#418 Mordre au travers – Virginie Despentes

Le résumé…

Des femmes qui vendent leur corps, qui le punissent de ne pas être comme celui des autres ou de porter le fruit d’un désamour, qui le fantasment dans des ébats sulfureux… Évocations tranchantes d’un quotidien noir, de drames intimes ou de rêves inquiétants, ces nouvelles disent violemment le désir et le refus du désir, la colère, la honte inavouée, les excès d’amour, ou encore la folie meurtrière…

Mon avis…

J’ai récemment eu l’occasion de lire ce petit recueil de nouvelles de Virginie Despentes, paru chez Librio. J’avoue que c’est surtout la quatrième de couverture qui m’a attirée. En ce moment, j’ai envie de lire sur les femmes, et je cherche des textes forts. Ayant déjà été séduite par King Kong Théorie, référence en terme de féminisme, je connaissais le style incisif et parfois brut de décoffrage de Despentes. Elle n’a pas froid aux yeux, elle n’a peur de rien, et certainement pas de choquer. Autre argument : ce recueil coûte seulement 3 euros, et ce n’est pas un élément négligeable quand on a un budget un peu serré. Alors, était-ce un bon choix ?

Autant vous dire que oui, vraiment, ce recueil un peu méconnu vaut clairement le détour. Chaque nouvelle est d’une force telle qu’elle nous coupe le souffle, nous empoigne, nous secoue, nous balance sous le poids lourd de la vie qui nous écrase… J’admets que cette métaphore n’est peut-être pas des plus enthousiasmantes, mais je la trouve adaptée à l’effet que peut faire ce recueil : il est brutal, il remue profondément – viscéralement – et il heurte. Mais il touche juste, il éveille en nous le sentiment de révolte, il montre la force des femmes, une force bien trop souvent balayée par les privilèges des hommes. Oui, Mordre au travers s’inscrit bien dans la lignée de King Kong Théorie. Il évoque les thèmes chers à Despentes, et tant d’autres : violences conjugales, viols, drogue, prostitution, mais aussi amour, poésie, recherche de tendresse…

Virginie Despentes maîtrise à la perfection l’art de la nouvelle, avec sa chute vertigineuse, son choc final, qui nous laisse bouche bée, sans voix, aspiré par la noirceur du monde. Le tout porté par son style incomparable, ses longues phrases qui suivent le fil des pensées, des pensées torturées… Peut-être trop violent pour certain.e.s lecteur.rice.s, ce recueil ne laissera pas indifférent.e.s les révolté.e.s, les déconstruit.e.s, celleux qui entendent observer et comprendre le monde qui les entourent, dans toute sa violence et dans toute sa splendeur. C’est une lecture difficile, mais salutaire. Une lecture amère, mais mordante.

« Quand tu le fais avec moi, comment ils font tes reins ça me fait du bien de haut en bas, avec le bassin tu me casses quelque chose, résistance qui pète en plein milieu, il y a du ciel par là, je suis ouverte en plein milieu, il me sort des lambeaux de nuages, sans interruption, et il y a de la mer qui se déploie dans ma gorge, pourquoi ce plaisir-là vient de toi et c’est toi seulement qui le donnes, soleil roulant sur des arcs tendus, trempée, tu me vas tellement loin, à ce moment-là mon ventre est sûr et c’est pour toi qu’il est bâti, creusé en pente douce pour que tu glisses à l’intérieur et tu n’as jamais de fin, ouvrir les yeux c’est dans les tiens que je tombe et toujours j’ai attendu ça, c’est le centre du monde, j’étais bâtie pour ça, j’étais bâtie pour toi, me renfermer sur toi, m’ouvrir en plein pour toi. »

Carte d’identité du livre

Titre : Mordre au travers
Autrice : Virginie Despentes
Éditeur : Librio
Date de parution : 4 mars 2020 (1999)

Avertissement : Certains passages peuvent heurter la sensibilité des lecteur.rice.s.

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#380 L’Oiseau moqueur et autres nouvelles – Jean Rhys

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Le résumé…

Porte d’entrée magnifique dans l’œuvre de Jean Rhys, ce recueil de nouvelles, restées longtemps inédites en français, nous entraîne dans la bohème de l’Europe d’avant guerre, Vienne la magnifique, Paris et ses cafés, puis plus loin encore, au-delà des océans, vers les souvenirs d’enfance ensoleillés des Caraïbes.
Poète, lady, rêveur pathétique ou amoureuse éperdue, les personnages de Jean Rhys arpentent la vie avec pour seul bagage la nostalgie, le bonheur enfui, et toujours cet humour sombre, si bien dosé.

