#332 Les heures rouges – Leni Zumas

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Le résumé…

États-Unis, demain. Avortement interdit, adoption et PMA pour les femmes seules sur le point de l’être aussi. Non loin de Salem, Oregon, dans un petit village de pêcheurs, cinq femmes voient leur destin se lier à l’aube de cette nouvelle ère. Ro, professeure célibataire de quarante-deux ans, tente de concevoir un enfant et d’écrire la biographie d’Eivør, exploratrice islandaise du XIXe. Des enfants, Susan en a, mais elle est lasse de sa vie de mère au foyer – de son renoncement à une carrière d’avocate, des jours qui passent et se ressemblent. Mattie, la meilleure élève de Ro, n’a pas peur de l’avenir : elle sera scientifique. Par curiosité, elle se laisse déshabiller à l’arrière d’une voiture… Et Gin. Gin la guérisseuse, Gin au passé meurtri, Gin la marginale à laquelle les hommes font un procès en sorcellerie parce qu’elle a voulu aider les femmes.

Mon avis…

Ce livre s’inscrit dans la lignée des romans de Margaret Atwood et de Maggie Nelson, entre autres, et le revendique. En effet, la proximité est palpable. Leni Zumas explore ici un futur bien sombre, en particulier pour les femmes, et surtout pour elles en réalité. Les personnages sont tous très différents et singuliers, pourtant ils se rejoignent tous à travers une chose : le genre féminin. Susan, Ro, Mattie, Gin… Elles subissent toutes les mêmes conditions, les mêmes règles et les mêmes contraintes. Mais elles se distinguent par leurs réactions variées. Si, au début, je n’ai pas complétement accroché à l’intrigue, car j’avais du mal à percevoir les personnalités de chacune. Mais, petit à petit, on comprend qu’aucune n’est prévisible. Ce sont des êtres de papier doués de leur propre volonté, qui sont en lutte contre un système qui cherche à les figer et les brider.

Après un certain nombre de pages, donc, j’ai enfin pu éprouver du plaisir à la lecture, me laisser aller aux lois de la complexité humaine que reproduit à la perfection l’autrice. C’est en fait quand chacune commence à prendre son destin en main, à sa façon, et à questionner le monde dans lequel elles vivent, que le récit devient plus intéressant. Là, on ressent l’envie de voir où les mènera leur lutte, ou au contraire l’absence de celle-ci. Car Leni Zumas décrit des combats féminins dans leur multiplicité, dans leur singularité. Aucun combat ne ressemble à un autre. Et c’est ce qui fait toute la beauté de ce roman. Tout en jouant avec des références au passé, comme les fameux procès de sorcellerie de Salem, l’autrice aborde notre futur avec clairvoyance et pertinence. Entre la femme au foyer que les pages désignent comme « l’épouse », la professeure et biographe qui désespère d’avoir un enfant, la jeune fille intelligente et promise à un grand avenir qui se retrouve malgré elle enceinte, et la guérisseuse qui ne cherche qu’à aider les femmes qui le lui demandent mais finit accusée d’être une sorcière, quel espace reste-t-il pour la liberté ? pour l’autodétermination ? pour l’individualité ? Et, in fine, les questions que soulève le roman, et auxquelles nous sommes invités à trouver une réponse, ce sont aussi : Quelle place pour LES femmeS dans le futur que nous construisons pour notre monde ? Enfin, pour quels droits voulons-nous, aujourd’hui, nous battre ? A méditer.

Carte d’identité du livre

Titre : Les heures rouges
Autrice : Leni Zumas
Traductrice : Anne Rabinovitch
Éditeur : Presses de la Cité
Date de parution : 16 août 2018

4 étoiles

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Merci aux éditions Presses de la Cité et à NetGalley France pour cette lecture.

