#423 Les Graciées – Kiran Millwood Hargrave

Le résumé…

1617, Vardø, au nord du cercle polaire, en Norvège. Maren Magnusdatter, vingt ans, regarde depuis le village la violente tempête qui s’abat sur la mer. Quarante pêcheurs, dont son frère et son père, gisent sur les rochers en contrebas, noyés. Ce sont les hommes de Vardø qui ont été ainsi décimés, et les femmes vont désormais devoir assurer seules leur survie.
Trois ans plus tard, Absalom Cornet débarque d’Écosse. Cet homme sinistre y brûlait des sorcières. Il est accompagné de sa jeune épouse norvégienne, Ursa. Enivrée et terrifiée par l’autorité de son mari, elle se lie d’amitié avec Maren et découvre que les femmes peuvent être indépendantes. Absalom, lui, ne voit en Vardø qu’un endroit où Dieu n’a pas sa place, un endroit hanté par un puissant démon.

Mon avis…

Que le temps me manque depuis que je suis en thèse ! Mais j’arrive encore à grappiller quelques minutes, quelques heures, pour plonger dans des livres… Et quels livres ! L’autre jour, je me suis rendue en librairie afin de trouver un cadeau pour une amie… En demandant conseil au libraire, j’en ai presque fini par oublier que je ne venais pas pour moi, tant les romans qu’il me proposait semblaient passionnants. Mais il y en a un qui a attiré mon attention plus que tous les autres. C’était comme une évidence : je devais repartir avec, je devais le lire. Ce livre, le voici. Il s’intitule Les Graciées, et il a été écrit par Kiran Millwood Hargrave, écrivaine britannique. Il s’agit de son premier roman destiné à un public adulte… et cela ne se voit pas ! Ce que je veux dire par là, c’est que l’écriture est parfaitement maîtrisée, et il n’y a pas grand chose d’enfantin ou d’adolescent dans ces pages. C’est un récit parfaitement bien construit, malgré un démarrage un peu long. Ce sentiment de lenteur initiale s’explique probablement par l’attention portée par l’autrice à l’établissement du cadre, du contexte. Nous sommes dans un coin très reculé de la Norvège, en 1617. Un naufrage vient d’avoir lieu, sous les yeux des femmes du village : tous les hommes sont morts. En quelques secondes la plupart des femmes se retrouvent donc veuves, orphelines de père, ou vont devoir porter le deuil de leurs fils. Pendant plusieurs années, aucun homme ne s’installe au village. Les seuls qui viennent ne font que passer, pour le commerce surtout. Les femmes apprennent à vivre sans eux. Mais un jour, un délégué du seigneur est envoyé dans le village. Sa présence est d’abord énigmatique mais, très vite, la jeune Maren commence à sentir qu’il a apporté avec lui une terrible menace.

« Le pasteur peut bien penser que leur survie après la tempête tenait du miracle, Maren est désormais persuadée que Dieu se serait montré plus clément en noyant tout le village. »

Les Graciées de Kiran Millwood Hargrave n’est pas un récit qui décrit un village uni par la sororité. Les hommes, bien qu’absents, sont toujours là, comme des ombres ou des spectres. Ils hantent l’existence de ces femmes qui, contre toute attente, se divisent. Entre tradition et prétendu progrès, entre anciennes croyances et dogmes religieux, le village se déchire petit à petit, autour de l’homme providentiel pour certaines, dangereux pour d’autres : Absalom Cornet. A ses côtés, sa femme, qui ne connaît pas celui qu’on lui a fait épouser, qui ne sait rien de lui, qui ne connaît de lui que sa brutalité quand vient le moment de satisfaire ses désirs. Ursa, la jeune épouse, quitte le confort de sa vie citadine pour la dureté du quotidien dans un village de pêcheurs. Elle ne sait rien faire, se sent incapable d’accomplir tout ce qu’on attend d’elle. Mais elle trouve de l’aide, et surtout du réconfort, auprès de Maren, une jeune fille de son âge qui se sent inexplicablement attirée par le mystère de cette nouvelle venue. La relation entre les deux femmes est réellement ce que j’ai préféré. Dans cette histoire sombre et parfois violente, la douceur et la sincérité des liens qui les unissent sont particulièrement réconfortantes.

« Elle qui pensait avoir vu le pire depuis ce port, que rien ne pouvait égaler les horreurs de la tempête, comprend à présent combien il était naïf de croire que le mal ne pouvait provenir que du dehors. Depuis le départ, il était ici, parmi elles, perché sur deux jambes, répandant la rumeur de sa langue humaine. »

J’ai beaucoup plus aimé ce livre que je n’aurais pu l’imaginer. Quand j’ai fini Les Graciées, j’avais le sentiment d’avoir entre les mains le livre que je rêvais de lire. Les émotions que j’ai ressenties à sa lecture étaient si fortes, si belles. Ce roman a rencontré mon âme, comme une évidence. C’est un livre à la fois complexe par sa profondeur, par sa recherche, par son cadre atypique, et d’une simplicité vraie par les sentiments qu’il dépeint et provoque. Les Graciées secoue, bouleverse, et ne laissera personne indifférent. Vous l’avez compris, c’est un véritable coup de cœur. Inspiré d’une histoire vraie, ce livre n’en est que plus fort. Il m’a donné envie d’en savoir plus, de continuer mon exploration de ces lointaines contrées norvégiennes et de ces femmes du passé, qui nous rappellent les combats menés et les combats à venir. Un récit féministe et poétique, particulièrement éblouissant, émouvant, vibrant, le tout dans une atmosphère glaciale.

