#365 Ma soeur, serial killeuse – Oyinkan Braithwaite

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Le résumé…

Korede s’est donné pour mission de protéger sa cadette envers et contre tout, et ce n’est pas une mince affaire. Non contente d’être la plus belle et la favorite de leur mère, Ayoola a aussi la fâcheuse habitude de tuer ses amants. Ainsi, au fil du temps, Korede est devenue experte pour faire disparaître les traces de sang et les cadavres. « Seulement, avec Femi, ça fait trois. Et à trois, on vous catalogue serial killer… »

Korede a une vie à mener, elle aussi : elle est secrètement amoureuse de Tade, le séduisant médecin qu’elle croise tous les jours dans les couloirs de l’hôpital où elle travaille comme infirmière. Aussi, lorsque sa jeune soeur jette son dévolu sur Tade, Korede se trouve face à un dilemme : comment continuer à protéger Ayoola, sans risquer la vie de l’homme qu’elle aime ?

Mon avis…

Aujourd’hui, je vous parle d’une autrice tout droit venue du Nigeria. Ici, nous sommes bien loin des histoires traditionnelles de serial killer qui sont légion dans les rayons de nos librairies. Déjà, Ayoola est une serial killeuse. Et elle est bien étrange… On ne peut pas la décrire comme une psychopathe ou une sociopathe, elle paraît même très innocente et presque inconsciente de ses actes. Est-elle une habile manipulatrice ou ne se rend-elle vraiment pas compte de ce qu’elle fait ? Korede, elle, joue le rôle de protectrice. C’est la grande sœur, celle qui veille sur sa cadette quoi qu’il arrive. Mais cela devient bien plus difficile quand sa sœurette s’en prend à l’homme qu’elle aime… Elle oscille alors entre son devoir et son amour familial, et ses propres désirs. Mais Tade est sensible au charme d’Ayoola, comme tous les hommes (et les femmes) qui croisent son chemin. Rien ne lui résiste. En étant séduit par elle, Tade a signé son arrêt de mort… Korede pourra-t-elle à le sauver ?

« Vous la connaissez, celle-là ? Deux filles entrent dans une pièce. Cette pièce se trouve dans un appartement, lui-même situé au troisième étage. Dans la pièce se trouve le corps d’un homme. Comment transportent-elles le cadavre jusqu’au rez-de-chaussée, ni vu ni connu ? »

Ce livre est très surprenant, car il n’est absolument pas écrit à la façon d’un roman policier ou d’un thriller à proprement parler. Évidemment, le suspense est présent, et les chapitres très courts sont construits de telle sorte que l’on n’a jamais envie de s’arrêter. Mais l’écriture est d’une simplicité étonnante, teintée d’humour noir et de cynisme. Ici, parlons donc plutôt de comédie noire. L’histoire interroge les liens familiaux, la fidélité, la notion de mal… Ayoola est une femme d’une beauté incroyable. Nous sommes bien loin du stéréotype du serial killer. Attirante, mortelle. J’ai personnellement tremblé pour Korede, qui m’a fait énormément de peine. C’est déjà horrible de voir son amour volé par quelqu’un de proche, qui plus est par sa sœur, mais alors une sœur meurtrière… Oyinkan Braithwaite fait très fort !

C’est donc, vous l’aurez compris, une belle et étonnante découverte que ce roman. Il est certain que l’on reverra cette autrice sur les étalages des libraires, et j’espère très vite ! Je souhaite beaucoup de succès à Oyinkan Braithwaite, et je n’hésiterais pas à lire son prochain livre.

Carte d’identité du livre

Titre : Ma sœur, serial killeuse
Autrice : Oyinkan Braithwaite
Traductrice : Christine Barnaste
Éditeur : Delcourt
Date de parution : 9 janvier 2019

5 étoiles

Merci aux éditions Delcourt pour cette lecture.

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#331 L’habitude des bêtes – Lise Tremblay

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Le résumé…

« J’avais été heureux, comblé et odieux. Je le savais. En vieillissant, je m’en suis rendu compte, mais il était trop tard. Je n’avais pas su être bon. La bonté m’est venue après, je ne peux pas dire quand exactement. » C’est le jour sans doute où un vieil Indien lui a confié Dan, un chiot. Lorsque Benoît Lévesque est rentré à Montréal ce jour-là, il a fermé pour la vie son cabinet dentaire et les volets de son grand appartement. Ce n’est pas un endroit pour Dan, alors Benoît décide de s’installer pour de bon dans son chalet du Saguenay, au cœur du parc national. Il y mène une vie solitaire et tranquille, ponctuée par les visites de Rémi, un enfant du pays qui lui rend de menus services, et par la conversation de Mina, une vieille dame sage. Mais quand vient un nouvel automne, le fragile équilibre est rompu. Parce que Dan se fait vieux et qu’il est malade. Et parce qu’on a aperçu des loups sur le territoire des chasseurs, dans le parc. Leur présence menaçante réveille de vieilles querelles entre les clans, et la tension monte au village…Au-delà des rivalités, c’est à la nature, aux cycles de la vie et de la mort, et à leur propre destinée que devront faire face les personnages tellement humains de ce court roman au décor majestueux.

