#393 L’amour de ma vie – Clare Empson

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Le résumé…

Catherine ne parle plus. Ni à son mari, ni à ses enfants, ni aux médecins, pas même à sa meilleure amie. Elle a été témoin d’une scène terrible et depuis plus un mot. Pourtant, du fond de sa bulle, Catherine se souvient…

Elle se souvient de Lui, Lucian, l’amour de sa vie rencontré à la fac. À cette époque, elle s’était laissé entraîner dans son cercle d’amis, privilégiés et hédonistes. Difficile d’oublier leur rupture, aussi : en une nuit, tout a volé en éclats. Elle l’avait quitté, détruisant leur vie à tous les deux. Sans qu’il n’y comprenne rien.

Elle se souvient surtout de leurs retrouvailles, quatre mois plus tôt : le hasard les a réunis, comme pour leur offrir une seconde chance. La passion a ressurgi immédiatement. Toutefois, impossible d’éviter la question essentielle : pourquoi? Pourquoi Catherine s’était-elle enfuie, cette nuit-là?

Une plongée sombre au cœur du silence, des secrets et des non-dits d’une histoire d’amour.

Mon avis…

Aujourd’hui, je quitte mes bouquins, mon traitement de texte et mes blocs-notes (écriture d’articles pour ma thèse oblige…) pour vous parler d’un bouquin original, à mi-chemin entre romance et thriller ! J’ai nommé : L’amour de ma vie de Clare Empson. Dans ce roman, on découvre l’histoire de Catherine qui, traumatisée par un événement que l’on ignore, ne peut plus parler. Elle est enfermée dans la prison de son esprit, mutique, laissant sa famille et sa meilleure amie dans le désespoir… Mais nous, lecteurs et lectrices, avons accès à la vérité, à travers le récit de Catherine, qui devient narratrice. Elle s’adresse à un « tu », une personne qui est la clé de tout ce mystère. Elle revient aux temps de l’université, au moment où elle a rencontré Lucian, l’homme qui a changé sa vie et lui a fait découvrir la véritable passion… Mais cet homme, elle l’a quitté, sans donner la moindre explication… Suspense multiple donc : que s’est-il passé pour que Catherine devienne muette ? et que s’est-il passé à l’époque de la fac ? Nous avons donc le récit rétrospectif de cette belle histoire d’amour, hanté par l’abandon final dont nous ignorons la cause (jusqu’à la fin du roman), et le récit de ces dernières semaines, qui ont vu se réunir Catherine et Lucian. En alternance avec le récit de Catherine, nous avons également la narration de Lucian, qui raconte sa version, sa vision des événements. C’est donc un roman très riche et rempli de suspense que nous propose ici Clare Empson. J’ai été absolument absorbée par ce récit, et je l’ai dévoré en une nuit, pour vous dire ! J’ai deviné assez vite le nœud de l’histoire mais, finalement, ça n’enlève pas du tout le plaisir de la lecture, au contraire.

Avertissement : je vous déconseille d’aller sur le site de Babelio pour faire une recherche sur ce livre, car le résumé spoile carrément l’histoire, ce qui est vraiment vraiment dommage !

P.S. : La couverture est canon !

Carte d’identité du livre

Titre : L’amour de ma vie
Autrice : Clare Empson
Traductrice : Jessica Shapiro
Éditeur : Denoël
Date de parution : 13 juin 2019

5 étoiles

Merci aux éditions Denoël pour cette lecture.

denoel

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#386 Il n’est jamais trop tard – Anne Youngson

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Le résumé…

Rien de tel qu’un parfait inconnu pour se révéler à soi-même.
Lorsque Tina Hopgood écrit une lettre depuis sa ferme anglaise à un homme qu’elle n’a jamais rencontré, elle ne s’attend pas à recevoir de réponse. Et quand Anders Larsen, conservateur solitaire d’un musée de Copenhague, lui renvoie une missive, il n’ose pas espérer poursuivre les échanges. Ils ne le savent pas encore, mais ils sont tous deux en quête de quelque chose.

Anders a perdu sa femme, ses espoirs et ses rêves d’avenir. Tina se sent coincée dans son mariage. Leur correspondance s’épanouit au fur et à mesure qu’ils s’apprivoisent au travers de leurs histoires personnelles : des joies, des angoisses, toutes sortes de découvertes. Quand les lettres de Tina cessent soudainement, Anders est plongé dans le désespoir. Leur amitié inattendue peut-elle survivre?

Mon avis…

Il n’est jamais trop tard est un roman qui, a priori, pouvait vraiment me plaire. J’aime beaucoup les livres originaux et, de nos jours, les romans épistolaires ne sont pas monnaie courante. Je me réjouissais donc de découvrir cet échange entre deux personnages que tout sépare, et en particulier des milliers de kilomètres. Tina Hopgood décide, un jour, d’écrire une lettre à quelqu’un qu’elle admire, le professeur Glob, qui a découvert « l’homme de Tollund ». Cette histoire d’archéologie est tout à fait véridique, je vous mets l’image du bonhomme découvert momifié dans une tourbière ci-dessous. Tina est fascinée par cette découverte, et en particulier par le sourire apaisé qui semble éternellement gravé sur le visage de cet homme. Elle a créé tout un imaginaire autour de ça. Néanmoins, ce n’est pas le professeur Glob, mort depuis un bout de temps, qui répond à sa lettre, mais Anders, le conservateur du musée de Silkeborg, où se trouve conservé l’homme de Tollund. Cette réponse, très formelle, est une invitation à venir visiter le musée danois. Mais Tina fera-t-elle le voyage ? Avant d’avoir la réponse, c’est une longue correspondance qui commence entre les deux personnes.