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#298 Neuf contes – Margaret Atwood

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Le résumé…

Une écrivaine de fantasy récemment veuve se laisse guider à travers un hiver glacial par la voix de feu son époux. Une dame âgée, victime d’hallucinations, apprend peu à peu à accepter la présence des petits hommes qui ne cessent de surgir à ses côtés, tandis que des militants populistes se rassemblent pour mettre le feu à sa maison de retraite. Une femme née avec une malformation génétique passe pour un vampire. Un crime commis il y a longtemps se voit vengé dans l’Arctique par un stromatolithe vieux de 1,9 milliard d’années…

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Margaret Atwood

Mon avis…

Aujourd’hui, je vais vous parler d’un livre bien mystérieux : Neuf contes de Margaret Atwood, une autrice qui est surtout connue pour sa Servante écarlate, et dont j’avais également parlé du dernier roman paru, C’est le cœur qui lâche en dernier. Ces deux textes ont en commun leur dimension dystopique qui, sans être totalement absente de Neuf contes, n’en est pas l’aspect central. Il s’inscrit un peu dans la lignée d’un autre recueil d’Atwood, La petite poule rouge vide son cœur. Comme son titre l’indique, ce livre regroupe neuf histoires différentes. Pourtant, elles sont toutes liées, d’une manière ou d’une autre, par des thèmes, des personnages, des lieux… Je pense que ces textes, pour Margaret Atwood, ont été l’occasion de laisser libre cours à son imagination. Souvent, ses dystopies sont tellement inspirées du réel – et c’est pour ça qu’elles nous effraient – que l’on imagine la complexité et le sérieux millimétrique du travail d’écrivain qui doit être fait en amont. Ici, les histoires sont plus courtes – ce sont des nouvelles – et parfois plus farfelues, mais, à la manière des contes, leur simplicité cache des possibilités d’interprétation et de lectures infinies. Mais, en tout cas, ce que l’on ressent à la lecture de ce livre, ce n’est pas le malaise provoqué par ses dystopies, mais plutôt un plaisir pur, celui du lecteur satisfait.

Cet ouvrage regroupe des récits de genres variés, tout en étant chacun inclassable : horreur, polar, dystopie, conte folklorique, thriller, fantastique… Atwood nous montre qu’elle peut frayer avec les atmosphères et les récits à la Stephen King, ou encore avec ceux d’Edgar Allan Poe, de Mary Shelley ou Ann Radcliffe, et de tant d’autres. C’est un univers riche que celui dont Margaret Atwood nous ouvre les portes dans Neuf contes. C’est également un jeu de pistes qu’elle propose à ses lecteurs, en les invitant à reconnaître ses sources d’inspiration, à démêler le vrai du faux, ou parfois le faux du très faux, la fiction dans la fiction. Histoires d’auteurs, de lecteurs, de personnages agissants, ces contes sont animés, vivants, comme notre propre monde. Pour découvrir une autre facette de Margaret Atwood, ou tout simplement pour entrer dans son œuvre par un autre chemin que la porte principale, tentez cette lecture, vous n’en ressortirez pas déçu.e.s : c’est beau, c’est sombre, c’est à la fois pur et souillé par les âmes les plus obscures, c’est efficace, et simplement jubilatoire.

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Coup de cœur

5 étoiles

#256 Notre vie dans les forêts – Marie Darrieussecq

Le résumé…

Une femme écrit au fond d’une forêt. Son corps et le monde partent en morceaux. Avant, elle était psychologue. Elle se souvient qu’elle rendait visite à une femme qui lui ressemblait trait pour trait, et qu’elle tentait de soigner un homme.

Mon avis… 

Notre vie dans les forêts est probablement un des livres que j’attendais le plus pour cette rentrée littéraire. Marie Darrieussecq y renoue avec le style de son premier roman, Truismes, et nous présente un récit dystopique à la première personne, très troublant, sous la forme d’un journal écrit dans les dernières heures d’une vie bien étrange… On ne sait pas trop à quelle époque tout cela se passe, mais elle n’est pas si éloignée de nous. Reprenant le thème très actuel du transhumanisme, l’auteure nous présente un monde où les hommes ont trouvé la solution pour vivre éternellement. Les plus riches ont leur clone attitré, un réservoir d’organes à leur disposition pour pallier à tout problème de santé… La narratrice semble en faire partie. Mais tout n’est pas si simple. Sa vie touche à sa fin, ce qui n’aurait jamais dû advenir… Qu’en est-il vraiment ? Comment a-t-elle atterri dans cette forêt, à se terrer comme une bête traquée, à nous raconter avec confusion son histoire ?