Mon avis…

Il est certains livres dont on ne peut dire que peu de choses, et L’habitude des bêtes en fait partie. Il s’agit d’un roman qui se savoure, car il nous permet de pénétrer dans une atmosphère toute particulière, où les intrigues sont presque absentes et où pourtant l’ennui n’a pas la moindre place. Nous plongeons en effet dans la vie et les pensées de Benoît Lévesque qui, alors que la mort de son chien approche, décide de procéder à un retour sur son passé, au regard de son présent, tout en étant dans l’impossibilité d’envisager son avenir. Sa propre vieillesse est déjà bien installée. La simple idée qu’un jour il ne puisse plus profiter de la nature et des saisons, l’effraie au plus haut point. C’est dans le regard de la bête que l’être humain se pense. Le chien, animal familier et rassurant, côtoie les loups, sauvages et féroces. Mais le prédateur n’est pas celui que l’on croit, dans ce village perdu au coeur de la forêt. L’habitude des bêtes nous révèle l’être humain dans son animalité, sa brutalité, mais paradoxalement aussi sa tendresse parfois bourrue. En bref, Lise Tremblay nous offre un beau portrait d’hommes et de femmes, mais aussi d’une nature à la fois familière et mystérieusement insondable. C’est un très beau roman que publient ici les éditions Delcourt, dont il faut prendre le temps de goûter le moindre mot, à découvrir absolument.

Carte d’identité du livre

Titre : L’habitude des bêtes
Autrice : Lise Tremblay
Éditeur : Delcourt
Date de parution : 22 août 2018

5 étoiles

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Coup de cœur

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Merci aux éditions Delcourt pour cette lecture.

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#283 Comme une mule qui apporte une glace au soleil – Sarah Ladipo Manyika

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Le résumé…

Le professeur Morayo Da Silva s’apprête à fêter son anniversaire, alors elle sort acheter des fleurs. Cette Mrs Dalloway nigériane porte fièrement ses soixante-quinze printemps et ses turbans aux mille couleurs, et aime par-dessus tout retrouver son petit monde dans les rues de Haight-Hashbury, San Francisco, sa ville de cœur depuis deux décennies. On croise ainsi Dawud, commerçant palestinien ; Mike, un policier apprenti-romancier ; Mme Wong, toujours un balai à la main ; Sunshine, la jeune voisine indienne qu’elle a prise sous son aile; ou encore Rachel une jeune SDF fan de Grateful Dead… La vie des autres, elle l’expérimente aussi au gré des romans qui tapissent les murs de son appartement et dont les personnages dialoguent entre eux.

Morayo chuchote à notre oreille, elle nous confie sa vie intérieure, sa sagesse bienheureuse, ses souvenirs d’ailleurs, et ses secrets les plus intimes. Qu’on se le dise, malgré les croche-pieds du quotidien, elle ne donnera jamais à personne l’occasion de la traiter de « petite vieille ». Plus qu’un credo, elle a fait de Staying alive ah ah ah, la BO de sa vie.

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Sarah Ladipo Manyika

Mon avis…

Première impression sur ce livre : quelle magnifique couverture ! Cela pourrait paraître superficiel mais admettons que ces couleurs attirent l’œil et donnent envie. Et, pour le coup, la couverture est à l’image du livre : coloré, enthousiasmant, solaire… J’ai toujours eu un peu de mal avec ce qu’on appelle couramment les romans feel good. Et, pour la première fois, il y a un livre qui m’a vraiment semblé mériter ce nom, le voici. Dans ce récit, l’autrice nous raconte l’histoire de Morayo Da Silva, une femme de 75 ans qui vient du Nigéria et vit à San Francisco. Dans la vie, c’est une femme vive, pleine de couleurs, qui a le don de provoquer des sourires partout où elle passe. Comme nous, elle est amoureuse des livres et ceux-ci lui rendent bien.

Son anniversaire arrive, elle en profite pour revenir avec calme et philosophie sur son passé et son présent, tout en envisageant son avenir. Elle repense à tous ceux qu’elle a croisés, aux rencontres qu’elle a faites. Mais la vie n’est pas finie pour elle, loin de là. Et des rencontres, elle en fait encore. Son corps fatigue un peu, lui réclame du repos. Ce roman, c’est donc aussi l’histoire d’un duel entre une énergie intérieure et le temps qui passe. Morayo est un personnage inspirant, remplie d’une soif de vie et de découverte qui ne peuvent que nous donner envie de respirer un bon coup et de se laisser entraîner au fil des rues.

Ce roman, c’est le portrait d’une femme, mais aussi le portrait de la société qui fourmille autour d’elle. Une société cosmopolite, variée, qui bouge sans cesse. Dans ce livre, tout est beau. Et une lecture aussi rafraîchissante, gaie, enthousiasmante, ne peut que faire du bien. Comme une mule qui apporte une glace au soleil est un petit roman merveilleux, le premier de l’autrice à être traduit en français, et je tiens à remercier les éditions Delcourt pour cette découverte. Je conseille vivement la lecture de ce roman pour les vacances, quand on a juste envie d’une lecture douce et apaisante, à la fois légère et profonde. Sarah Ladipo Manyika fait entrer le soleil dans l’esprit de ses lecteurs et leur présente un personnage fort, à raison comparé à la célèbre Mrs Dalloway de Woolf.

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