Carte d’identité du livre

Titre : Les Graciées
Autrice : Kiran Millwood Hargrave
Traductrice : Sarah Tardy
Éditeur : Robert Laffont
Date de parution : 20 août 2020

Coup de cœur

#420 Les sorcières de la littérature – Taisia Kitaiskaia et Katy Horan

Le résumé…

Le livre pour célébrer les magiciennes de la littérature !

30 ensorcelantes écrivaines qui ont marqué leur époque, reconnues ou injustement oubliées, illustrées et racontées dans toute leur puissance.

Toni Morrison, Virginia Woolf, Emily Dickinson, mais aussi María Sabina, Audre Lorde, Yumiko Kurahashi, Octavia E. Butler… Alchimistes du verbe, elles nous emportent dans un envoûtant tour du monde et révèlent le pouvoir des femmes de lettres.

Toni Morrison, représentée par Katy Horan.

Mon avis…

Aujourd’hui, je vous parle d’un livre absolument magnifique : Les sorcières de la littérature : 30 écrivaines aux pouvoirs extraordinaires. C’est un très joli ouvrage qui regroupent les portraits de 30 femmes d’exception, toutes autrices et parfois militantes féministes. Sur la page de gauche, une superbe illustration signée Katy Horan, et sur la page de droite, un texte poétique de Taisia Kitaiskaia, les deux permettant de mieux comprendre et percevoir l’essence et le style de chacune de ces autrices. En dessous du texte, vous trouverez également une courte biographie, avec quelques conseils de lecture pour vous orienter dans votre découverte.

Le vague à l’âme, Anaïs rédige son journal sur les flots. Les pages s’écrasent sur les rochers, éclaboussent la lune, giclent sur les chaussures des voyageurs.euses qui se promènent sur la grève. Sa conscience lacrymale vient noyer les joues iodées des sirènes.

Extrait du portrait poétique d’Anaïs Nin, par Taisia Kitaiskaia

J’ai été très surprise par ce livre. Au début, j’étais un peu dubitative, car une double page me semblait assez peu pour parler de ces écrivaines. Mais en fait, j’ai vite compris en parcourant ce livre que le but n’était pas de tout nous dire de ces écrivaines. Ce n’est pas un ouvrage encyclopédique du tout. L’objectif, c’est tout simplement, pour Katy Horan et Taisia Kitaiskaia, de rendre hommage à ces femmes à travers leurs propres œuvres (leurs portraits et leurs poèmes ici), et de nous donner, à nous lecteurs et lectrices, un aperçu de ce qui nous attend si nous décidons d’aller plus loin. Elles nous proposent un échantillon du ressenti à la lecture de ces autrices. Chacun de ces portraits a pour but d’intriguer, de susciter la curiosité. Et, honnêtement, ça marche !

Forugh Farrokhzad, représentée par Katy Horan.

J’ai découvert avec ce livre quelques autrices que je connaissais pas du tout. Chacune possède même un surnom poétique, qui nous en révèle beaucoup sur son pouvoir de sorcière de la littérature. Shirley Jackson est la « Sorcière des villages, des horreurs domestiques et des mauvais présages », Flannery O’Connor la « Prophétesse des paons, des gens bizarres et des yeux de verre », Forugh Farrokhzad la « Rebelle de l’amour sensuel, des jardins verdoyants et des parfums envoutants ». Et, lorsque je les connaissais, j’ai trouvé les illustrations et les textes très justes, et très proches de ce que j’ai pu ressentir à la lecture de leurs écrits. Je pense en particulier à Emily Brontë (ici la « Gardienne des landes, du fantastique et des romances douloureuses ») ou encore Virginia Woolf (« Sentinelle des eaux, des bibelots de porcelaine et de la grammaire »). Vous retrouverez aussi, notamment, et en vrac : Emily Dickinson, Charlotte Perkins Gilman, Sylvia Plath, Janet Frame, Joy Harjo, Jamaica Kincaid, Audre Lorde, etc. En bref, quelques noms connus, certes, mais surtout énormément de belles découvertes.

Eileen Chang, représentée par Katy Horan.