Mon avis…

Il y a certains livres que l’on voudrait vraiment aimer, dès qu’on apprend leur existence. C’est exactement ce qui m’est arrivé pour ce recueil de nouvelles de Jean Rhys. J’ai découvert cette autrice il y a quelques années avec La Prisonnière des Sargasses (Wide Sargasso Sea), inspiré de Jane Eyre, le célèbre roman de Charlotte Brontë. Donc, quand j’ai vu ce recueil dans le catalogue des éditions Denoël, je n’ai pas hésité un seul instant, et j’ai sauté dessus ! Ces nouvelles relatent de petites histoires qui se passent au XXe siècle, en particulier à Paris et à Vienne. Mais plusieurs autres lieux sont explorés. Pour être très honnête, je m’attendais à retrouver une forme de révolte assez marquée dans ces textes, et des émotions plus profondément explorées… Néanmoins, j’ai trouvé l’ensemble de ces nouvelles assez plates et, avec le recul de la lecture, aucune ne me reste véritablement en mémoire, sauf peut-être « Le Sidi ». Certaines nouvelles sont vraiment agréables à lire, mais l’ensemble n’est pas marquant… Je n’ai pas retrouvé la plume de Jean Rhys dans La Prisonnière des Sargasses. Ce sont néanmoins des nouvelles intéressantes à découvrir si l’on connaît déjà un peu l’écriture de Jean Rhys, car elles permettent d’en voir l’évolution. Vous l’aurez compris, c’est une petite déception pour moi, malheureusement… Je n’ai encore jamais été déçue depuis le début de mon partenariat avec les éditions Denoël mais, comme quoi, tout peut arriver !

Carte d’identité du livre

Titre : L’Oiseau moqueur et autres nouvelles
Autrice : Jean Rhys
Traducteur : Jacques Tournier
Préface : Christine Jordis
Éditeur : Denoël
Date de parution : 23 mai 2019

3 étoiles

Merci aux éditions Denoël pour cette lecture.

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#377 Écouter le noir – Collectif

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Le résumé…

Les grands noms du thriller français mettent nos sens en éveil.

Treize auteurs prestigieux de noir sont ici réunis et, si chacun a son mode opératoire, le mot d’ordre est le même pour tous : nous faire tendre l’oreille en nous proposant des récits qui jouent avec les différentes définitions de l’audition.

Dans ces nouvelles, ils ont donné libre cours à leur noire imagination pour créer une atmosphère, des personnages inoubliables et une tension qui vous happeront dès les premiers mots… et jusqu’à la chute. Éclectique et surprenant, ce recueil renferme onze expériences exceptionnelles de lecture.

Laissez-vous chuchoter à l’oreille, venez Écouter le noir.

Mon avis…

C’est sur l’initiative d’Yvan Fauth, du blog EmOtionS, qu’est né le recueil de nouvelles Écouter le noir. Il a proposé à quelques auteurs et autrices de thrillers, romans policiers et romans noirs, d’écrire autour du mot « audition ». Cela donne des récits très différents les uns des autres, dans lesquels nous pouvons retrouver la patte de chacun.e, tout en laissant une grande place à la surprise ! Vous trouverez dans ce livre treize écrivain.e.s et onze histoires écrites par :

Barbara Abel et Karine Giebel ♦ Jérôme Camut et Nathalie Hug ♦ Sonja Delzongle ♦ François-Xavier Dillard ♦ R.J. Ellory ♦ Nicolas Lebel ♦ Sophie Loubière ♦ Maud Mayeras ♦ Romain Puértolas ♦ Laurent Scalese ♦ Cédric Sire

Un casting 5 étoiles donc. Vous vous en doutez, il est difficile de donner un avis très détaillé sans gâcher le plaisir de la lecture et sans en révéler trop. Je me contenterais donc de vous dire que ce livre est un recueil de textes éclectiques, qu’il y en a pour tous les goûts et que vous ferez, je le pense, de très belles (re)découvertes.

J’ai trouvé qu’ouvrir l’ouvrage sur la nouvelle de Barbara Abel et Karine Giebel était vraiment une idée formidable car ce texte, « Deaf », met tout de suite dans l’ambiance. On part pour une escapade mortelle, ça secoue, c’est sec, net, précis : en un mot, efficace.

J’ai personnellement beaucoup aimé la deuxième nouvelle, celle de Sonja Delzongle, « Tous les chemins mènent au hum », qui fait expérimenter au personnage le bruit, le silence… Lequel est l’enfer ?

J’ai aussi particulièrement apprécié la nouvelle de Nicolas Lebel, « Sacré chantier », qui s’attaque à sujet profondément d’actualité, et de façon très originale et moderne, avec son humour et son côté décalé caractéristique.

