Aujourd’hui, je vous propose de découvrir l’univers d’une autrice que j’apprécie énormément, sur le plan littéraire comme personnel : Chloé Guillot Élouard ! Je vous ai déjà chroniqué ses romans Irrégulières et Mémoires d’éléphant, et j’ai eu la chance de faire la bêta lecture de son prochain livre, Ma Grande… Alors c’est avec beaucoup d’émotion que je vous invite à faire connaissance avec elle… C’est parti !
Irrégulières et Mémoires d’éléphant sont deux romans qui abordent des sujets forts, toujours de façon originale : la condition des femmes, la maternité parfois non désirée, le handicap, la mort… De quelle façon travaillez-vous ces thèmes et à quel public souhaitez-vous vous adresser ? Quel message, s’il y en a un, souhaitez-vous faire passer à travers vos romans ?
Il y a beaucoup de choses qui me révoltent mais je n’ai pas le courage des militants qui se lèvent et portent un message direct. Donc, je mise beaucoup sur l’empathie du lecteur ou de la lectrice en mettant en scène des histoires individuelles réalistes et souvent douloureuses. À mon avis, on peut avoir des préjugés sur un sujet si on le prend globalement mais dès lors qu’on est face à une personne bien définie, une histoire singulière, on est obligé de nuancer. C’est ça que j’essaye d’initier chez le lecteur ou la lectrice : regarder l’autre d’un peu plus près, avec honnêteté. Plutôt que faire passer un message, j’espère activer une émotion qui sera la graine d’un changement. J’utilise souvent des touches d’humour, pour offrir une respiration, un moment de recul entre deux vérités qui blessent : à mon sens, c’est terrible de quitter un livre en se sentant impuissant. Au contraire, on peut terminer sa lecture en se disant : « Tiens, et si j’ajustais un peu mon rapport aux autres et à moi-même ? » Dans un monde idéal, mes livres auraient un impact sur un public qui a besoin de changement. En réalité, mes lecteurs et lectrices sont pour beaucoup des gens déjà engagés dans la bienveillance. J’espère qu’ils trouvent du soutien dans mes histoires !
L’écriture de votre prochain roman, Ma Grande, est déjà bien avancée. Que pouvez-vous nous dire de ce nouveau livre, afin de nous mettre un peu l’eau à la bouche ?
Je peux vous dire comment je le vois moi : comme une étoile filante, un récit bref mais qui brûle. J’ai voulu parler de certaines peurs et inquiétudes qui sont propres à la jeunesse d’aujourd’hui : les attentats, le rapport aux études et au travail et la dette affective qu’on peut contracter vis-à-vis de ses parents, de sa fratrie. C’est un récit assez intime et poétique, le temps d’une fugue à travers la France : un road-trip initiatique. Mon héroïne, Niloufar, va traverser la violence et faire des choix qui lui permettront de trouver sa juste place.
Pouvez-vous nous parler de vos autres projets ? Quelles belles surprises nous attendent pour la suite ?
En parallèle de Ma Grande, j’écris une saga qui se passe aux États-Unis dans un contexte de fin du monde et qui parle du système de santé… Évidemment, la situation actuelle dans le monde bouleverse un peu mes idées ! Il y a aussi un autre roman, encore embryonnaire, qui se passera sous le soleil californien et qui parlera de grossophobie, de TCA (Troubles du Comportement Alimentaire) et d’acceptation de soi. Dans tous les cas, j’espère publier au moins un de ces romans en 2020 ! Du côté de la publication, j’aimerais basculer mes deux premiers romans sur une autre plateforme qu’Amazon. C’était très pratique quand j’ai commencé, à l’étranger, mais ça ne correspond pas vraiment à mes valeurs. Pour la même raison, je voudrais travailler avec un éditeur pour Ma Grande. Et enfin, je suis en train de collaborer avec un traducteur pour adapter Mémoires d’éléphant en anglais… Mais j’y pense aussi en version pièce de théâtre. Qui a dit qu’autrice, ce n’était pas un vrai métier ?
Vous êtes expatriée aux États-Unis. Parlez-nous un peu de la vie d’une autrice française à l’autre bout du monde… Dans quelle mesure cela joue-t-il sur le rapport que vous entretenez avec vos lecteurs et lectrices, mais aussi sur votre vision du monde et de la littérature ?
Cette expatriation a été un énorme tournant dans ma vie puisque c’est aux États-Unis que j’ai décidé de publier mes deux premiers romans. Ce n’était pas prémédité, mais ici l’auto-édition est plus reconnue qu’en France, donc je me suis lancée et j’ai beaucoup appris !
Ce qui me manque vraiment, c’est de rencontrer mes lecteurs français. C’est parfois frustrant d’échanger uniquement par Internet, il faut alimenter les réseaux sociaux, ça ne me semble pas toujours naturel et facile… Heureusement, je participe à des salons chez moi : prochain rendez-vous en juin, la Rencontre des auteurs francophones à New York (mais en ce moment, difficile de savoir ce qui sera maintenu ou pas dans les prochains mois…). Ensuite, retour définitif en France ! Du point de vue de la création, c’est clair que d’être entre deux cultures influence beaucoup ce que je fais : les Américains aiment les récits rythmés, directs, où les actions s’enchaînent alors qu’en France, beaucoup de romans sont plus introspectifs, psychologiques, prennent le temps de décortiquer les émotions. C’est d’ailleurs très lié, je pense, aux langues (l’américain très verbal et efficace vs le français plus passif et ciselé). Ça m’influence sur le fond et sur la forme, donc !
Et, pour finir, nous traversons une période assez compliquée, puisque nous sommes tou.te.s confiné.e.s pour une durée indéterminée… Dans ces circonstances, la littérature et la culture peuvent être d’un grand réconfort. Avez-vous des oeuvres à nous conseiller ?
À lire : Je crois que la trilogie de Pierre Lemaître (Au-revoir là-haut, Couleurs de l’incendie, Miroir de nos peines) a un écho particulier avec notre situation, même si je n’aime pas qu’on utilise le vocabulaire de la guerre pour parler du COVID. Ce sont des romans brillants, pleins de justesse et de vérité sur la société humaine (nos lâchetés, nos coups d’éclats) ! Je recommande aussi à 200 % Les Pluies de Vincent Villeminot (une autre histoire de catastrophe mondiale traitée avec finesse). C’est l’occasion de découvrir la richesse de la littérature jeunesse !
À regarder : j’aime beaucoup la série « Il revient quand Bertrand ? » sur Arte.tv. C’est l’histoire d’un couple séparé à l’heure d’Internet où il est si facile de mettre en scène sa vie et ses sentiments… Maintenant qu’on est tous confinés, plantés devant nos ordis à la recherche d’un bon mot sur les réseaux, c’est encore plus savoureux à regarder !
À garder en tête : on n’est pas obligé d’être un héros en ce moment. On a le droit de se sentir triste, effrayé, en colère, dégoûté, vulnérable ou ralenti.
Je remercie sincèrement Chloé Guillot Élouard de s’être prêtée au jeu de l’interview en 5 questions. Quel plaisir j’ai eu à découvrir ses réponses ! Autant vous dire que l’esprit qui ressort de cette interview me confirme le sentiment que j’ai eu à la lecture de ses romans, celui d’être entré dans l’univers d’une autrice qui est avant tout une très belle personne. Et j’espère vraiment la rencontrer à son retour en France, si l’envie est partagée !
Les chroniques de ses romans sont ici : Irrégulières / Mémoires d’éléphants.
Bonne lecture !