Ce livre, préfacé par Chloé Delaume, a vraiment l’avantage de donner un tas d’idées de lectures pour les amateur.rice.s d’autrices et de féminisme. Tous ces portraits ensorcelants nous font rêver, et nous plongent dans une littérature envoutante et magique. Je pense vraiment que Les Sorcières de la littérature pourrait bien être une excellente idée de cadeau de Noël pour tou.te.s les curieux.ses, et en particulier les féministes ! Un beau livre, qui en appelle d’autres, portant les valeurs de la sororité, de l’indépendance et de la liberté créatrice. Découvrez-le vite !

Carte d’identité du livre

Titre : Les Sorcières de la littérature
Autrices : Taisia Kitaiskaia et Katy Horan
Traductrice : Cécile Roche
Éditeur : Autrement
Date de parution : 06 novembre 2019

#418 Mordre au travers – Virginie Despentes

Le résumé…

Des femmes qui vendent leur corps, qui le punissent de ne pas être comme celui des autres ou de porter le fruit d’un désamour, qui le fantasment dans des ébats sulfureux… Évocations tranchantes d’un quotidien noir, de drames intimes ou de rêves inquiétants, ces nouvelles disent violemment le désir et le refus du désir, la colère, la honte inavouée, les excès d’amour, ou encore la folie meurtrière…

Mon avis…

J’ai récemment eu l’occasion de lire ce petit recueil de nouvelles de Virginie Despentes, paru chez Librio. J’avoue que c’est surtout la quatrième de couverture qui m’a attirée. En ce moment, j’ai envie de lire sur les femmes, et je cherche des textes forts. Ayant déjà été séduite par King Kong Théorie, référence en terme de féminisme, je connaissais le style incisif et parfois brut de décoffrage de Despentes. Elle n’a pas froid aux yeux, elle n’a peur de rien, et certainement pas de choquer. Autre argument : ce recueil coûte seulement 3 euros, et ce n’est pas un élément négligeable quand on a un budget un peu serré. Alors, était-ce un bon choix ?

Autant vous dire que oui, vraiment, ce recueil un peu méconnu vaut clairement le détour. Chaque nouvelle est d’une force telle qu’elle nous coupe le souffle, nous empoigne, nous secoue, nous balance sous le poids lourd de la vie qui nous écrase… J’admets que cette métaphore n’est peut-être pas des plus enthousiasmantes, mais je la trouve adaptée à l’effet que peut faire ce recueil : il est brutal, il remue profondément – viscéralement – et il heurte. Mais il touche juste, il éveille en nous le sentiment de révolte, il montre la force des femmes, une force bien trop souvent balayée par les privilèges des hommes. Oui, Mordre au travers s’inscrit bien dans la lignée de King Kong Théorie. Il évoque les thèmes chers à Despentes, et tant d’autres : violences conjugales, viols, drogue, prostitution, mais aussi amour, poésie, recherche de tendresse…

Virginie Despentes maîtrise à la perfection l’art de la nouvelle, avec sa chute vertigineuse, son choc final, qui nous laisse bouche bée, sans voix, aspiré par la noirceur du monde. Le tout porté par son style incomparable, ses longues phrases qui suivent le fil des pensées, des pensées torturées… Peut-être trop violent pour certain.e.s lecteur.rice.s, ce recueil ne laissera pas indifférent.e.s les révolté.e.s, les déconstruit.e.s, celleux qui entendent observer et comprendre le monde qui les entourent, dans toute sa violence et dans toute sa splendeur. C’est une lecture difficile, mais salutaire. Une lecture amère, mais mordante.

« Quand tu le fais avec moi, comment ils font tes reins ça me fait du bien de haut en bas, avec le bassin tu me casses quelque chose, résistance qui pète en plein milieu, il y a du ciel par là, je suis ouverte en plein milieu, il me sort des lambeaux de nuages, sans interruption, et il y a de la mer qui se déploie dans ma gorge, pourquoi ce plaisir-là vient de toi et c’est toi seulement qui le donnes, soleil roulant sur des arcs tendus, trempée, tu me vas tellement loin, à ce moment-là mon ventre est sûr et c’est pour toi qu’il est bâti, creusé en pente douce pour que tu glisses à l’intérieur et tu n’as jamais de fin, ouvrir les yeux c’est dans les tiens que je tombe et toujours j’ai attendu ça, c’est le centre du monde, j’étais bâtie pour ça, j’étais bâtie pour toi, me renfermer sur toi, m’ouvrir en plein pour toi. »

Carte d’identité du livre

Titre : Mordre au travers
Autrice : Virginie Despentes
Éditeur : Librio
Date de parution : 4 mars 2020 (1999)

Avertissement : Certains passages peuvent heurter la sensibilité des lecteur.rice.s.