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« Nous avons parlé ensemble du sens de la vie, et nous nous sommes demandé si nous avions vécu comme nous en avions l’intention ou comme nous aurions choisi de vivre si nous avions su au moment de faire ce choix quelles étaient nos alternatives, mais nous n’avons pas raté notre vie. »

Réunis par l’histoire et l’imagination, Tina et Anders sont deux êtres très différents. Leurs conversations sont tantôt très concrètes – ils se racontent leur vie quotidienne – tantôt philosophiques. Ils abordent tous les sujets qui les préoccupent et deviennent progressivement amis, et peut-être plus. J’ai trouvé beaucoup de charme à la correspondance mais j’avoue que, globalement, la lecture ne m’a pas emballée autant que je l’aurais cru. En effet, le rebondissement suggéré dans la quatrième de couverture (« Quand les lettres de Tina cessent soudainement, Anders est plongé dans le désespoir. ») est vraiment moindre. Il n’arrive que tardivement et est très vite évacué. Échange épistolaire oblige, il n’y a aucune action à proprement parler, uniquement des récits d’événements ou des pensées. La lecture peut donc tirer en longueur et devenir parfois un peu ennuyante. J’ai donc beaucoup aimé le postulat de départ, j’ai été séduite par l’idée de réunir ces deux personnages et par certains moments du livre… mais l’impression globale n’est pas excellente, malheureusement. Un petit dommage, donc, malgré le gros potentiel de ce roman qui pourra néanmoins plaire aux lecteurs et lectrices qui aiment les discussions philosophiques, les flux de pensée et les questionnements existentiels… Je sais qu’il en existe beaucoup, et si vous en faites partie, n’hésitez pas à plonger dans Il n’est jamais trop tard.

Carte d’identité du livre

Titre : Il n’est jamais trop tard
Autrice : Anne Youngson
Traductrice : Perrine Chambon
Éditeur : Denoël
Date de parution : 23 mai 2019

3 étoiles

Merci aux éditions Denoël pour cette lecture.

denoel

#380 L’Oiseau moqueur et autres nouvelles – Jean Rhys

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Le résumé…

Porte d’entrée magnifique dans l’œuvre de Jean Rhys, ce recueil de nouvelles, restées longtemps inédites en français, nous entraîne dans la bohème de l’Europe d’avant guerre, Vienne la magnifique, Paris et ses cafés, puis plus loin encore, au-delà des océans, vers les souvenirs d’enfance ensoleillés des Caraïbes.
Poète, lady, rêveur pathétique ou amoureuse éperdue, les personnages de Jean Rhys arpentent la vie avec pour seul bagage la nostalgie, le bonheur enfui, et toujours cet humour sombre, si bien dosé.

Mon avis…

Il y a certains livres que l’on voudrait vraiment aimer, dès qu’on apprend leur existence. C’est exactement ce qui m’est arrivé pour ce recueil de nouvelles de Jean Rhys. J’ai découvert cette autrice il y a quelques années avec La Prisonnière des Sargasses (Wide Sargasso Sea), inspiré de Jane Eyre, le célèbre roman de Charlotte Brontë. Donc, quand j’ai vu ce recueil dans le catalogue des éditions Denoël, je n’ai pas hésité un seul instant, et j’ai sauté dessus ! Ces nouvelles relatent de petites histoires qui se passent au XXe siècle, en particulier à Paris et à Vienne. Mais plusieurs autres lieux sont explorés. Pour être très honnête, je m’attendais à retrouver une forme de révolte assez marquée dans ces textes, et des émotions plus profondément explorées… Néanmoins, j’ai trouvé l’ensemble de ces nouvelles assez plates et, avec le recul de la lecture, aucune ne me reste véritablement en mémoire, sauf peut-être « Le Sidi ». Certaines nouvelles sont vraiment agréables à lire, mais l’ensemble n’est pas marquant… Je n’ai pas retrouvé la plume de Jean Rhys dans La Prisonnière des Sargasses. Ce sont néanmoins des nouvelles intéressantes à découvrir si l’on connaît déjà un peu l’écriture de Jean Rhys, car elles permettent d’en voir l’évolution. Vous l’aurez compris, c’est une petite déception pour moi, malheureusement… Je n’ai encore jamais été déçue depuis le début de mon partenariat avec les éditions Denoël mais, comme quoi, tout peut arriver !

Carte d’identité du livre

Titre : L’Oiseau moqueur et autres nouvelles
Autrice : Jean Rhys
Traducteur : Jacques Tournier
Préface : Christine Jordis
Éditeur : Denoël
Date de parution : 23 mai 2019

3 étoiles

Merci aux éditions Denoël pour cette lecture.

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L’interview en 5 questions de… Nathalie Cohen

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Aujourd’hui, je vous propose d’embarquer pour la Rome antique avec l’autrice Nathalie Cohen. Son roman La Secte du Serpent, premier tome d’une série policière intitulée Modus Operandi, est sorti au début du mois d’avril chez mon partenaire, les éditions Denoël ! Je vous propose de découvrir son interview.

Nathalie Cohen © Philippe Matsas / Denoël

Question1

La Secte du Serpent est le premier tome d’une série de romans policiers, Modus Operandi, qui se déroule dans l’Antiquité romaine… Cela rend votre livre particulièrement singulier. D’où vous est venue cette idée ?

J’adore les séries policières et les enquêteurs qui traquent les coupables et veulent rendre la justice. Il y a quelque chose d’anti-tragique dans cette démarche. Et comme d’un autre côté, je connais bien l’Antiquité romaine et que je veux la transmettre, j’ai pensé qu’une série-polar antique serait bienvenue.

Question2

À la lecture de votre roman, un aspect peut étonner : le langage parfois familier et résolument moderne. Pouvez-vous nous expliquer les raisons de ce choix ?

Chez les Romains, le langage de tous les jours n’était ni fleuri, ni poétique, quelles que soient les catégories sociales. En plus, mes personnages évoluent dans un univers militaire ou dans les arcanes de la politique ; raison de plus pour leur faire adopter souvent un langage familier. Quant à la modernité des expressions, elle est le plus souvent calquée sur des expressions latines très proches (on dit beaucoup de gros mots, on jure par tous les dieux chez un auteur comme Plaute, par exemple), et elle permet aussi d’actualiser l’histoire et de montrer que l’Antiquité était tout sauf ringarde.

Question3

Parlons un peu de Marcus Tiberius Alexander, le personnage principal de votre roman. C’est un jeune homme, pompier de son métier, franc, honnête, dont le comportement est guidé par l’éthique… Pourquoi et comment avez-vous créé ce personnage ?