Ce roman est teinté d’inquiétude, d’angoisse, d’incompréhension. Les personnages sont confrontés à des choses qu’ils ne parviennent pas à appréhender. Ils sont constamment connectés à tout : leurs mains sont devenus des souris, leur esprit des ordinateurs, leurs yeux des écrans… Qu’est-ce qui les différencie désormais des robots ? Toute la question est là. Marie ou Viviane, la narratrice, s’interroge. Elle éprouve d’étranges sentiments pour son clone, qu’elle a tendance à voir comme une sœur jumelle, une sœur parfaite, sans tous les défauts qu’elle a elle-même. Elle ne la rencontre que dans une atmosphère aseptisée, elle est sans cesse surveiller, mais le lien grandit. La grande question dans ce roman, c’est finalement la place qu’il reste pour l’humanité, dans un monde où l’humain peut vivre éternellement, s’il en a les moyens. Et, d’ailleurs, où commence l’humanité d’un être ? Toutes ces questions se bousculent dans l’esprit de la narratrice, puis dans le nôtre. Progressivement, Marie Darrieussecq nous suggère quelques éléments de réponse, nous décrit le monde tristement réaliste qu’elle a imaginé, use de son talent pour nous accrocher à son récit. On ne lâche pas ce livre avant de l’avoir fini. Une perle de cette rentrée littéraire, définitivement.

rentrée littéraire

#253 C’est le cœur qui lâche en dernier – Margaret Atwood

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Coup de cœur

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Le résumé…

Stan et Charmaine ont été touchés de plein fouet par la crise économique qui consume les États-Unis. Tous deux survivent grâce aux maigres pourboires que gagne Charmaine dans un bar sordide et se voient contraints de loger dans leur voiture… Aussi, lorsqu’ils découvrent à la télévision une publicité pour une ville qui leur promet un toit au-dessus de leurs têtes, ils signent sans réfléchir : ils n’ont plus rien à perdre.

À Consilience, chacun a un travail, avec la satisfaction d’œuvrer pour la communauté, et une maison. Un mois sur deux. Le reste du temps, les habitants le passent en prison… ou ils sont également logés et nourris ! Le bonheur. Mais le système veut que pendant leur absence, un autre couple s’installe chez eux avant d’être incarcéré à son tour. Et Stan tombe bientôt sur un mot qui va le rendre fou de désir pour celle qui se glisse entre ses draps quand lui n’y est pas : « Je suis affamée de toi. »

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Margaret Atwood

Mon avis…

Et oui, Margaret Atwood n’est pas que l’auteure de La Servante écarlate, loin de là ! Son dernier  livre, C’est le cœur qui lâche en dernier, vient de sortir en France… Il reste un peu dans la même lignée, avec un style exceptionnel, toujours dans la dystopie et la satire des vices de l’espèce humaine. L’histoire est tout aussi originale. Aux Etats-Unis, la crise a laissé de nombreuses personnes dans la misère quotidienne. Quand Stan et Charmaine ont l’opportunité de changer de vie, ils se disent que rien ne peut être pire que ce qu’ils ont connu… Ont-ils raison ? Toute la question est là… L’être humain, chez Margaret Atwood, n’a pas bon fond. La générosité est loin de guider les actes. Alors que cache Consilience ? Derrière toutes ces opportunités, des secrets inavoués hantent les murs de la prison… Chacun révèle ses défauts et ses vices, en croyant y gagner une meilleure vie.

Progressivement, Stan et Charmaine s’enfoncent dans une étrange histoire, de plus en plus obscure, sur fond d’adultère, de sexe et de trahisons… Le sexe, parlons-en… Encore une fois, au centre de l’œuvre… En même temps, avec l’argent, n’est-ce pas ce qui guide le monde ? Margaret Atwood n’a pas peur des mises en scène tordues et envisage avec une certaine clairvoyance les fantasmes parfois très malsains des êtres humains… Tout cela dans un univers, malgré tout, moins grave que dans La Servante écarlate, avec plus d’humour et d’ironie, à coup de Marylin Monroe et d’Elvis Presley ! Elle manipule avec talent les bons et surtout les mauvais côtés d’une société en déclin, questionne la force de l’espoir, les sacrifices que l’on est prêt à consentir pour obtenir une meilleure vie… Elle montre un monde en déclin, où les criminels deviennent les sauveurs, où les trahisons s’apparentent à des opportunités, où les vices prennent la forme des vertus. Original, parfois drôle, souvent malsain, et terriblement addictif.

rentrée littéraire

#252 Une histoire des abeilles – Maja Lunde

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Coup de cœur

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Le résumé…

Angleterre, 1851. Père dépassé et époux frustré, William a remisé ses rêves de carrière scientifique. Cependant, la découverte de l’apiculture réveille son orgueil déchu : pour impressionner son fils, il se jure de concevoir une ruche révolutionnaire.