#413 V comme Virago – Aude Gogny-Goubert et Adrien Rebaudo

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Le résumé…

« Virago : Femme guerrière, forte et courageuse. Héroïne. »
Ovide (Ier siècle av. J. -C.)
« Virago : n. f. Péjoratif. Femme d’allure masculine, autoritaire et criarde. »
Le Larousse (XIXe siècle)

Vous en conviendrez, la définition du terme « virago » a légèrement glissé en quelques siècles… Bon, ok, soyons francs : elle n’a plus rien à voir avec sa signification originelle. Il est désormais temps de redorer le blason de ce mot et, surtout, de celui de toutes les viragos de l’Histoire !
Dans cet ouvrage inspiré de la série vidéo à succès « Virago », Aude Gogny-Goubert et Adrien Rebaudo dressent le portrait de plus de 70 femmes qui ont fait des choses extraordinaires, et dont on a peu – voire jamais – entendu parler.
Qu’elles soient politiciennes, astronautes, peintres, scientifiques, danseuses… toutes ont transcendé leur condition, leur religion, leur époque ou leur milieu social pour faire bouger les lignes et changer le cours de l’Histoire.

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Louise Michel, militante révolutionnaire et libertaire

 

Mon avis…

Je connaissais déjà la chaîne YouTube d’Aude GG, Virago, sur laquelle la comédienne nous faisait des portraits drôles et audacieux de femmes, le tout en quelques minutes top chrono. J’étais donc ravie de découvrir l’existence d’un livre, V comme Virago, qui marche sur le même principe : des femmes, des biographies, et un petit côté décalé. Cela n’est pas sans évoquer Culottées de Pénélope Bagieu, et certaines figures présentées sont évidemment communes. Ce projet part d’un constat, celui de l’existence de « l’effet Matilda ». Il y a 40 ans environ, Margaret Rossiter, historienne des sciences, remarque que les femmes sont moins reconnues que les hommes quant il s’agit de leurs découvertes et de leurs inventions. Et, en général, cela se fait largement au profit des hommes… Désormais, un mouvement important dans le féminisme actuel contribue à rétablir la notoriété de ces femmes oubliées voire effacées des livres et des manuels d’histoire, de science ou encore de philosophie ou de littérature !

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Jane Goodall, primatologue, éthologue et anthropologiste

Aucun domaine de la vie culturelle et scientifique n’est épargné : les femmes sont promptes à être reléguées aux oubliettes, quelles que soient leurs actions, leurs inventions, leurs innovations, leurs découvertes… V comme Virago est une porte d’entrée vers la vie de ces femmes exceptionnelles : une biographie, une citation, le tout joliment illustré par Léna Bousquet. J’ai personnellement découvert de nombreuses personnalités que je ne connaissais pas, et pourtant je pense être assez renseignée sur le sujet ! La sélection des femmes présentées ici n’est évidemment pas exhaustive, mais elle est représentative, puisqu’elles viennent de tous les horizons. Pas d’européanisme ici, ou d’occidentalisme en général. J’ai pris un plaisir fou à parcourir ces pages, et à (re)découvrir Jane Goodall, Vandana Shiva, Erin Brokovich, Valentina Terechkova, Junko Tabei, ou encore Frida Kahlo. Des noms plus ou moins connus, donc, vous l’aurez compris, mais surtout une lecture extrêmement enrichissante, parsemée des splendides illustrations de Léna Bousquet !

Carte d’identité du livre

Titre : V comme Virago
Auteur.rice.s : Aude Gogny-Goubert et Adrien Rebaudo
Illustratrice : Léna Bousquet
Éditeur : First Éditions
Date de parution : 23 janvier 2020

5 étoiles

Je remercie First Éditions et NetGalley pour cette lecture.

#407 Le réveil des sorcières – Stéphanie Janicot

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Le résumé…

Et si en commençant son nouveau roman sur la magie noire par un accident de voiture fatal, la narratrice avait provoqué la mort de son amie Diane, guérisseuse et médium ?
Dans la forêt de Brocéliande, où elles se retrouvaient l’été, les légendes celtes, la pratique de la sorcellerie sont toujours prégnantes. Le mystère grandit autour de Diane, sa tragique disparition et ses pouvoirs exceptionnels dont semble avoir hérité sa fille cadette, Soann, une adolescente sombre et troublante, hantée par le deuil et la certitude que sa mère a été assassinée.

Mon avis…

Nous sommes le 8 mars, et en cette journée internationale des droits des femmes, quoi de mieux qu’un roman féministe ? Je vous présente ce livre, sorti pendant la rentrée littéraire de janvier qui, loin de surfer sur la vague du retour en force des sorcières, renouvelle la vision que l’on porte sur ces femmes mystérieuses. Stéphanie Janicot nous propose un roman absolument passionnant, qui se passe dans un cadre à la fois enchanteur et désenchanté : la forêt de Brocéliande, en Bretagne. Personnellement, j’adore cet endroit, et j’avoue avoir retrouvé son charme, tout en découvrant une autre facette, plus sombre et désabusée. Dans ces pages marquées par le réalisme, l’autrice nous entraîne dans une Bretagne profonde qui vit grâce aux touristes attirés par les secrets des sorcières et les légendes nombreuses qui habitent ces lieux. Cette plongée dans la culture bretonne, dont Stéphanie Janicot nous narre quelques récits plus ou moins connus, et bien souvent transmis de façon erronée et ici rétablis, est des plus plaisantes.