Des jeunes comme Marcus, j’en vois partout autour de moi ! A trente ans, bien des jeunes hommes ont comme lui une haute exigence morale ; ce sont des purs un peu naïfs, alors que souvent au même âge les jeunes femmes sont moins entières, plus rompues à la complexité des relations humaines. D’autre part, en ce milieu du premier siècle de l’ère chrétienne à Rome, certains développent une pensée très morale. Malgré l’omniprésence de la violence, des Romains sont sensibles à la morale stoïcienne qui prône des valeurs comme le courage, la modération et l’égalité entre les esclaves et les hommes libres. C’est le cas de Marcus. D’autre part, le judéo-christianisme avec les dix commandements commence à faire beaucoup d’adeptes.

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Vous enseignez le grec et le latin, et vous avez déjà écrit un essai, mais La Secte du Serpent est votre premier roman. Comment vous êtes-vous documentée ? Quelles ont été vos sources d’inspiration, historiques ou littéraires ?

Je connaissais déjà assez bien la période ; et puis j’ai lu ou relu les historiens romains (Tacite, Suétone, Dion Cassius), Sénèque, qui est un personnage de mon roman, et les auteurs de l’époque (Ovide, Horace, Martial, Juvénal..). J’ai aussi consulté des thèses sur la police ou les pompiers de l’époque. J’ai évidemment été inspirée par des auteurs classiques de polar, (Conan-Doyle, Agatha Christie, Simenon), mais aussi par la série « Rome » et d’autres films. Et puis certaines figures familiales…

Question5

Et, pour finir, je suis certaine que nous avons en commun notre passion de la lecture et de l’écriture. Parlez-vous un peu de vos références en littérature, les livres, auteurs ou autrices, que vous considérez comme incontournables. 

Je ne me lasse pas des grands textes de l’Antiquité : L’Epopée de Gilgamesh, L’Iliade, L’Odyssée, Eschyle, Sophocle et Euripide, et la Bible. J’adore également le théâtre de Shakespeare, et Don Quichotte. Il y a tout dans ces textes. Et puis le grand roman réaliste du XIXè français : Hugo, Dumas, Stendhal, Balzac, Flaubert, Zola, Maupassant. Simenon aussi est très important pour moi. Tous disent à leur manière la vérité des hommes la complexité du monde.

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Je remercie sincèrement Nathalie Cohen de s’être prêtée au jeu de l’interview en 5 questions, et je voudrais aussi exprimer toute ma gratitude aux éditions Denoël pour leur collaboration et leur sympathie.

Bonne lecture !

Vous pouvez retrouver ma chronique de M.O., Modus Operandi, tome 1 : La Secte du Serpent en cliquant sur la couverture du livre ci-dessous.

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#374 M. O. Modus operandi, tome 1 : La secte du Serpent – Nathalie Cohen

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Le résumé…

Rome, en l’an 54, sous le règne de Néron. De riches pères de famille, atteints d’un mal étrange, trouvent la mort le soir chez eux dans divers quartiers de la ville. L’homme qui se charge de l’enquête découvre petit à petit que ces disparitions sont l’œuvre concertée d’un mystérieux groupe de jeunes gens qui suivent toujours le même mode opératoire.
L’enquêteur, Marcus Tiberius Alexander, est un vigile gradé des patrouilles dites « les yeux de Rome», chargées de circonscrire les incendies et la délinquance nocturne. Il est aux prises avec Lucius Cornelius Lupus, un jeune et ambitieux fils de sénateur, dévoré par la passion du jeu. Le premier, d’origine étrangère, met tout en œuvre pour resserrer l’étau sur le second, favorisé par son rang. Mais la vérité qu’il met au jour est terrifiante.

Mon avis…

Aujourd’hui, je vous parle du premier tome d’une série intitulée Modus Operandi. Cette expression latine, une fois traduite en français, veut dire : mode opératoire… Vous l’aurez compris, il s’agir d’un « polar », sauf qu’il est assez original ! En effet, il s’agit d’un polar antique, dont l’intrigue se déroule à Rome, au 1er siècle après JC. L’empereur Néron prend le pouvoir à la suite de Claude, à partir de l’an 54 et, dans ce tome, nous découvrons les premiers mois tumultueux de son règne. Le contexte historique est donc assez étonnant pour un roman policier et change de ce que l’on a l’habitude de voir. Nous sommes dix ans avant le grand incendie de Rome, et c’est justement un pompier que nous suivons dans son enquête. Le jeune homme, Marcus Tiberius Alexander, est un étranger à Rome et subit les brimades et les moqueries de beaucoup de personnes, y compris de son « frère adoptif ». Il représente un peu l’outsider à qui l’on donne enfin l’occasion de briller et de montrer sa valeur.

Je dois avouer que la lecture des premières pages m’a un peu perturbée. En effet, j’ai été très surprise par le style de l’autrice, et en particulier le niveau de langue adopté. Il est vrai qu’on ne s’attend pas nécessairement à trouver un vocabulaire parfois familier dans la bouche de personnages de l’Antiquité. Néanmoins, une fois que l’on est habitué, je trouve que cela sert l’intrigue dans sa globalité. En effet, nous nous sentons ainsi plus proche des personnages, et cela tranche avec l’idée parfois stéréotypée que l’on se fait de la société romaine. J’imagine que les hommes de l’Antiquité avaient, eux aussi, une manière plus « populaire » de s’exprimer que le latin classique tel qu’on le connaît. Ce serait une question à poser à Nathalie Cohen, puisqu’elle enseigne justement le latin ! Elle est passionnée par l’Antiquité et, en effet, cela se ressent. Elle nous emporte dans un univers singulier et assez méconnu, et je trouve qu’elle nous permet de mieux connaitre la société romaine, que l’on a parfois du mal à appréhender, en tant que lecteurs du XXIe siècle. J’ai appris des choses sur le fonctionnement de la cité, à travers un roman qui se lit vraiment très bien ! Il n’y a pas de descriptions inutiles, au contraire, il y a un certain nombre de dialogues, et l’enquête est prenante. Je dirais enfin que c’est un premier tome qui intrigue, qui installe des bases solides pour une série prometteuse ! Affaire à suivre, donc.

Carte d’identité du livre

Titre : M.O. : Modus Operandi, tome 1 : La secte du serpent
Autrice : Nathalie Cohen
Éditeur : Denoël
Date de parution : 11 avril 2019

4 étoiles

Merci aux éditions Denoël pour cette lecture.

