#390 Une île, rue des oiseaux – Uri Orlev

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Le résumé…

Alex, onze ans, petit garçon juif de Pologne, voit le monde s’écrouler autour de lui : sa mère arrêtée, ses amis disparus. Et voilà que les Allemands emmènent son père avec tous les habitants de la rue. Alex se retrouve seul dans le ghetto vide. Il s’aménage une cachette où il tente d’organiser son attente. Les mois passent, les espoirs s’amenuisent. Soudain, une voix, venue d’un monde oublié.

Mon avis…

Une île, rue des oiseaux est un joli petit livre jeunesse qui parle d’un sujet particulièrement difficile : la Seconde Guerre mondiale et l’Holocauste. Tout est raconté à travers l’expérience d’un jeune garçon de 11 ans, Alex, qui se retrouve seul du jour au lendemain dans le ghetto de Varsovie. Sans jamais être confronté à l’horreur des camps et de la guerre, le lecteur n’en ressent pas moins l’atmosphère particulièrement lourde et étouffante de l’époque. Le danger est partout, la menace plane sur Alex. Ce roman se déroule entièrement comme un « huis-clos » dans le ghetto. Le garçon ignore tout de ce qui se passe au-dehors, son monde s’arrête à la rue voisine. Il attend, inlassablement, le retour de son père, mais les mois passent… Il doit survivre. Une île, rue des oiseaux est un livre touchant, poétique, et qui se lit très facilement. Sans être la meilleure porte d’entrée sur la Seconde Guerre mondiale pour les enfants, il en est tout de même une intéressante, car il permet d’en percevoir les tensions et d’en deviner certains enjeux. Un peu trop éloigné de la réalité de tout un chacun à l’époque, il est néanmoins le récit d’une destinée individuelle passionnante. C’est aussi un roman qui ravira les adultes !

Carte d’identité du livre

Titre : Une île, rue des Oiseaux
Auteur : Uri Orlev
Éditeur : Le Livre de Poche Jeunesse
Date de parution : 23 septembre 2009

4 étoiles

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#387 Maus : un survivant raconte, l’intégrale – Art Spiegelman

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Le résumé…

Récompensé par le prix Pulitzer, Maus nous conte l’histoire de Vladek Spiegelman, rescapé de l’Europe d’Hitler, et de son fils, un dessinateur de bandes dessinées confronté au récit de son père. Au témoignage bouleversant de Vladek se mêle un portrait de la relation tendue que l’auteur entretient avec son père vieillissant.

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Mon avis…

Aujourd’hui, j’ai eu envie de vous parler d’un livre que vous connaissez peut-être déjà. Mais, après tout, il y a probablement aussi une multitude de lecteurs et lectrices qui ne l’ont pas encore découvert… Maus, c’est une bande dessinée, ou plus précisément un roman graphique. C’est donc une œuvre longue, qui s’adresse plutôt aux adultes et à un public averti, habitué à la lecture de BD ou non. Art Spiegelman y raconte l’histoire de son père, Vladek, juif déporté à Auschwitz. Il raconte sa vie, depuis la montée du nazisme jusqu’à la Libération, en passant par la traque des juifs, les rafles, le travail forcé, la vie dans les camps… Pour faire ce récit, Art Spiegelman choisit de représenter les personnages comme des animaux. Les juifs, ici, sont des souris (maus en allemand), et les Allemands des chats. C’est un récit absolument passionnant et complet, réalisé avec beaucoup d’amour et de curiosité de la part d’un fils qui veut mieux comprendre son père.

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J’ai particulièrement aimé ce roman graphique. Tout, absolument tout est merveilleusement bien dessiné et écrit. C’est un chef d’œuvre. Rien n’est inutile. Même les moments où l’on voit le père et le fils échanger ensemble, mettant en scène l’écriture du roman graphique, sont indispensables à la compréhension. Ces moments permettent de mettre en évidence à la fois les séquelles laissées par l’expérience concentrationnaire et l’individualité de Vladek, dont on découvre aussi la personnalité avec plus de relief, à travers le regard de son fils, à la fois tendre et sans indulgence.