Ohio, 2007. George, apiculteur bourru, ne se remet pas de la nouvelle : son unique fils, converti au végétarisme, rêve de devenir écrivain. Qui va donc reprendre les rênes d’une exploitation menacée par l’inquiétante disparition des abeilles ?

Chine, 2098. Les insectes ont disparu. Comme tous ses compatriotes, Tao passe ses journées à polliniser la nature à la main. Pour son petit garçon, elle rêve d’un avenir meilleur. Mais, lorsque ce dernier est victime d’un accident, Tao doit se plonger dans les origines du plus grand désastre de l’humanité.

Mon avis…

Nous le savons tous, la disparition des abeilles est un véritable enjeu contemporain. Maja Lunde prend en main cette réalité et crée une fiction en partie dystopique, nous faisant redécouvrir le monde à partir de cette perspective. A trois périodes différentes, l’auteure nous présente trois personnages, liés par leur rapport aux abeilles. A partir de ces trois époques, elle dessine une « histoire » de ces insectes essentiels à notre vie, et nous fait comprendre l’importance de leur présence pour l’espèce humaine. L’histoire la plus touchante, probablement, est celle qui se déroule après la disparition des abeilles, ce qu’on appelle dans le roman « l’Effondrement ». Une grande partie de la population humaine, de la faune et de la flore, a disparue. Sans abeilles, le monde entier a été bouleversé. La nourriture est devenue un luxe. Tao, une femme chinoise, travaille à la place des abeilles, à la pollinisation des vergers, afin de fournir l’alimentation de la population. Un jour, sa vie est bouleversée par un accident subi par son petit garçon. Elle mène alors l’enquête pour découvrir ce qui lui est arrivé, et découvre vite que cela pourra changer la face du monde tel qu’elle le connaît.

Ce roman, s’il démarre un peu lentement, rend vite accro. Tout en nous livrant une fiction passionnante, l’auteure nous propose une réflexion écologiste et humaine très profonde. Ce n’est pas un livre qui laisse indifférent. Sans être moralisatrice, elle nous montre les enjeux, et la chance que nous devrions saisir si nous voulons échapper à ce triste destin qui s’annonce. C’est un roman résolument moderne, ancré dans l’actualité, terriblement réaliste. Maja Lunde s’inspire des recherches dans le domaine, des réflexions déjà menées par des scientifiques, et les place à notre hauteur. Une histoire des abeilles, malgré son ambition, reste aussi un divertissement, un récit qui nous fait tourner les pages les unes après les autres. Partez donc à la découverte de tout un univers, celui des abeilles, de l’apiculture, et embarquez pour un voyage dans le passé et dans le futur, pour dessiner un vaste panorama d’un monde que les ruches font vivre.

rentrée littéraire

#247 La Servante écarlate – Margaret Atwood

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Le résumé…

Devant la chute drastique de la fécondité, la république de Gilead, récemment fondée par des fanatiques religieux, a réduit au rang d’esclaves sexuelles les quelques femmes encore fertiles. Vêtue de rouge, Defred, « servante écarlate » parmi d’autres, à qui l’on a ôté jusqu’à son nom, met donc son corps au service de son Commandant et de son épouse. Le soir, en regagnant sa chambre à l’austérité monacale, elle songe au temps ou les femmes avaient le droit de lire, de travailler… En rejoignant un réseau secret, elle va tout tenter pour recouvrer sa liberté. Paru pour la première fois en 1985, La Servante écarlate s’est vendu à des millions d’exemplaires à travers le monde. Devenu un classique de la littérature anglophone, ce roman, qui n’est pas sans évoquer le 1984 de George Orwell, décrit un quotidien glaçant qui n’a jamais semblé aussi proche, nous rappelant combien fragiles sont nos libertés. La série adaptée de ce chef-d’œuvre de Margaret Atwood, diffusée sous le titre original The Handmaid’s Tale, avec Elisabeth Moss dans le rôle principal, a été unanimement saluée par la critique. « Les meilleurs récits dystopiques sont universels et intemporels. Écrit il y a plus de trente ans, La Servante écarlate éclaire d’une lumière terrifiante l’Amérique contemporaine. » (Télérama)