Celle de François-Xavier Dillard, « Ils écouteront jusqu’à la fin », m’a aussi beaucoup marquée, avec une plongée dans les méandres les plus obscurs de la musique classique

La nouvelle de Romain Puértolas, « Fête foraine », m’a bien fait rire. C’est peut-être la moins « noire » de toutes, mais elle est vraiment dans le thème et très originale.

Celle de Cédric Sire, sans surprise, était tout aussi waouh, parfaite. « Le diable m’a dit » était vraiment la nouvelle idéale pour clore le recueil.

Bon, je ne vous ai pas parlé de tous les récits, je vous laisse le soin de les découvrir par vous-même. Une chose est sûre, vous allez passer un bon moment. Je recommande vraiment ce livre pour les fans de thrillers et romans noirs, pour ceux qui veulent découvrir également, et pourquoi pas pour faire un beau cadeau ? Après tout, ce bouquin a été conçu par un amoureux des livres, avec des amoureux des livres, pour des amoureux des livres ! À découvrir.

Carte d’identité du livre

Titre : Écouter le noir
Auteurs et autrices : Collectif
Dirigé par : Yvan Fauth
Éditeur : Belfond
Date de parution : 16 mai 2019

5 étoiles

Merci aux éditions Belfond et à NetGalley pour cette lecture.

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#342 Chers monstres – Stefano Benni

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Le résumé…

Et si les “monstres” d’aujourd’hui, nous suggère Stefano Benni dans ce recueil de nouvelles, ne ressemblaient en rien à ceux des légendes ? Son Dracula est victime d’un redoutable inspecteur des impôts, le doux M. Zéphyr voit son identité niée par la rébellion inexplicable de tous les distributeurs bancaires. Déclinant les multiples visages de la peur, l’auteur pointe les effets dévastateurs des technologies dites avancées, qui transforment de charmantes lolitas en véritables érynies, mais il revisite aussi, en les détournant, les contes pour enfants comme Hänsel et Gretel, ou rend hommage à son maître, Edgar Poe. Qu’il nous convie à une enquête policière menée dans le monde des chats pour démasquer un tueur en série ou qu’il parodie les films d’horreur, Benni nous entraîne dans d’infinies variations autour d’un thème qui nous fascine depuis toujours, peut-être parce que ce sont nos propres “monstruosités” – la lâcheté, l’égoïsme – qu’il reflète ou parce que, comme le dit le narrateur dans L’Histoire de la sorcière Charlotte, avoir peur est un sentiment profondément ambivalent, à la fois terrible et délicieux…

Mon avis…

Aujourd’hui, je vous parle d’un livre original, il s’agit de Chers monstres de Stefano Benni. C’est un recueil de nouvelles complètement déjanté, dans lequel on rencontre aussi bien des vampires, des sorcières, des momies, qu’Hänsel et Gretel, Michael Jackson, un groupe de K-Pop et un arbre tueur ! Bref, un drôle de melting-pot dans ce bouquin ! Chaque nouvelle a son charme propre, son atmosphère bien à elle. Parfois on rit, parfois on frissonne, Stefano Benni maîtrise son écriture et ses situations. Et, entre contes fantasques et contes cruels, il nous révèle toutes les facettes de l’être humain, ou plutôt tous ses mauvais côtés… Préparez-vous à voir l’horreur sous toutes ses formes, mais toujours avec un regard décalé. Parfois, on reconnaît avec plaisir de vieilles histoires bien connues, des contes de notre enfance, des légendes que l’on se disait petits, mais tout cela remis au goût du jour. En même temps, ce ne sont pas que des histoires basées sur l’humour, ce sont aussi des textes dignes d’Edgar Allan Poe – auquel l’auteur rend d’ailleurs hommage – qui nous tiennent grâce à un suspense haletant. Je ne peux pas en dire trop car ce sont des textes très courts qui ont tous leur intrigue propre et qui se caractérisent par les surprises qu’ils réservent, mais je peux affirmer que ce petit livre, assez méconnu, plaira beaucoup aux amateurs de lectures perchées. Si vous aimez les délires littéraires en tous genres, vous serez vraiment gâté ! On ne s’ennuie pas une seule seconde.