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Il y aurait beaucoup de choses à dire sur ce roman graphique, mais aucune ne saurait dire à quel point cette œuvre est fantastique. Lire Maus est une véritable expérience. Et celle-ci est tout bonnement inoubliable. Il s’agit, et ce n’est pas que mon humble avis, mais bien celui de millions de personnes, d‘une des œuvres qu’il faut à tout prix avoir lues au moins une fois dans sa vie. C’est une œuvre terriblement émouvante, qui interroge sur de nombreux sujets, et en particulier sur le travail de mémoire et l’héritage à conserver de ce terrible épisode de l’Histoire. Maus est un roman graphique chargé en émotions, de la joie à la tristesse, en passant par l’angoisse. Art Spiegelman nous montre l’humanité, dans tout ce qu’elle a de plus horrible et de plus beau, dans un simple livre. Chapeau bas, et merci.

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Carte d’identité du livre

Titre : Maus : un survivant raconte, l’intégrale
Auteur et illustrateur : Art Spiegelman
Traductrice : Judith Ertel
Éditeur : Flammarion
Date de parution : 14 janvier 2012 [1992]

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Coup de coeur

#371 Otto, autobiographie d’un ours en peluche – Tomi Ungerer

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Le résumé…

« J’ai compris que j’étais vieux le jour où je me suis retrouvé dans la vitrine d’un antiquaire. J’ai été fabriqué en Allemagne. Mes tout premiers souvenirs sont assez douloureux. J’étais dans un atelier et l’on me cousait les bras et les jambes pour m’assembler… »

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Mon avis…

Après vous avoir parlé de l’excellent Crictor, qui racontait l’histoire tendre et drôle d’un boa constrictor domestique, voici Otto, autobiographie d’un ours en peluche. Comme le titre l’indique, le narrateur est un nounours, qui retrace avec nous son parcours tumultueux. Otto est né en Allemagne. Sa première famille d’adoption est celle de David, un gentil garçon. Lorsque David, qui doit porter une étoile jaune, est un jour emmené avec sa famille par des hommes inquiétants, Otto est donné par le petit à son meilleur ami, Oskar. Mais la guerre le séparera encore de son nouveau propriétaire… À partir de l’histoire d’un objet attendrissant et attachant, pour lequel tout enfant a de l’affection, Tomi Ungerer nous raconte l’Histoire avec un grand H. Il parle aux enfants de l’horreur et de la cruauté de la guerre, mais avec beaucoup de douceur. C’est un livre absolument magnifique et touchant, plein de justesse et de pertinence. J’avoue avoir été étonnée de parcourir un album aussi délicat, qui permet de parler de sujets aussi durs avec autant de tact et de simplicité. Un seul mot : c’est beau. J’aurais aimé le découvrir lorsque j’étais enfant, je dois l’avouer. C’est aussi un très beau livre sur l’amitié, sur la fidélité, l’affection et la tolérance. Comme toujours, les livres de Tomi Ungerer sont d’une richesse folle ! C’est un auteur qui prend en considération l’intelligence des enfants, et les croit capable de comprendre l’essence des choses. Et ça, j’adore.

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Carte d’identité du livre

Titre : Otto, autobiographie d’un ours en peluche
Auteur : Tomi Ungerer
Traductrice : Florence Seyvos
Éditeur : L’École des Loisirs
Date de parution : 24 mai 2001 [1999]

5 étoiles

Tomi Ungerer

1931-2019

#324 Le magasin jaune – Marc Trévidic

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Le résumé…

Au début de l’année 1929, un jeune couple rachète un magasin de jouets en faillite dans le quartier de Pigalle. Gustave et Valentine pensent qu’à vendre le bonheur, on ne peut que le trouver soi-même. Ils repeignent la boutique couleur mimosa : le magasin jaune naît. C’est un soleil. Les parents et les enfants tournent autour ; les jouets s’animent ; la vitrine s’illumine. Les odeurs et les bruits de la rue meurent à sa porte.
Mais au-dehors, le monde change. La crise financière puis politique obscurcit tout. Arrivent la guerre, l’Occupation allemande.
Le Magasin jaune sera-t-il préservé de la violence et de l’horreur ? Ou n’est-il qu’une prison d’illusions et de mensonges ? Gustave s’y enferme et y garde ses secrets. Valentine veut s’en échapper. Les enfants, seuls, continuent de jouer le jeu, avec à leur tête la princesse du Magasin jaune. Ils recréent le monde, l’imitent parfois, mais toujours préfèrent l’innocence du rêve à la violence du cauchemar.
De 1929 à 1942, de l’Art déco aux chars d’assaut, de Cole Porter à la musique militaire, Le Magasin jaune retrace l’histoire d’un lieu où joies et désespoirs se succèdent, où la résignation fait place à la résistance, tandis que le regard énigmatique et froid d’Arlequin nous met en garde : le bonheur est fragile comme une poupée de porcelaine.