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#366 Kukolka – Lana Lux

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Le résumé…

Dans un orphelinat d’Ukraine des années quatre-vingt-dix, Samira, sept ans, rencontre Marina. Samira, depuis longtemps victime de brimades à cause de sa peau mate de Tzigane, trouve en la blonde Marina une alliée inattendue. Aussi, lorsque sa seule amie est adoptée par un couple allemand, la petite Samira décide de la rejoindre à Berlin et prend la fuite. Elle est alors recueillie par un groupe de vagabonds, qui vivent dans une maison sans électricité, eau courante ni toilettes. Elle croit avoir enfin trouvé un refuge, malgré tout : elle dort sur son propre canapé, des amis plus âgés qu’elle lui apprennent la vie et on commence enfin à la remarquer, notamment Rocky, le seul vrai adulte de la bande. D’autant plus que ses yeux verts et sa voix enjôleuse font d’elle une mendiante très efficace. La fillette est loin d’imaginer que commence pour elle un long calvaire dans les milieux interlopes d’Europe de l’Est avant de pouvoir retrouver sa seule vraie famille : Marina.

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Lana Lux, autrice de Kukolka

Mon avis…

Aujourd’hui, je vous propose une chronique compliquée… Vous vous demandez probablement pourquoi. Je vous dirais tout simplement que ce livre a été un véritable choc pour moi. Il faut donc trouver les bons mots pour vous en parler. Kukolka, qui veut dire « petite poupée » en russe, est un roman qui nous raconte, à la première personne, l’histoire de Samira. Cette petite fille, que l’on découvre au début du roman à l’âge de sept ans, a une amie, Marina. Elle est la seule personne qui ne se moque pas d’elle et la traite avec respect. Alors, quand Marina s’en va en Allemagne avec ses parents adoptifs, Samira, très vite, ne tient plus : elle prend la fuite et part à la gare pour rejoindre sa copine. Sauf qu’elle n’imagine pas un seul instant qu’elle ne peut pas aussi simplement partir dans un autre pays… C’est alors qu’elle est abordée par Rocky. Cet homme au nom étrange lui propose de l’héberger, le temps qu’elle trouve l’argent pour voyager en Allemagne…

Cette rencontre avec Rocky marque le début d’un récit initiatique particulièrement douloureux et éprouvant pour Samira. Kukolka est un Oliver Twist des temps modernes, beaucoup plus trash et violent que l’original de Dickens. Lana Lux nous livre le portrait de personnages féminins soumis, exploités, fragiles, car toutes sont des jeunes filles qu’un homme à la morale douteuse a pris sous son aile. Dascha, Lydia et Samira sont les victimes d’un système qui les dépasse. « Kukolka », c’est le surnom un brin dérangeant dont hérite la petite fille à son arrivée dans la maison de Rocky, qui abrite des jeunes mendiants, pickpockets ou cambrioleurs… Samira a embarqué dans une terrible odyssée, toujours surprenante, toujours terrible. Nous voilà entraînés dans une quête, avec elle : quête de Marina, du bonheur, d’une famille, d’une existence, d’une identité, avec pour horizon les pays d’Europe de l’ouest, cet occident qui fait rêver.

Kukolka est un roman qui nous propose la description d’une Ukraine sordide et malsaine. Lana Lux nous entraîne, à travers ce récit, dans les méandres de la pauvreté extrême, de l’exploitation des mineurs, allant jusqu’à évoquer le thème de la prostitution infantile. L’usage de la première personne dans ce récit amène un ressenti très particulier au lecteur… Le « je », celui de Samira, est teinté de naïveté… C’est un regard enfantin, tandis que l’histoire racontée est d’une violence certaine. C’est ce qui fait la particularité de ce roman. La plongée dans l’esprit de Samira est particulièrement éprouvante. C’est un récit à la fois tendre, plein d’espoir, et terriblement perturbant. Ce roman est passionnant, se lit très bien, car nous suivons avec intérêt la quête de Samira. Nous nous attachons à elle et nous voulons connaître son destin, pour le meilleur et pour le pire. Âmes sensibles s’abstenir, sauf si elles veulent être éprouvées, tout comme je l’ai été.

Carte d’identité du livre

Titre : Kukolka
Autrice : Lana Lux
Traducteur : Brice Germain
Éditeur : Denoël
Date de parution : 07 mars 2019

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Coup de coeur

5 étoiles

Merci aux éditions Denoël pour cette lecture.

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#361 Nos vies d’après – Thomas Pierce

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Le résumé…

Jim Byrd a une vie normale, jusqu’au jour où il fait un arrêt cardiaque. Revenu à lui, il apprend qu’il est resté mort cinq minutes entières. Pourtant, il n’a vu ni lumière blanche accueillante ni chœur de séraphins, juste le vide, l’absence. Grâce à un réseau électrique installé autour de son cœur, il ne risque plus rien et peut même suivre les battements et les crises de son cœur sur une appli smartphone. Cette impression de tenir son propre cœur dans sa main le fait réfléchir, d’autant plus que, alors qu’il se trouve dans un restaurant, il découvre les preuves d’une existence surnaturelle, une voix qui appelle dans un escalier et plonge les vivants dans une tristesse profonde. Jim décide alors d’enquêter sur l’origine de cette voix : peut-être existe-t-il d’autres formes de vie après la mort que la lumière blanche au bout du tunnel ? Peut-être sa propre expérience lui donne-t-elle accès à quelque chose au-delà du monde des vivants ?

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Mon avis…

Aujourd’hui, j’aimerais vous parler d’un roman coup de cœur. C’est un livre très riche, foisonnant, qui évoque des thématiques inépuisables avec justesse et délicatesse : la mort, l’amour, l’après, la peur, l’avenir, le passé… Quelles traces laissons-nous de notre passage sur terre ? En laissons-nous seulement ? Y a-t-il quelque chose après la mort, ou plutôt après la vie ? Ces questions angoissantes, nous nous les sommes tous et toutes posées un jour… Et personne n’aura probablement jamais les réponses. Thomas Pierce ne se propose pas d’en donner, mais il nous plonge dans l’histoire de personnages qui partent en quête de ces réponses.

