans cesse surveiller, mais le lien grandit. La grande question dans ce roman, c’est finalement la place qu’il reste pour l’humanité, dans un monde où l’humain peut vivre éternellement, s’il en a les moyens. Et, d’ailleurs, où commence l’humanité d’un être ? Toutes ces questions se bousculent dans l’esprit de la narratrice, puis dans le nôtre. Progressivement, Marie Darrieussecq nous suggère quelques éléments de réponse, nous décrit le monde tristement réaliste qu’elle a imaginé, use de son talent pour nous accrocher à son récit. On ne lâche pas ce livre avant de l’avoir fini. Une perle de cette rentrée littéraire, définitivement.

rentrée littéraire

#248 La Tresse – Laetitia Colombani

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Coup de coeur 

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Le résumé…

Trois femmes, trois vies, trois continents. Une même soif de liberté.
Inde. Smita est une Intouchable. Elle rêve de voir sa fille échapper à sa condition misérable et entrer à l’école.
Sicile. Giulia travaille dans l’atelier de son père. Lorsqu’il est victime d’un accident, elle découvre que l’entreprise familiale est ruinée.
Canada. Sarah, avocate réputée, va être promue à la tête de son cabinet quand elle apprend qu’elle est gravement malade.
Liées sans le savoir par ce qu’elles ont de plus intime et de plus singulier, Smita, Giulia et Sarah refusent le sort qui leur est destiné et décident de se battre. Vibrantes d’humanité, leurs histoires tissent une tresse d’espoir et de solidarité.

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Mon avis…

Il est parfois bien plus difficile de trouver les mots justes pour parler d’un livre que l’on a particulièrement aimé, plutôt que d’un livre que l’on a seulement et simplement apprécié… Il est délicat de parvenir à évoquer les sensations qu’un ouvrage a pu provoquer en nous, à en donner une image représentative, à susciter une envie, celle de la découverte, et une pensée : “moi aussi, je vais tenter l’expérience”. Il y a, une fois sur quelques dizaines de lecture, un coup de cœur. La tresse en fait partie. C’est le genre de livres qui nouent sa trame autour de votre cœur. Au début, il peut sembler juste sympathique, puis tout doucement sa profondeur s’impose. Il explore des destins de femmes, d’êtres sur qui, soudainement, un poids s’abat. Le temps des choix est arrivé. Réduire ce livre à des anecdotes féministes, à un simple entremêlement de récits à message, serait une erreur. La tresse est une œuvre qui délicatement plante ses racines dans l’esprit de son lecteur. Une petite graine, puis les branches se déploient et s’imposent. Ces trois moments de vies, progressivement liés, portent à la fois en eux la singularité de ces femmes et leur potentiel à dire quelque chose de l’Humanité.

Comme beaucoup de lecteurs, j’ai entendu énormément de bien de ce livre. A coup sûr, il ne pouvait s’agir que d’un moment de lecture agréable. Mais ce livre laissera-t-il une trace durable dans la mémoire ? J’imagine que oui. Car, depuis que je l’ai lu, j’y pense déjà avec nostalgie. L’auteure m’a réellement embarquée dans son oeuvre, m’a fait voyager par l’esprit, alors que mon corps lui-même s’émouvait. C’est une histoire simple, mais d’une belle simplicité, pas celle de la facilité. C’est un roman sur la vie de trois êtres, qui pourraient être vous ou moi. Et ces trois femmes, à trois endroits différents de la Terre, prennent leur vie en main, ou au contraire perdent tout le contrôle qu’elles pensaient avoir sur elle. Pour bouleverser sa vie, il faut un déclic, et ce roman raconte l’histoire de ce déclic. Sur fond de souffrances de femmes, la joie et l’espoir s’insinuent, cherchent à reprendre le dessus sur le malheur. La tresse, c’est un message d’espérance, un beau livre sur la vie, les femmes, la volonté, le dépassement de soi… Un chef d’œuvre.

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