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Margaret Atwood

Mon avis…

Qui n’a pas entendu parler de La Servante écarlate ? Redevenue “à la mode” depuis l’élection de Trump et la sortie de la série télévisée adaptée de ce chef-d’œuvre, cette dystopie dangereusement réaliste revient en force sur les étals des libraires. Et c’est une excellente nouvelle, car voilà une occasion de (re)découvrir un livre incontournable, dans la droite lignée de 1984 ou Fahrenheit 451. C’est une histoire perturbante, pour la simple et bonne raison que l’auteure s’est appliquée à ne rien inventer… Je m’explique… Comment rendre réaliste une dystopie ? Une doctrine dictatoriale et religieuse qui contrôle la vie du moindre des habitants d’un pays ? Comment insinuer dans l’esprit du lecteur la pensée que, oui, cela pourrait bel et bien arriver ? Margaret Atwood a trouvé la réponse. De tout ce qu’elle décrit dans le livre, rien n’est “inédit”, tous les comportements humains et inhumains du roman se sont déjà produits, d’une façon ou d’une autre. Elle ne montre que des choses dont l’homme est, hélas, capable.

Prière à Dieu, p.325-326 : « Garde les autres en sécurité, s’ils sont sauf. Ne les laisse pas trop souffrir. S’ils doivent mourir, fais que ce soit rapide. Tu pourrais même leur fournir un Paradis. Nous avons besoin de Toi pour cela. L’Enfer, nous pouvons nous le fabriquer nous-mêmes. »

Cette histoire, c’est celle d’une dérive. Et le plus choquant, ce qui laisse d’ailleurs une véritable marque dans l’esprit du lecteur, c’est qu’on en semble pas si loin. On se dit que, oui, tout est possible et pourquoi pas ça ? Margaret Atwood construit tout un monde, souvent trop proche du nôtre, rarement assez éloigné, et nous y plonge sans aucune hésitation. Les femmes qui lisent ce livre auront peut-être plus de mal à effacer ce roman de leur esprit, tant la place des femmes y est centrale. Mais les hommes aussi y trouveront de quoi penser. C’est un livre qui, certes, offre un divertissement, comme toute oeuvre de fiction, mais qui fait aussi beaucoup réfléchir. C’est un de ces textes qui marquent profondément des générations, qui incitent à la prudence et à la réflexion, qui perturbent dans le bon sens du terme. A lire absolument, pour ne pas passer à côté d’un chef-d’œuvre, et pour mieux comprendre notre société à travers le portrait d’une autre.

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#206 Jungle Park – Philippe Arnaud

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Le résumé…

2050. Tout commence par un homme parachuté d’un avion. C’est un condamné à mort, dans un futur où on ne brûle plus les prisonniers sur les chaises électriques : on les « condamne à l’Afrique ». L’Afrique, en effet, est devenue un véritable continent prison gardé par des drones, et le dépotoir des déchets industriels occidentaux – un endroit où les condamnés ont toutes les chances de mourir dans l’heure… à moins qu’ils n’évoluent vers une de ces espèces mutantes qui pullulent là-bas. Tony est ce condamné à mort : ancien directeur d’un parc d’attractions célèbre, riche et considéré, il a été injustement accusé de terrorisme. Par miracle, il survit à la chute… pour entamer un long périple dans la jungle, entre enfer et rédemption. Pendant ce temps, à l’autre bout du monde, la fille de Tony trouve la trace des auteurs du complot dirigé contre lui : elle compte bien sauver son père !