Jim Byrd, le personnage principal, est presque mort, un jour. Ou plutôt, il est mort quelques minutes, puis il est revenu. Mais ce qu’évoquent certaines personnes – la lumière blanche, le tunnel, les êtres aimés qui nous attendent -, il ne l’a pas vu. Rien. Il doit continuer sa vie avec l’idée qu’après, c’est peut-être le vide. Il tombe amoureux, il construit son existence malgré le doute. Et pourtant, un jour, avec sa nouvelle compagne Annie, il entend une voix dans un escalier. Une voix qui vient d’ailleurs, et d’ici en même temps. La voix d’une personne qui est là sans être là… Tous deux décident d’enquêter pour comprendre d’où vient ce phénomène. En partant à la recherche d’un fantôme, ils se lancent à la poursuite de leur passé et de leur avenir.

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J’ai trouvé ce roman passionnant. L’intrigue est absolument prenante, le mystère est entier et maintenu jusqu’à la fin.  Les personnages sont attachants, en raison de leurs faiblesses mais aussi de leurs forces respectives. L’ensemble se déroule dans un monde en plein progrès, un peu futuriste, à la fois distant et très proche de celui que nous connaissons aujourd’hui : des hologrammes marchent dans les rues, aux côtés des vivants, rien ne permet de les différencier des êtres humains ; une scientifique travaille à une machine permettant de réunir vivants et morts ; des hackers essaient de prendre le contrôle des cœurs artificiels de malheureux patients… Le monde semble un peu déconner, et c’est dans une quête de stabilité et de certitude que se lancent les personnages. En trouveront-ils ? Rien n’est moins sûr.

Suspense, héros et héroïne attachant.e.s, philosophie, action, questions existentielles… Tout y est pour passer un bon moment de lecture. Je n’ai pas déploré une seule longueur, un seul moment de flottement. Chaque instant m’a semblé utile à l’intrigue et au déroulement du roman. Je n’ai pas pu le lâcher jusqu’à la fin, que j’avais envie de connaître tout en regrettant qu’elle arrive… Un peu comme la mort, peut-être : on ne voudrait pour rien au monde qu’elle vienne nous trouver, et pourtant on se demande tous et toutes à quoi elle peut bien ressembler… Mais ne vous inquiétez pas, rien de déprimant dans ce roman, au contraire ! Comme la couverture le laisse deviner, c’est un livre qui parle plus des couleurs de la vie que de l’obscurité de la mort. Vivant, voilà ce qu’est ce roman. Laissez-vous porter.

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Carte d’identité du livre

Titre : Nos vies d’après
Auteur : Thomas Pierce
Traductrice : Héloïse Esquié
Éditeur : Denoël
Date de parution : 14 février 2019

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Coup de cœur

5 étoiles

Merci aux éditions Denoël pour cette lecture.

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#354 Le Diable dans la peau – Paul Howarth

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Le résumé…

Australie, Queensland, 1885. Une vague de sécheresse conduit la famille McBride au bord de la ruine. Leur terre est stérile, leur bétail affamé. Lorsque la pluie revient enfin, la famille pense être tirée d’affaire. Mais le destin en a décidé autrement. Un soir en rentrant chez eux, Billy et Tommy, les jeunes fils McBride, découvrent leur famille massacrée. Billy soupçonne immédiatement leur ancien vacher aborigène. Les deux garçons se tournent vers John Sullivan, leur riche et cruel voisin, pour qu’il les aide à retrouver le coupable. Malgré les réticences du jeune Tommy, Sullivan fait appel à la Police aborigène, menée par l’inquiétant inspecteur Edmund Noone. Les frères McBride vont alors être entraînés dans une chasse à l’homme sanguinaire à travers l’outback désertique. Témoin impuissant des ravages que laisse la petite troupe dans son sillage, Tommy ouvrira les yeux sur le vrai visage de la colonisation australienne.

Mon avis…

Grâce aux éditions Denoël, je me suis aventurée dans une lecture un peu atypique pour moi… Depuis que je suis petite, j’ai une certaine aversion pour les histoires du genre « western« , avec seulement de rares exceptions… Pourtant, je me suis laissée tenter par ce roman qui m’a séduite grâce à sa très belle couverture mais aussi en raison de son résumé et des thèmes qu’il aborde. Son côté « thriller » et le propos sur la colonisation m’a beaucoup intéressée. Voici donc ma chronique de ce roman.

Nous plongeons dans l’Australie de la fin du XIXe siècle, on est à peine quelques décennies après la colonisation et la création du Queensland. Nous découvrons une famille qui subit de plein fouet la sécheresse alors que les terres voisines, qui appartiennent à John Sullivan, prospèrent… Tout de suite, une atmosphère de malaise est introduite. On perçoit la tension entre le père McBride et Sullivan, qui semblent se détester, même si le premier cherche à tout prix à éviter le contact avec le second. On est aussi en pleine ségrégation raciale, et assez régulièrement le roman suggère même l’ethnocide en cours en Australie, avec une volonté plus ou moins assumée d’éliminer les Aborigènes du territoire…

« Ces indigènes, de ce que j’en ai vu, on leur a donné toutes les opportunités, mais ils refusent toujours de changer. Le travail, l’éducation : on a tout fait pour les civiliser, mais ils ont la sauvagerie dans le sang. J’ai même entendu dire qu’ils mangent leurs propres enfants, pour l’amour du ciel. Et pourtant ils sont tout autour de nous, on les fait entrer dans notre maison ! »

On a donc d’un côté un contexte « individuel », une situation très délicate pour une famille blanche qui va être brutalement détruite, et d’un autre côté un contexte global, historique, qui nous montre la violence de la colonisation. Ce dernier point est développe à travers plusieurs points de vue, dans le cadre d’un roman très polyphonique: certains haïssent purement et simplement les Aborigènes, les considèrent comme des animaux, d’autres veulent les éliminer sous couvert de théories scientifiques telles que l’évolutionnisme, etc. Le romancier parvient donc à nous montrer toute la complexité de ce contexte historique, ce qui est tout à fait bienvenu.