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Marc Trévidic

Mon avis…

Le Magasin jaune est un roman dont l’intrigue s’étend essentiellement de l’entre-deux guerre à la période de la Seconde Guerre mondiale. On retrouve cependant des échos de la Grande Guerre, à travers la figure du père de Gustave notamment, et Marc Trévidic suggère avec subtilité les liens qui unissent les deux conflits. Il nous montre ainsi que l’Histoire est en quelque sorte un cycle, un éternel recommencement. Il situe son intrigue dans un cadre original : celui d’un charmant magasin de jouet, symbolisant l’enfance et sa persistance dans l’âme de chacun. Ainsi, il nous fait le portrait d’une époque violente, en la mettant en regard avec un univers tout à la fois féérique et attendrissant. Marc Trévidic joue sur les contrastes. Certains personnages, adultes, restent jeunes au fond d’eux, gardent l’espoir. D’autres, parfois des enfants, incarnent la cruauté du XXe siècle. L’auteur n’hésite pas à concevoir des êtres de papier complexes sur le plan psychologique. Leurs actes sont parfois inattendus, imprévisibles, à la manière de vraies personnes. Cela les rend d’autant plus attachants qu’ils sont imparfaits, comme nous tous. C’est pourquoi le récit familial prend toute son ampleur ici, on a envie de suivre les aventures de ces personnages, de la famille Pilon et de tous ceux qui l’entourent, du début à la fin.

Dans ce livre, j’ai beaucoup apprécié le regard tendre que pose l’auteur sur le monde qu’il nous décrit. Il est animé par l’espoir, l’optimisme, malgré les horreurs décrites ou suggérées. On a en effet un portrait fidèle de l’atmosphère parisienne sous l’Occupation, avec des scènes parfois brutales et toujours réalistes. Mais il y a surtout, dans ce roman, de véritables incarnations de la résistance, ou plutôt des résistances sous toutes leurs formes ! J’ai aimé que l’auteur sache rendre compte de la complexité et de la variété des réactions dans une telle situation. Tous les personnages agissent différemment, et chacun a ses propres motivations, ses raisons, ses buts. L’amour est au coeur de tout, bien sûr. Vous allez me dire que ça peut avoir l’air idéaliste tout ça, et je vous dirais oui, peut-être un peu. Et alors ? Après tout, la littérature est aussi là pour nous montrer que la lumière est toujours là, quelque part, même dans l’obscurité la plus profonde. En parlant de la Seconde Guerre mondiale, Marc Trévidic nous parle aussi d’aujourd’hui, de notre propre époque, de nous-mêmes. En bref, c’est un récit simple, fluide, tout à fait prenant, aux significations belles et profondes.

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En quelques mots…

parcours d’une famille
quand l’enfance rencontre l’horreur
résistance(s)
une très belle écriture
la petite histoire dans l’Histoire

Carte d’identité du livre

Titre : Le magasin jaune
Autrice : Marc Trévidic
Éditeur : JC Lattès
Date de parution : 07 mars 2018

5 étoiles

#268 Gioconda – Nìkos Kokàntzis

Le résumé… 

La libraire Marie-Jo Sotto-Battesti (librairie Goulard, Aix-en-Provence), en quatrième de couverture de ce livre, le résume ainsi : « Gioconda est un de ces “petits” livres que l’on n’oublie pas de sitôt. Dans la Grèce de la Seconde Guerre mondiale, deux adolescents vont découvrir la magie du désir et de l’amour. La tourmente de la guerre emportera cet amour mais ce livre nous le restitue avec une force, une vérité extraordinaires et nous gardons longtemps au cœur sa lumière. »