Mon avis…

J’étais très contente de recevoir ce nouveau roman de la collection Exprim’, qui me fait sans cesse passer de merveilleux moments de lecture. A la fin de mes partiels, je me suis dit que c’était le bon moment pour me lancer dans Jungle Park, dont la couverture me faisait (évidemment) penser à Jurassic Park… Mais, rassurez-vous, les deux histoires n’ont aucun rapport, Philippe Arnaud ne plagie personne (ouf) ! Ce roman est très prenant : une fois commencé, on le finit forcément à toute vitesse… Jungle Park est une dystopie, l’auteur imagine le monde en 2050 : l’Afrique est devenu un continent-prison. Les condamnés à mort y sont parachutés, au milieu de zones très radioactives que comptent l’Afrique depuis qu’elle est aussi devenue le dépotoir du monde. Dans ce roman, comme souvent dans la collection Exprim’, on remarque donc un fond de critique sociale, un message. Cela nous pousse à réfléchir sur la relation que nous entretenons aujourd’hui avec l’Afrique, en tant que pays occidentaux, à penser à l’avenir… Finalement, rien n’est impossible, malheureusement. Pourtant, Philippe Arnaud ne fait pas étalage de cette critique, au contraire. Elle est sous-entendue dans toute l’aventure qui anime Tony, Joannie et ses amis. Jungle Park, c’est l’histoire d’une erreur tragique, celle de Tony… Une erreur qui va faire basculer le monde entier dans un désastre sans précédent. J’ai beaucoup aimé les petites références discrètement glissées par l’auteur à des événements ou des personnages très actuels (pour ne donner qu’un exemple, nous retrouvons notre « cher » Donald Trump, à quelques occasions, comme pour rendre encore plus réelle et plausible cette dystopie).

Les histoires de Tony et Joannie se déroulent en parallèle. L’un se trouve parachuté en Afrique, sauvé par un résistant et emmené dans un périple mystérieux et périlleux, tandis que l’autre est restée en Amérique, confrontée au mépris et à la méfiance des autres qui la croient fille de terroriste. Joannie ne peut pas croire à la mort de son père, et celui-ci sait que sa fille n’est pas du genre à laisser tomber. Un dialogue silencieux s’instaure entre les deux personnages qui sont liés par le sang mais surtout par un tempérament de feu. J’ai beaucoup accroché aux personnalités des personnages, qui sont très bien construits, touchants… On les suit du début à la fin, comme si nous faisions nous aussi partie de cette aventure : prouver l’innocence du père et combattre la post-humanité (vous comprendrez en lisant, je ne peux pas vous expliquer ce « petit » détail). L’Afrique telle qu’elle est décrite est évidemment loin de celle qu’elle est aujourd’hui… Pourtant, on peut facilement imaginer les transformations que Philippe Arnaud y apporte. Dans notre monde, tant de gens sont assez fous pour faire d’un territoire qu’ils n’ont jamais approché leur seul moyen de survivre à leur propre folie. Le sacrifice des uns sert le succès des autres, leur puissance, mais pas leur gloire. C’est ça qui est intéressant dans ce livre : ceux qui ont le pouvoir ne sont pas ceux que l’on croit, ils sont discrets, se réunissent en secret, ont tout abandonné pour obtenir le plus grand des privilèges (là encore, mystère !). Tout le roman repose donc sur ces questions : qui sont-ils ? qu’y a-t-il, là-bas, en Afrique ? comment vaincre ces obstacles ? Et, réellement, c’est passionnant.

5 étoiles

Merci aux éditions Sarbacane pour cette lecture.

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#133 The Book of Ivy – Amy Engel

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Le résumé…

Voilà cinquante ans qu’’une guerre nucléaire a décimé la population mondiale. Un groupe de survivants d’’une dizaine de milliers de personnes a fini par se former, et ce qui reste des États-Unis d’Amérique s’’est choisi un président. Mais des deux familles qui se sont affrontées pour obtenir le pouvoir, la mienne a perdu. Aujourd’’hui, les fils et les filles des adversaires d’’autrefois sont contraints de s’’épouser, chaque année, lors d’’une cérémonie censée assurer l’’unité du peuple. J’’ai seize ans cette année, et mon tour est venu. Je m’’appelle Ivy Westfall, et je n’’ai qu’’une seule et unique mission dans la vie : tuer le garçon qu’’on me destine, Bishop, le fils du président. Depuis ma plus tendre enfance, je me prépare pour ce moment. Peu importent mes sentiments, mes désirs, mes doutes. Les espoirs de toute une communauté reposent sur moi. Le temps de la rébellion approche…. Bishop doit mourir. Et je serai celle qui le tuera.