D’ailleurs, le personnage de Tommy est parfaitement exploité. Il est jeune, est encore influençable et il a pourtant déjà certaines convictions… Il est obligé de regarder et de participer à cette violence. On n’a pas affaire à un simple « gentil » qui s’opposeraient à plein de personnages racistes très méchants ! Il n’y a aucune simplification. Ce roman, malgré sa violence crue et sanguinolente, se caractérise par une certaine subtilité. Il ne faut pas oublier, enfin, le suspense toujours présent dans ce livre, car on est dans une sorte de thriller. C’est aussi le roman d’une vengeance, après tout !

Même si je n’ai pas eu un coup de cœur pour ce livre, c’est clairement un texte que je n’hésiterais pas à conseiller à ceux que ces problématiques intéressent, et aux amateurs de « western » (bien que le terme soit peu adapté étant donné la situation géographique). Bref, vous l’aurez compris grâce à cette chronique, c’est encore une belle découverte avec les éditions Denoël.

Carte d’identité du livre

Titre : Le Diable dans la peau
Auteur : Paul Howarth
Traductrice : Héloïse Esquié
Éditeur : Denoël
Date de parution : 18 octobre 2018

4 étoiles

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Merci aux éditions Denoël pour cette lecture.

#348 Le rôle de la guêpe – Colin Winnette

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Le résumé…

Un nouvel élève vient d’arriver à l’orphelinat, un établissement isolé aux mœurs aussi inquiétantes qu’inhabituelles. Il entend des murmures effrayants la nuit, et ses camarades se révèlent violents et hostiles. Quant au directeur, il lui souffle des messages cryptiques et accusateurs. Seul et rejeté par ses pairs, le nouveau tente de survivre à l’intérieur de cette société inhospitalière.
Une rumeur court parmi les pensionnaires, selon laquelle un fantôme hanterait les lieux et tuerait une personne par an. Tous les ans, les garçons se réunissent, sous l’impulsion de quelques anciens, pour démasquer celui d’entre eux qu’ils pensent être le fantôme… et l’éliminer !
Simple mascarade potache ou mise en scène sordide pour justifier les meurtres rituels? Cette année, le prétendu fantôme a été clairement désigné : c’est le petit nouveau. Pour une simple et bonne raison, on ne l’a jamais vu saigner, et les guêpes, très nombreuses dans cette bâtisse, ne le piquent pas. La chasse aux sorcières peut commencer.

Mon avis…

La nuit est tombée… L’obscurité a enveloppé le monde… Villes et campagnes plongent dans le silence, le froid se glisse dans les rues, il n’y a plus un chat pour y errer, qui oserait s’aventurer dehors, désormais ?

Nous sommes en octobre, Halloween approche, et avec elle l’envie de se faire peur. Les éditions Denoël publient, dans leur collection « Sueurs froides », un roman qui pourrait bien en ravir plus d’un.e : Le rôle de la guêpe. J’avoue avoir eu un petit coup de cœur tant pour la couverture que pour le résumé ! J’attendais du frisson, du suspense, de l’étrange… En ai-je eu ? Oui, on peut le dire, surtout l’étrange d’ailleurs… Ce livre est en effet très particulier ! On peut se sentir un peu déstabilisé.e. par ce récit un peu décousu, très mystérieux, et surtout par le narrateur très clivant : difficile à apprécier, et pourtant assez intrigant. Évidemment, cela un but et vient se mettre au service de l’intrigue, vous vous en doutez. Difficile de deviner le fin mot de l’histoire.

Le rôle de la guêpe est un roman qui pose tout de suite une atmosphère très sombre : l’obscurité y est prenante, le malaise est omniprésent, l’isolement est total. Du début à la fin, quelque chose ne va pas, quelque chose cloche, mais quoi ? Ce sentiment pénètre chaque mot, chaque phrase, et ne s’estompe même pas lorsque l’on referme le livre. Certes, je n’ai pas eu peur, je n’ai pas particulièrement tremblé, mais j’ai retrouvé ce petit feeling qu’on aime avoir quand on part à la chasse à l’horreur ! Sans arriver à la hauteur d’autres livres qui m’ont vraiment secouée, ce Rôle de la guêpe reste un très bon roman – bien que déstabilisant et parfois un peu bizarre – pour passer une soirée seul.e chez soi, en automne, pour Halloween. Un huis-clos oppressant, qui ne tient pas forcément toutes ses promesses, mais propose néanmoins une bonne expérience de lecture !

Carte d’identité du livre

Titre : Le rôle de la guêpe
Auteur : Colin Winnette
Traducteur : Robinson Lebeaupin
Éditeur : Denoël
Date de parution : 13 septembre 2018

4 étoiles

Merci aux éditions Denoël pour cette lecture.

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Ma wishlist de la rentrée littéraire – août 2018

rentrée littéraire

Et oui, nous entrons bientôt dans une saison délicieuse pour les lecteurs et lectrices de tous horizons… la rentrée littéraire ! Cette année, encore de belles découvertes en perspective. Pour ma part, j’ai déjà craqué sur quelques titres.

Voici ma wishlist pour cette rentrée littéraire d’automne 2018, en commençant par le mois d’août ! Maintenant, le porte-monnaie suivra-t-il ? J’en doute…

Parutions du 16 août 2018

Les cigognes sont éternelles – Alain Mabanckou (Seuil)

Résumé : À Pointe-Noire, dans le quartier Voungou, la vie suit son cours. Autour de la parcelle familiale où il habite avec Maman Pauline et Papa Roger, le jeune collégien Michel a une réputation de rêveur. Mais les tracas du quotidien (argent égaré, retards et distractions, humeur variable des parents, mesquineries des voisins) vont bientôt être emportés par le vent de l’Histoire. En ce mois de mars 1977 qui devrait marquer l’arrivée de la petite saison des pluies, le camarade président Marien Ngouabi est brutalement assassiné à Brazzaville. Et cela ne sera pas sans conséquences pour le jeune Michel, qui fera alors, entre autres, l’apprentissage du mensonge. Partant d’un univers familial, Alain Mabanckou élargit vite le cercle et nous fait entrer dans la grande fresque du colonialisme, de la décolonisation et des impasses du continent africain, dont le Congo est ici la métaphore puissante et douloureuse. Mêlant l’intimisme et la tragédie politique, il explore les nuances de l’âme humaine à travers le regard naïf d’un adolescent qui, d’un coup, apprend la vie et son prix.