Dans ce roman, les personnages féminins sont mis en avant et occupent une place absolument centrale. Ici, l’amour d’un ou plusieurs hommes ne viendra pas sauver les héroïnes, car elles vont tenter de se sauver elles-mêmes. La narratrice arrive dans la région à la suite de la mort de Diane. Cette dernière, une guérisseuse, autrement dit une sorcière, laisse derrière elle deux filles : Soann et Viviane. La narratrice, elle, ne sait pas trop si elle croit en la sorcellerie. Elle vit à Paris, elle est journaliste et, même si elle a grandi en Bretagne, elle a fini par oublier l’atmosphère qui y règne et les mystères qui s’y déroulent. Elle est désormais plus terre-à-terre, plus réaliste. Mais la mort de Diane la fait douter, et tout ce qu’elle pensait savoir est remis en question. Très vite, elle est confrontée à une évidence : la mort de Diane n’est pas accidentelle. Avec Soann, elle enquête et découvre que son amie la sorcière dérangeait visiblement quelqu’un, mais qui ? Entre peinture sociale et roman noir, ce livre féministe nous fait découvrir le destin de quatre femmes uniques, étroitement lié à Brocéliande, lieu de tous les mystères…

Carte d’identité du livre

Titre : Le Réveil des sorcières
Autrice : Stéphanie Janicot
Éditeur : Albin Michel
Date de parution : 02 janvier 2020

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Coup de coeur

#406 Pucelle – Florence Dupré La Tour

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Le résumé…

Depuis sa plus tendre enfance, Florence ignore tout ce qui se passe… en-dessous de la ceinture. Elle imagine que le papa met la petite graine dans le nombril de la maman, et puis de toute façon, il est tacitement interdit, dans la famille, de parler de « la chose qui ne doit pas être dite ». Alors… Florence imagine des scénarii terribles, parfois idiots ; Florence s’angoisse devant le poids de la tradition qui place inéluctablement la femme dans une position inférieure ; Florence, à sa façon, résiste pour ne pas sombrer.

Mon avis…

Aujourd’hui, je vous parle d’une bande dessinée qui n’est pas encore sortie, mais encore un peu de patience : c’est pour bientôt ! Le 20 mars, donc, vous pourrez découvrir Pucelle de Florence Dupré La Tour, qui s’attaque à la sacro-sainte virginité. Florence, le personnage, vit dans un monde que nous connaissons tous : héritage judéo-chrétien, société patriarcale… Mais sa famille est un peu plus « radicale » que les autres, car profondément conservatrice et rétrograde. Florence reste longtemps une enfant, ignorant tout de ce qui l’attendra quand viendra le moment fatidique du premier rapport charnel. En partant de sa petite enfance, elle raconte sa « non-éducation » sexuelle, et l’impact qu’elle a eu sur sa construction, en tant que femme.

Cette bande dessinée, au style que j’ai trouvé assez enfantin, montre les clichés dans lesquels grandit cette petite fille, et les conséquences catastrophiques qu’ils ont sur sa perception du monde. Sujet passionnant s’il en est. Et, même si j’avoue m’être personnellement très peu reconnue dans ce personnage, j’ai apprécié découvrir cette vision singulière. Sans avoir été très sensible au style de l’autrice et aux illustrations, je dois néanmoins avouer que cette lecture m’a un peu déstabilisée, dans le bon sens du terme. Je ne saurais que trop la conseiller aux personnes que ces problématiques intéressent ! C’est un point de vue original, assez drôle et décalé, tout en étant profondément proche de la réalité.

Carte d’identité du livre

Titre : Pucelle
Autrice : Florence Dupré La Tour
Éditeur : Dargaud
Date de parution : 20  mars 2020

3 étoiles

Merci à NetGalley et à Dargaud pour cette lecture.

#405 T’as pensé à… ? – Coline Charpentier

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Le résumé…

« J’ai lancé le compte “T’as pensé à… ?” sur Instagram un mardi matin de novembre, entre le biberon de mon fils et mon café. Après la participation de copines épuisées, des milliers de femmes sont venues témoigner. Avec une seule et même question : pourquoi, alors que nous avions fait un enfant à deux, nous nous retrouvions à gérer seules la suite ? Et que faire une fois que nous avions dénoncé ? Ce livre apporte un début de réponse pour aller vers l’action. »

Coline Charpentier propose une ouverture au dialogue sur la charge mentale. Comment en mesurer l’importance dans son propre couple ? Comment répondre aux sceptiques qui pensent que les femmes « n’ont qu’à mieux s’organiser » ? Comment s’en sortir et retrouver un équilibre, dans son couple et dans la société ?