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Mon avis…

Ce livre, bien que court, petit par son format, est un très grand livre, et surtout un témoignage émouvant. Avant d’en tourner la première page, on ne s’attend pas un tel choc. J’ai été très touchée par cette lecture, d’une sensibilité folle. L’auteur y raconte une période de sa vie, celle qu’il a partagée avec Gioconda, une jeune femme pleine de vie, aimée et amoureuse. Il narre leurs premiers sentiments, leurs premiers ébats, leurs joies et leurs peurs. Dans ce livre, les mots révèlent une sensualité acharnée. La tendresse, la soif de vivre, la chaleur du soleil et des corps, les battements des cœurs, tout transparaît. Ce témoignage n’est pas tant un récit sur la guerre qu’un véritable hymne à la vie et à l’amour. C’est un texte magnifique que l’auteur nous offre, en rendant hommage à la première femme qu’il a aimée avec une intensité vibrante. Gioconda est probablement un des livres les plus beaux que j’ai eu l’occasion de lire. Il nous happe, nous éprouve et nous émeut. Nìkos Kokàntzis voulait offrir un monument de mots à une jeune fille qu’il n’a jamais pu oublier, partie trop tôt à cause de la folie des hommes, et c’est magnifiquement réussi. Un livre plein de pudeur, entre rêve et réalité, à la fois nécessaire, lumineux, marquant, bouleversant, apaisant et vivant.

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Coup de cœur 

 

#140 Adieu Berlin – Waldtraut Lewin

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Le résumé…

Rita grandit a Berlin auprès de Sidonie, sa belle.-mère qu’elle aime tendrement. Son père, souvent absent, ne lui apporte que le confort matériel. Après l’arrivée au pouvoir de Hitler, il quitte Sidonie, que sa confession juive met en danger. Rita préfère rester avec sa mère d’adoption. Ensemble, elles décident de fuir au Maroc où vit une partie de leur famille. Le jour même de leur départ, Sidonie est arrêtée par la police nazie. Mais Rita ne renonce pas : une carte postale de Marrakech dans la poche et toute sa fortune cachée dans la doublure de ses vêtements, elle réussit à passer la frontière française. A Strasbourg, elle rencontre Gabriel, un Allemand recherché par les nazis qui survit en trafiquant de faux papiers. La peur et l’espoir vont jeter sur les routes de France ces deux solitudes que tout oppose… Une magnifique histoire d’amour entre deux êtres épris de liberté que seuls les hasards de l’Histoire pouvaient réunir.

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Mon avis…

Je ne connaissais pas ce roman avant de tomber dessus par hasard au détour d’un rayonnage Emmaüs à Lyon. Tentée bien évidemment par le prix, mais aussi par l’histoire, je n’ai pas hésité à en faire l’acquisition et à très vite le découvrir. Ce livre relate l’histoire de deux personnages, à l’existence purement fictive, cherchant tous deux à fuir le régime nazi. La jeune fille veut rejoindre le Maroc car elle est à moitié juive et fille d’un homme trop influent qui a choisi de sacrifier sa femme, juive, au profit de ses affaires. Le jeune homme, quant à lui, fait l’objet d’un ordre d’arrestation de l’armée allemande. Tous les deux, malgré leurs différences, vont se retrouver unis par le désir de liberté, et par un amour naissant. Le roman est raconté par ces deux personnages, chacun avec sa propre sensibilité, si bien que le lecteur est comme tout-puissant, possédant toutes les cartes en main pour s’attacher à chacun d’eux.

Le scénario en lui-même est assez recherché et change de certains romans sur la guerre qui semble tous se ressembler. Le lecteur est assez souvent surpris par la tournure des évènements et les pages se tournent sans demander leur reste. Cependant, j’ai regretté certaines choses, selon moi plutôt des erreurs de style d’écriture voire de maîtrise de l’intrigue… J’aurais aimé toucher du doigt plus de fragilité dans la relation naissante des personnages. On se rend vaguement compte que quelque chose change pour eux et qu’il devient plus difficile de laisser percevoir la force qu’ils doivent nécessairement montrer… Mais jamais on ne réaliste vraiment la passion qui les étreint, bien qu’on reste conscient de son existence. Certains rebondissements sont parfois peu réalistes, rendant finalement moins compte de la réalité que d’une certaine vision utopiste de l’auteur… L’écriture cherche à montrer que l’espoir n’est jamais vain, bien que la fin semble contredire ce propos, mais la cruauté de la guerre et la fragilité de ceux qui doivent la fuir font perdre au roman une part de son potentiel émotionnel.

Waldtraut Lewin

Waldtraut Lewin

Ma note…

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