Frère d’âme – David Diop (Seuil)

Résumé : Un matin de la Grande Guerre, le capitaine Armand siffle l’attaque contre l’ennemi allemand. Les soldats s’élancent. Dans leurs rangs, Alfa Ndiaye et Mademba Diop, deux tirailleurs sénégalais parmi tous ceux qui se battent alors sous le drapeau français. Quelques mètres après avoir jailli de la tranchée, Mademba tombe, blessé à mort, sous les yeux d’Alfa, son ami d’enfance, son plus que frère. Alfa se retrouve seul dans la folie du grand massacre, sa raison s’enfuit. Lui, le paysan d’Afrique, va distribuer la mort sur cette terre sans nom. Détaché de tout, y compris de lui-même, il répand sa propre violence, sème l’effroi. Au point d’effrayer ses camarades. Son évacuation à l’Arrière est le prélude à une remémoration de son passé en Afrique, tout un monde à la fois perdu et ressuscité dont la convocation fait figure d’ultime et splendide résistance à la première boucherie de l’ère moderne.

Les heures rouges – Leni Zumas (Presses de la Cité)

Résumé : États-Unis, demain. Avortement interdit, adoption et PMA pour les femmes seules sur le point de l’être aussi. Non loin de Salem, Oregon, dans un petit village de pêcheurs, cinq femmes voient leur destin se lier à l’aube de cette nouvelle ère. Ro, professeur célibataire de quarante-deux ans, tente de concevoir un enfant et d’écrire la biographie d’Eivor, exploratrice islandaise du XIXe siècle. Des enfants, Susan en a, mais elle est lasse de sa vie de mère au foyer – de son renoncement à une carrière d’avocate, des jours qui passent et se ressemblent. Mattie, la meilleure élève de Ro, n’a pas peur de l’avenir : elle sera scientifique. Par curiosité, elle se laisse déshabiller à l’arrière d’une voiture… Et Gin. Gin la guérisseuse, Gin au passé meurtri, Gin la marginale à laquelle les hommes font un procès en sorcellerie parce qu’elle a voulu aider les femmes.

La guérilla des animaux – Camille Brunel (Alma)

Résumé : Comment un jeune Français baudelairien devient-il fanatique de la cause animale ? C’est le sujet du premier roman de Camille Brunel qui démarre dans la jungle indienne lorsqu’Isaac tire à vue sur des braconniers, assassins d’une tigresse prête à accoucher. La colère d’Isaac est froide, ses idées argumentées. Un profil idéal aux yeux d’une association internationale qui le transforme en icône mondiale sponsorisée par Hollywood. Bientôt accompagné de Yumiko, son alter-ego féminin, Isaac court faire justice aux quatre coins du globe.

Parutions du 22 août 2018

Chien-loup – Serge Joncour (Flammarion)

Résumé : L’idée de passer tout l’été coupés du monde angoissait Franck mais enchantait Lise, alors Franck avait accepté, un peu à contrecoeur et beaucoup par amour, de louer dans le Lot cette maison absente de toutes les cartes et privée de tout réseau. L’annonce parlait d’un gîte perdu au milieu des collines, de calme et de paix. Mais pas du passé sanglant de cet endroit que personne n’habitait plus et qui avait abrité un dompteur allemand et ses fauves pendant la Première Guerre mondiale.
Et pas non plus de ce chien sans collier, chien ou loup, qui s’est imposé au couple dès le premier soir et qui semblait chercher un maître. En arrivant cet été-là, Franck croyait encore que la nature, qu’on avait apprivoisée aussi bien qu’un animal de compagnie, n’avait plus rien de sauvage ; il pensait que les guerres du passé, où les hommes s’entretuaient, avaient cédé la place à des guerres plus insidieuses, moins meurtrières.
Ça, c’était en arrivant. Serge Joncour raconte l’histoire, à un siècle de distance, d’un village du Lot, et c’est tout un passé peuplé de bêtes et anéanti par la guerre qu’il déterre, comme pour mieux éclairer notre monde contemporain. En mettant en scène un couple moderne aux prises avec la nature et confronté à la violence, il nous montre que la sauvagerie est toujours prête à surgir au coeur de nos existences civilisées, comme un chien-loup.

Tous les hommes désirent naturellement savoir – Nina Bouraoui (JC Lattès)

Résumé : Tous les hommes désirent naturellement savoir est l’histoire des nuits de ma jeunesse, de ses errances, de ses alliances et de ses déchirements. C’est l’histoire de mon désir qui est devenu une identité et un combat. J’avais dix-huit ans. J’étais une flèche lancée vers sa cible, que nul ne pouvait faire dévier de sa trajectoire. J’avais la fièvre. Quatre fois par semaine, je me rendais au Kat, un club réservé aux femmes, rue du Vieux-Colombier. Deux coeurs battaient alors, le mien et celui des années quatre-vingt. Je cherchais l’amour. J’y ai appris la violence et la soumission. Cette violence me reliait au pays de mon enfance et de mon adolescence, l’Algérie, ainsi qu’à sa poésie, à sa nature, sauvage, vierge, brutale. Ce livre est l’espace, sans limite, de ces deux territoires.

Le malheur du bas – Ines Bayard (Albin Michel)

Résumé : « Au coeur de la nuit, face au mur qu’elle regardait autrefois, bousculée par le plaisir, le malheur du bas lui apparaît telle la revanche du destin sur les vies jugées trop simples ». Dans ce premier roman suffoquant, Inès Bayard dissèque la vie conjugale d’une jeune femme à travers le prisme du viol. Un récit remarquablement dérangeant.