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Mon avis…

Et si nous parlions « charge mentale » ? Cette notion est souvent considérée comme complexe, et elle en devient malheureusement incomprise. De plus en plus d’ouvrages s’emparent de cette expression et tentent de l’expliquer, avec plus ou moins de succès. T’as pensé à… ? est né d’un compte Instagram, sur lequel sa créatrice partage des anecdotes que lui communiquent des dizaines de femmes. Elles y parlent de leur vécu, au quotidien, et de leur ressenti. Elles montrent, dans le concret, ce qu’est pour elles la charge mentale. Le livre reprend certains de ces témoignages, et c’est sur cette base que Coline Charpentier élabore ses conseils, ses réflexions. Grâce à T’as pensé à… ?, vous comprendrez enfin ce qu’est la charge mentale, mais surtout vous trouverez des solutions pour y remédier, en la partageant avec l’élu de votre coeur.

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Cet ouvrage, très simple et court, invite à la réflexion. Vous ne vous perdrez pas dans les méandres de longs développements théoriques. Non, vous reconnaîtrez probablement votre propre situation, si vous avez des enfants, ou si vous êtes simplement en couple. Et vous vous sentirez moins seule, très certainement. Le titre, T’as pensé à… ?, évoque toutes ces petites phrases que l’on a toutes entendues : « T’as pensé à repasser ma chemise ? », « T’as pensé à préparer le sac des enfants ? », « T’as pensé à acheter du pain ? », « T’as pensé à faire le ménage ? », etc. Toutes ces choses à penser qui surchargent l’esprit de la plupart des femmes, et entraînent une fatigue harassante… Allez, la charge mentale : c’est fini ! Il faut changer les choses maintenant, et ce petit livre, en bon petit guide, vous donne quelques pistes.

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Certes, T’as pensé à… ? ne va pas révolutionner votre vie quotidienne, c’est à vous de la transformer, et à votre conjoint(e). Mais le livre invite à la prise de conscience, à prendre du recul sur notre propre situation, et à identifier dans tout ce fouillis routinier ce qui, concrètement, pose problème. Ce que j’ai apprécié dans cet ouvrage, c’est sa simplicité, son accessibilité, et je trouve qu’il peut être une bonne porte d’entrée sur le sujet, une bonne approche de cette problématique de la charge mentale. Sans tout dire, il constitue un bon début. En plus, Coline Charpentier introduit beaucoup d’humour dans ce livre, ce qui rend l’exploration de cette sérieuse thématique un peu plus légère ! Et ça, clairement, c’est assez plaisant. T’as pensé à… ? est à mettre entre les mains des curieux, des sceptiques, des craintifs du féminisme, ou des personnes qui ne savent pas par où commencer et veulent simplement comprendre ce qui se cache derrière la « charge mentale ».

Carte d’identité du livre

Titre : T’as pensé à… ?
Autrice : Coline Charpentier
Éditeur : Livre de Poche
Date de parution : 08 janvier 2020

4 étoiles

Merci à NetGalley et au Livre de Poche pour cette lecture.

Alerte parution : « Treize jours » de Roxane Gay

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Parfois, il me semble indispensable de vous signaler la sortie en poche de livres absolument exceptionnels.

Alors j’aimerais attirer votre attention sur Treize jours de Roxane Gay. Je vous l’avais chroniqué à sa sortie en 2017. Et c’était un véritable coup de cœur ! Retour sur la chronique :

Le résumé…

Fille de l’un des hommes les plus riches d’Haïti, Mireille Duval Jameson mène une vie confortable aux États-Unis. Mais alors qu’elle est en vacances à Port-au-Prince avec son mari Michael et leur bébé Christophe, Mireille est kidnappée. Ses ravisseurs réclament un million de dollars à son père. Pourtant, ce dernier refuse de payer la rançon, convaincu que toutes les femmes de sa famille seraient alors enlevées les unes après les autres. Pendant treize jours, Mireille vit un cauchemar. Son ravisseur, dit le commandant, est d’une cruauté sans nom. Comment survivre dans de telles conditions et, une fois libérée, comment surmonter le traumatisme, pardonner à son père et recréer une intimité avec son mari ?

Mon avis…

Préparez-vous à découvrir un livre choquant, violent et bouleversant… pour la bonne cause ! L’histoire de Mireille ne peut laisser personne indemne. Ce roman est un véritable chef d’œuvre d’émotions. Roxane Gay dépeint parfaitement la détresse humaine, l’égarement et la colère qu’une femme peut ressentir après avoir vécu les pires épreuves. Et, surtout, ce qui m’a le plus touchée, le vide qui habite un être brisé. C’est une sensation des plus difficiles à rendre, des plus complexes à décrire, et l’autrice a réussi cet exploit… Ce roman, bien qu’il s’agisse d’une fiction, est profondément réaliste dans la souffrance qu’il décrit, comme dans la richesse – et la bassesse – de l’être humain qu’il explore.