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Mon avis…

Sur la blogo, on ne cesse de voir chaque jour une nouvelle chronique d’une des dernières publications Lumen : The Book of Ivy. Cette fois, c’est mon tour ! Avec tant d’agitation, je ne pouvais que manifester une grande curiosité à l’égard de l’œuvre d’Amy Engel… Je l’ai donc commencé, avec l’inquiétude d’être déçue par rapport au sentiment qui m’avait animée à l’égard d’In the After par exemple… A priori, le scénario est assez simple, alors je m’attendais à une bonne dystopie, certes, mais sans surprise. Et finalement, j’ai vraiment beaucoup aimé ce livre, je n’ai pas réussi à le lâcher un seul instant. Les deux personnages principaux, Ivy et Bishop, sont extrêmement sympathiques et très attachants. J’ai moi aussi complétement craqué pour ce dernier qui s’avère être un prince vraiment charmant ! L’histoire en elle-même n’est pas lassante car on est sans cesse confronté aux pensées d’Ivy, à sa découverte de celui qui devient son époux après un mariage forcé, aux questions qu’elle se pose sur la liberté, sur la société, sur ce qui est bien ou non…

Non seulement ce roman développe une histoire d’amour formidable, mais il permet aussi de s’interroger sur ce que notre monde risque de devenir à l’avenir, car c’est aussi le but d’une dystopie. Amy Engel parvient donc à nous proposer deux niveaux de lecture, ce qui rend l’expérience très enrichissante. Je ne peux que conseiller The Book of Ivy qui selon moi est un aussi bon choix éditorial qu’In the After et j’attends avec impatience la suite. Car oui, il y en a une ! En même temps, lorsque je suis arrivée à la fin particulièrement surprenante du roman, j’étais dans un état vraiment critique : vous voyez, celui où l’on a envie de laisser couler quelques larmes rien qu’à l’idée de devoir attendre la sortie du prochain tome… J’ai envie de connaître le choix que fera Ivy : sa famille, la révolution, ou son mari et l’amour ? Finalement, on se demande quelle serait notre décision à sa place…

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Ma note…

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#125 In the End – Demitria Lunetta

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Le résumé…

Voilà trois mois qu’Amy a fui New Hope pour échapper au diabolique docteur Reynolds. Grâce à l’équipement de Gardienne que lui a fourni Kay et à l’émetteur sonique qui éloigne les créatures, elle survit tant bien que mal dans les étendues désertiques du Texas. Jusqu’au jour où une voix lui parvient à travers l’oreillette qui la relie encore à ses anciens camarades : Baby, restée à New Hope, est en danger.

Amy n’a pas le choix. Si elle veut sauver sa sœur d’adoption, il va lui falloir se rendre à Fort Black, là où d’autres survivants se sont rassemblés et vivent selon la loi du plus fort. Dans cette véritable jungle, la jeune fille va tout faire pour retrouver Ken, le frère de Kay, seul capable de l’aider à secourir Baby. Assistée de Jacks, le neveu du dirigeant de Fort Black, la jeune fille finit par en apprendre un peu plus sur l’invasion des Floraes… Une vérité qui s’avère plus cauchemardesque encore qu’elle ne le croyait !

demitria lunetta

Mon avis…

Voici la suite du roman In the After, que j’avais absolument adoré à sa sortie ! J’attendais donc avec impatience la suite car j’avais beaucoup apprécié la tension que l’histoire dégageait. J’espérais retrouver ce qui m’avait vraiment séduit dans le premier tome, c’est-à-dire cette forme d’angoisse constante de ne pas savoir ce qu’il va se passer, de ne pas connaître la vérité sur tout. Cette sensation est cependant moins présente dans la seconde partie car tout commence à s’éclairer et on a déjà eu de nombreux indices sur ce qui a réellement provoqué l’apocalypse, notamment. Cependant, on s’attache à de nouveaux personnages que l’on découvre et les rebondissements sont nombreux. Le dénouement se dessine petit à petit et on se demande si tout va bien finir… Cela semble très difficile, on en doute ! Bien évidemment, vous ne saurez qu’en le lisant 😉