L’habitude des bêtes – Louise Tremblay (Delcourt)

Résumé :  « J’avais été heureux, comblé et odieux. Je le savais. En vieillissant, je m’en suis rendu compte, mais il était trop tard. Je n’avais pas su être bon. La bonté m’est venue après, je ne peux pas dire quand exactement. » C’est le jour sans doute où un vieil Indien lui a confié Dan, un chiot. Lorsque Benoît Lévesque est rentré à Montréal ce jour-là, il a fermé pour la vie son cabinet dentaire et les volets de son grand appartement. Ce n’est pas un endroit pour Dan, alors Benoît décide de s’installer pour de bon dans son chalet du Saguenay, au cœur du parc national. Il y mène une vie solitaire et tranquille, ponctuée par les visites de Rémi, un enfant du pays qui lui rend de menus services, et par la conversation de Mina, une vieille dame sage. Mais quand vient un nouvel automne, le fragile équilibre est rompu. Parce que Dan se fait vieux et qu’il est malade. Et parce qu’on a aperçu des loups sur le territoire des chasseurs, dans le parc. Leur présence menaçante réveille de vieilles querelles entre les clans, et la tension monte au village…Au-delà des rivalités, c’est à la nature, aux cycles de la vie et de la mort, et à leur propre destinée que devront faire face les personnages tellement humains de ce court roman au décor majestueux.

Parutions du 23 août

Le roman de Jeanne – Lidia Yuknavitch (Denoël)

Résumé : Anéantie par les excès de l’humanité et des guerres interminables, la Terre n’est plus que cendres et désolation. Seuls les plus riches survivent, forcés de s’adapter à des conditions apocalyptiques. Leurs corps se sont transformés, albinos, stériles, les survivants se voient désormais contraints de mourir le jour de leurs cinquante ans. Tous vivent dans la peur, sous le joug du sanguinaire Jean de Men. Christine Pizan a quarante-neuf ans. La date fatidique approche . Rebelle, artiste, elle adule le souvenir d’une héroïne, Jeanne, prétendument morte sur le bûcher. Jeanne serait la dernière à avoir osé s’opposer au tyran. En bravant les interdits et en racontant l’histoire de Jeanne, Christine parviendra-t-elle à faire sonner l’heure de la rébellion ?

Le bûcher – György Dragomán (Gallimard)

Résumé : La Roumanie vient tout juste de se libérer de son dictateur. Les portraits du camarade général ont été brûlés dans la cour de l’internat où Emma, treize ans, arrivée après la mort tragique de ses parents, cherche encore à s’orienter. Quand une inconnue se présente comme étant sa grand-mère, elle n’a d’autre choix que de la suivre dans sa ville natale. Cette femme étrange partage sa maison avec l’esprit de son mari défunt et pratique la sorcellerie. Mais Emma comprend vite qu’il y a d’autres raisons à l’accueil malveillant que lui réservent les habitants de la ville. Peu à peu, elle découvre les secrets de sa famille. Profondément traumatisée et compromise par l’histoire qu’a traversée son pays, sa grand-mère a utilisé les pouvoirs de la magie pour surmonter des décennies dominées par la peur, la manipulation et la terreur. Et c’est cette force-là qu’Emma tente à son tour de libérer en elle pour trouver sa place dans un monde de nouveau bouleversé.

Parutions du 30 août 2018

L’Ange de l’histoire – Rabih Alameddine (Escales)

Résumé : Le temps d’une nuit, dans la salle d’attente d’un hôpital psychiatrique, Jacob, poète d’origine yéménite, revient sur les événements qui ont marqué sa vie : son enfance dans un bordel égyptien, son adolescence sous l’égide d’un père fortuné, puis sa vie d’adulte homosexuel à San Francisco dans les années 1980, point culminant de l’épidémie du sida. Mais Jacob n’est pas seul : Satan et la Mort se livrent un duel et se disputent son âme, l’un le forçant à se remémorer son passé douloureux, l’autre le poussant à oublier et à renoncer à la vie. En dressant le portrait bouleversant et tout en finesse d’un homme hanté par les souvenirs, Rabih Alameddine livre un texte éblouissant d’érudition et d’imagination, imprégné à la fois d’humour, de violence et de tendresse. Surtout, il nous rappelle l’urgence et la nécessité de se confronter au passé et de ne pas céder à l’oubli.

Règles douloureuses – Kopano Matlwa (Le Serpent à Plumes)

Résumé : Nous sommes en 2015, en Afrique du Sud. Des années durant, Masechaba a souffert de douleurs chroniques liées à une endométriose. Le sang a forgé son caractère, non seulement il a fait d’elle une personne solitaire, presque craintive, mais il l’a aussi poussé à devenir médecin. Quand débute le roman, elle est interne dans un hôpital. Dans le flux ininterrompu des patients, elle s’interroge sur sa capacité à les aimer tous, à leur donner toutes ses forces, tout son dévouement. Elle doute souvent, à l’opposé de sa meilleure amie, son modèle qui bien souvent pourtant l’ignore, voire la rudoie, Nyasha. Nyasha est zimbabwéenne, or l’Afrique du Sud vit alors une époque de racisme brutal.
Un jour, après avoir été accusée par son amie de ne pas avoir pris assez soin d’un patient étranger blessé lors d’émeutes xénophobes, elle décide de publier une pétition demandant le retour à la tolérance et à des valeurs humanistes. En retour, elle sera violée par trois hommes, pour lui apprendre à rester à sa place.

Le complexe d’Hoffman – Colas Gutman (éditions de l’Olivier)

Résumé : « Le petit Hoffman, il vous dira rien de sa maman. Il dit qu’elle est morte mais quand tu vas chez elle, tu vois bien qu’elle est vivante. Il m’a choisi pour me raconter son histoire. Elle n’est franchement pas triste. Je suis Lakhdar CM1, et certains disent que je suis dix-lexique. Le petit Hoffman, il a reçu une lettre dans son école. Des lois anti-alsaciennes, qu’il n’a pas le droit de faire du sport, d’aller au square ou même aux toilettes. Le petit Hoffman, quand il chasse pas les nazis de son école ou qu’il fait l’assistant respiratoire pour sa maman dépressionnaire, il écrit un livre : 83 ans. C’est l’histoire d’un type qui ne peut pas mourir avant cet âge fatal, mais ce n’est pas du tout une histoire pour enfants, parce que de l’enfance, Simon Hoffman, il n’en a jamais eu. » Burlesque, émouvant, et parfaitement irrespectueux, Le complexe d’Hoffman décrit un monde où la bonté est rare et la sécurité absente.

Et vous, avez-vous repéré des titres auxquels vous ne résisterez pas ?

Rendez-vous le mois prochain pour la sélection de septembre !