C’est un texte passionnant, que l’on dévore, que l’on ne lâche pas. Il prend aux tripes et absorbe totalement l’esprit jusqu’à l’ultime page. Chaque mot est un pas en avant dans la compréhension d’une violence sans nom. Clairement, ce livre secoue, ébranle, perturbe. Il laisse une profonde trace, peut réveiller quelques troubles – selon le vécu de chacun. Mais c’est un roman qui dit des choses essentielles, des choses brutales mais dont chacun devrait prendre conscience un jour. Malgré ce qu’il a bousculé en moi, ce livre m’a plu, pour la force qu’il dégage, l’émotion qu’il communique, l’espoir qu’il redonne, parfois. Roxane Gay donne une voix à des victimes, tout en explorant un territoire, Haïti, en mettant en évidence les problèmes qui secouent le monde, chaque jour. Elle montre jusqu’où la sensation d’être né au mauvais endroit, du mauvais côté de la route, peut mener. Jusqu’à quelles extrémités, quelle violence. En bref, Treize jours est un beau roman, dans tous les sens du terme, et une expérience vibrante, qui laisse une sensation étrange…

Découvrez aussi Hunger, le dernier livre de Roxane Gay.

féminismeblog

#359 Hunger – Roxane Gay

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Le résumé…

Si vous êtes une femme et que vous vivez aux États-Unis ou dans un pays occidental ; si vous êtes obsédée par l’idée de manger trop ou de ne pas manger assez (c’est plus rare) ; si vous utilisez des mots comme «craquer» et «péché mignon» – ces mots qui nous inspirent un sentiment de honte et destinés à mettre nos corps au pas, il est fort probable, et ce quelle que soit votre silhouette, que vous entretenez un rapport à la nourriture frisant le fétichisme.
À celles qui rentrent dans ce modèle de plus en plus étriqué, félicitations! Les vêtements sont coupés pour vous, les producteurs de chou kale vous adorent et l’opinion publique avec eux. Les autres risquent de rester dans l’ombre, à l’endroit précis où l’auteur de ce livre voulait se trouver.

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Roxane Gay

Mon avis…

Il y a maintenant plus d’un an, je vous ai parlé d’un roman, un véritable coup de coeur, ou plutôt un énorme choc : Treize jours. À cette occasion, j’ai découvert une autrice exceptionnelle, Roxane Gay. Aujourd’hui, je vous parle d’un autre de ses livres. Il ne s’agit pas d’un roman, attention, mais d’un essai biographique.

« J’aimerais tellement pouvoir écrire un livre sur une perte de poids triomphale, sur la façon dont j’aurais appris à mieux vivre avec mes démons. J’aimerais pouvoir écrire un livre qui raconte que je suis en paix, que je m’aime comme je suis, quelle que soit ma corpulence. À la place, j’ai écrit celui-ci, le plus difficile que j’aie jamais écrit, bien plus difficile que je n’aurais pu l’imaginer. Quand j’ai commencé Hunger, j’étais certaine que les mots me viendraient aussi facilement que d’habitude. Et que pouvait-il y avoir de plus facile que d’écrire sur le corps dans lequel j’avais vécu pendant plus de quarante ans ?« 

Roxane Gay, quand elle avait douze ans, a subi une agression sexuelle. Ce moment a été crucial dans sa vie, et le traumatisme a été profond. Par la suite, elle a ressenti le besoin de se protéger, de devenir invisible. La minceur était le contraire de ça, elle représentait la menace, elle attirait… Alors elle s’est réfugiée dans la nourriture, elle a grossi. Et ce qu’elle fait, dans Hunger, c’est nous raconter l’histoire de son corps, de ce qu’il est devenu après. Son corps, je n’ai pas l’impression qu’elle le déteste. C’est le sien, et elle l’apprécie et l’a accepté dans une certaine mesure, et elle nous explique tout cela.

« Il faut que vous sachiez que ma vie est coupée en deux, pas très proprement. Il y a l’avant et l’après. Avant que je prenne du poids. Après que j’ai pris du poids. Avant qu’on me viole. Après qu’on m’a violée.« 

Ce que j’ai beaucoup aimé dans ce livre, comme dans Treize jours, c’est le ton de l’autrice : franc, simple, efficace, sans la moindre fioriture. Elle dit les choses, cash, elle s’exprime, prend la parole. La voix qu’elle porte est forte. D’ailleurs, j’ai beaucoup aimé l’expression (et jeu de mot) de Roxane Gay, qui se définit elle-même comme « une femme forte ». Oui, l’humour a aussi sa place ici, mais c’est avant tout un récit très sincère et émouvant.

« J’ai si souvent voulu leur dire que quelque chose n’allait pas, que j’étais en train de mourir à l’intérieur, mais je ne trouvais pas les mots. »

C’est un récit touchant, et aucune phrase ne laisse indifférent. C’est pourquoi j’ai tenu à en mettre quelques-unes dans cet article, pour que vous compreniez la puissance de cet essai. Il est bouleversant, étonnant, et surtout détonnant. C’est une plongée dans l’intériorité de l’autrice, en toute simplicité et honnêteté, mais aussi avec cette brutalité inhérente à son vécu.