Je suis très contente qu’il n’y ait eu que deux tomes pour cette série car un troisième aurait été de trop, cela aurait été céder à une conception commerciale des sagas. Pour le coup, tout est parfaitement bien mis en place. C’est vraiment un dyptique de qualité qui se finit ici, bien qu’un peu moins passionnant que le premier. J’ai surtout regretté le manque de confrontations avec les Floraes, la rapidité de certaines actions tandis que d’autres trainent au contraire en longueur… Mais cela n’empêche pas du tout d’apprécier le livre, loin de là ! Je m’attendais simplement à quelque chose de plus *waouh* ! J’avoue par contre avoir eu un petit coup de cœur pour le nouveau chéri de notre héroïne, un beau tatoueur 😉 Dommage qu’il n’ait pas été plus « bad boy » encore, ça aurait été très sympa ! Enfin, si vous avez aimé le tome 1, lancez-vous sans peur ! Et peut-être y aura-t-il un jour une adaptation cinématographique ?

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Ma note…

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Merci aux éditions Lumen pour cette lecture.

#86 La 5e vague – Rick Yancey

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Le résumé…

Après la 1ère vague, seules restaient les ténèbres.
Après la 2ème vague, les chanceux ont pu s’enfuir.
Après la 3ème vague, les malchanceux ont survécu.
Après la 4ème vague, une seule règle s’applique : ne faire confiance à personne.
Désormais, à l’aube de la 5ème vague, et sur une portion dévastée et esseulée d’autoroute, Cassie tente de Leur échapper.
D’échapper à ces êtres qui ressemblent aux humains et qui parcourent le pays, tuant chaque personne qui se met en travers de Leur route. Eux, qui ont dispersé les derniers survivants sur la planète Terre.
Rester seule est synonyme de rester en vie pour Cassie. Enfin, c’est ce qu’elle croit jusqu’à ce qu’elle rencontre Evan Walker. Séduisant et mystérieux, Evan pourrait s’avérer être le seul espoir de Cassie pour sauver son frère – ou pour qu’elle puisse rester en vie.
Mais Cassie va devoir choisir.
Entre la confiance et le désespoir.
Entre la résistance et la capitulation.
Entre la vie et la mort.
Entre abandonner et se relever.

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Mon avis…

Alors, vous l’avez remarqué, je suis à fond en ce moment dans les dystopies, le post-apocalyptique, les trucs d’extra-terrestres, de zombies, et autres créatures ! Après « In the After » (auquel j’ai donné 20/20) et « Bird Box » (19/20), deux gros coups de cœur du mois de septembre, voici « La 5e Vague », sorti il y a plus longtemps et qui était sur ma liseuse depuis un moment… J’ai enfin eu le temps de le lire et je ne regrette pas car j’ai beaucoup apprécié. Il réunit toutes les caractéristiques du genre, de vrais méchants, de vrais héros, et une vraie bonne histoire. J’ai donc particulièrement aimé. Ce livre peut être vraiment addictif, surtout pour les amateurs du genre.

Mais j’ai malgré tout une petite déception car j’avoue avoir adoré « In the After » et « Bird Box », peut-être un peu trop ! Ce qui fait que « La 5e vague » m’a un peu paru en dessous. J’ai moins flippé, j’ai moins frissonné, et j’ai été moins passionnée ! Snif ! Disons que « La 5e vague » restera une bonne expérience de lecture mais ne me marquera  pas autant que les deux autres. Malgré tout, l’histoire est très bonne et c’est vrai qu’on a envie de connaître la suite, d’autant que les extra-terrestres ressemblent en tout point aux humains, on ne peut pas les différencier à l’œil nu, ils sont doués d’une grande intelligence, parfois même de sentiments, ce qui rend tout l’univers du livre confus et accroche le lecteur.

Je lirais la suite sans hésiter bien sûr et je viendrais vous donner mon avis, comme toujours. En bref, je conseille ce livre aux amateurs et amatrices de dystopie et de SF qui, je pense, aimeront ce livre de grande qualité. Rick Yancey écrit très très bien, et c’est agréable de lire un roman de cette qualité pour un tel genre. Malgré tout, ça n’a pas été un coup de cœur, en raison de mes lectures précédentes qui m’ont vraiment emplie d’émotions. Les personnages sont moins attachants car on en suit simultanément plusieurs et c’est plutôt dommage, j’aurais préféré n’avoir qu’un point de vue… Je n’ai pas été spécialement charmée par les rebondissements, bref, pas de « Waouh » ! Mais ça reste un bon livre, un bon début de série. Voili voilou, bonne lecture !

Ma note…

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