« Je suis loin d’être aussi courageuse que ce que les gens croient. En tant qu’auteure, armée de mots, je peux faire tout ce que je veux, mais quand je dois emmener mon corps dans le monde, le courage me manque. »

Ce que j’ai apprécié dans cet essai, c’est aussi les coups de gueule, complétement justifiés, de Roxane Gay. Elle épingle par exemple les magasins de fringues pour le fait qu’ils ignorent toute une part de la population. Elle montre l’exclusion, le rejet, l’indifférence, le mépris… Pour autant, il ne faut pas croire qu’elle s’en prend aux personnes minces ou quoi que ce soit, pas du tout ! Elle offre simplement une voix aux invisibles, à ceux (et surtout à celles) qui se sentent hors de la société, qui occupe beaucoup de place et pourtant n’en ont aucune. Elle ose exprimer sa colère, et ça j’aime beaucoup !

« Parfois, des personnes qui croient bien faire, je pense, me disent que je ne suis pas grosse. Ils lancent des choses comme : « Ne dis pas ça de toi », parce que pour eux « grosse », c’est quelque chose de honteux, d’insultant, alors que pour moi c’est la réalité de mon corps. Quand j’emploie ce mot, je ne suis pas en train de m’insulter. Je me décris.« 

Ce livre, cet essai, permet une prise de conscience, il invite à la réflexion, et ça fait beaucoup de bien. L’autrice aborde beaucoup de sujets : agressions sexuelles, féminisme, grossophobie, et tant d’autres. Non, ce n’est pas un livre déprimant, bien au contraire. C’est un livre qui déborde de vérité, mais qui n’est pas non plus feel-good, évidemment. Mais il nous invite à mieux nous connaître, à écouter notre corps et notre esprit… Ce que je retire de cette lecture, c’est vraiment du positif. J’ai le sentiment qu’un petit quelque chose à changer en moi, et c’est finalement ce qu’on attend d’un bon livre !

« Plus vous êtes gros, plus votre monde rétrécit. »

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Carte d’identité du livre

Titre : Hunger
Autrice : Roxane Gay
Traducteur : Santiago Artozqui
Éditeur : Denoël
Date de parution : 10 janvier 2019

5 étoiles

Merci aux éditions Denoël pour cette lecture.

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#350 Le malheur du bas – Inès Bayard

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Le résumé…

« Au cœur de la nuit, face au mur qu’elle regardait autrefois, bousculée par le plaisir, le malheur du bas lui apparaît telle la revanche du destin sur les vies jugées trop simples. »

Dans ce premier roman suffoquant, Inès Bayard dissèque la vie conjugale d’une jeune femme à travers le prisme du viol. Un récit remarquablement dérangeant.

Mon avis…

Voici un autre roman de la rentrée littéraire 2018, encore un, et pas des moindres. Le malheur du bas, on en a tous et toutes entendu parler… Et, parfois, ce n’est pas forcément une bonne chose. A en entendre trop, on en attend beaucoup… Mais, heureusement, j’ai vite oublié tous ces échos car le roman m’a absorbée. Oubliée la comparaison purement structurelle avec Chanson douce de Leïla Slimani (que j’avais par ailleurs apprécié). Oubliée l’idée que « ça parle d’un viol ». Car c’est bien plus que ça. C’est un texte profond, bouleversant, qui raconte la vie d’une femme qu’une agression sexuelle égare. Elle n’est pas seulement perdue dans cette société qui ne l’empêche pas de se détruire, elle est perdue en elle-même. On n’est pas forcément dans un texte qui a pour vocation de nous montrer la réaction habituelle d’une femme victime de viol, on est ici face à un destin exceptionnel, car il sort du commun, un destin fait de violence et de destruction. Inès Bayard nous propose un récit dont on connaît déjà la fin, il n’y a aucune surprise sur ce plan. Tout l’intérêt est dans le processus : comment Marie va-t-elle en arriver à de tels extrêmes ? L’écriture, incisive et directe, ne permet au lecteur aucun détour ou recours. Emporté dans un tourbillon torturé, il n’a plus d’échappatoires. Et, pour être honnête, je crois que l’on n’a jamais envie de refermer ce livre. Malgré son intensité, sa brutalité, il nous accroche complètement. Je ne peux pas en dire beaucoup plus, il faut lire ce livre pour comprendre. Sans être un coup de cœur comme Règles douloureuses, il s’agit d’un texte fort, à la fois exceptionnel et utile, qui nous révèle un talent très prometteur, celui d’Inès Bayard. Sujet d’actualité s’il en est, sujet millénaire même, les violences faites aux femmes – qui dépassent le viol, y compris dans ce roman – sont enfin abordées, et c’est une très bonne chose. C’est justement ce que j’ai particulièrement apprécié dans Le malheur du bas : la représentation du caractère divers de ces violences, qui peuvent aussi bien être sexuelles que morales, sociales, professionnelles ou gynécologiques… Vous l’aurez compris, c’est un roman éprouvant mais incontournable en cette rentrée littéraire !

Carte d’identité du livre

Titre : Le malheur du bas
Autrice : Inès Bayard
Éditeur : Albin Michel
Date de parution : 22 août 2018

5 étoiles

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