Carte d’identité du livre

Titre : Chers monstres
Auteur : Stefano Benni
Traductrice : Marguerite Pozzoli
Éditeur : Actes Sud
Date de parution : 05 avril 2017

5 étoiles

#306 La petite poule rouge vide son cœur – Margaret Atwood

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Le résumé…

« Le corps féminin type se présente muni des accessoires suivants : un porte-jarretelles, un panty, une crinoline, une camisole, une tournure de jupe, un soutien-gorge, un corsage, une chemise, une ceinture de chasteté, des talons aiguilles, un anneau dans le nez, un voile, des gants de Chevreau, des bas résilles, un fichu, un bandeau, une guêpière, une voilette, un tour de cou, des barrettes, des bracelets, des perles, un face-à-main, un boa, une petite robe noire, une gaine de soutien, un body en Lycra, un peignoir de marque, une chemise de nuit en flanelle, un teddy en dentelle, un lit, une tête. » Sur un ton drôlatique, vingt-sept façons de tordre la réalité, les croyances de chacun, les habitudes de chacune, ou l’art de se dévisser le cou pour se regarder droit dans les yeux. Un régal de mise en pièces de nos mythes, des plus anciens aux actuels, sans compter quelques utiles conseils ou recettes tels que Rendons grâce aux sottes et Fabriquer un homme.

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Mon avis…

Vous allez finir par être habitué(e)s à voir passer régulièrement Margaret Atwood sur ce blog. Depuis La Servante écarlate, j’ai lu d’autres de ses textes, parmi lesquels C’est le cœur qui lâche en dernier, bien plus cynique et décalé que le roman qui a inspiré la série télé à succès, ou encore le recueil de nouvelles Neuf contes, tout simplement excellent ! Et c’est justement charmée par cette dernière parution que j’ai décidé de m’aventurer dans un autre recueil de nouvelles d’Atwood, dont le titre est très intrigant : La petite poule rouge vide son coeur. Impossible de ne pas déceler dans ce livre le cynisme que j’avais adoré dans C’est le cœur qui lâche en dernier, et le féminisme particulièrement révolté qui se dessine dans La Servante écarlate.

Avec beaucoup d’humour, et souvent d’ironie, Atwood nous emporte dans de très très brèves histoires, parfois longues d’à peine deux ou trois pages, où elle nous fait le portrait d’un monde étrange qui ressemble drôlement au nôtre, sous certains aspects. Sous couverts d’allégories, de réécritures de contes ou de fables fameuses, elle critique avec subtilité la société patriarcale. Mon histoire préférée ? Une recette plutôt, intitulée « Fabriquer un homme ». Un épisode plein d’humour et complètement décalé, qui en dit beaucoup sur notre monde lorsque l’on sait lire entre les lignes. Margaret Atwood évoque les corps féminins, les poules (vous saurez deviner de qui il s’agit), mais aussi les coqs, et d’autres animaux. On y croisera aussi Blanche-Neige, le Petit Chaperon Rouge, ou carrément Ève, qui côtoie les mannequins des magazines féminins… Atwood opère une véritable déconstruction des mythes et des images qui ont forgé « la » femme, des plus anciens aux plus récents, et le tout avec le charme de la fiction enfantine.

Margaret Atwood se montre particulièrement malicieuse dans ce recueil étonnant et détonnant. Subtiles, ses histoires se lisent et se relisent. Ce sont de véritables textes à clés que nous livre l’autrice canadienne. Je trouve que ces nouvelles, contes ou fables, ces histoires courtes en somme, permettent d’approcher avec beaucoup de justesse la délicatesse mêlée de brutalité propre à la plume d’Atwood. Elle ne nous épargne rien, mais le fait avec une forme de douceur amère parfois désarmante. Surtout, ne vous arrêtez pas à La Servante écarlate, explorez bien plus de cette autrice unique, et pourquoi pas par le biais de ses recueils ?

Ô mon hypocrite lectrice ! Ma semblable ! Ma sœur ! Rendons grâce aux sottes qui nous donnèrent la littérature.

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Margaret Atwood

En quelques mots…

cynique voire désabusé
complètement décalé et perché
subtil et délicat
réécritures
à interpréter et à déguster

Carte d’identité du livre

Titre : La petite poule rouge vide son cœur
Autrice : Margaret Atwood
Traductrice : Hélène Filion
Éditeur : Le Serpent à Plumes
Date de parution : 12 octobre 1999

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Coup de cœur

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#298 Neuf contes – Margaret Atwood

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Le résumé…

Une écrivaine de fantasy récemment veuve se laisse guider à travers un hiver glacial par la voix de feu son époux. Une dame âgée, victime d’hallucinations, apprend peu à peu à accepter la présence des petits hommes qui ne cessent de surgir à ses côtés, tandis que des militants populistes se rassemblent pour mettre le feu à sa maison de retraite. Une femme née avec une malformation génétique passe pour un vampire. Un crime commis il y a longtemps se voit vengé dans l’Arctique par un stromatolithe vieux de 1,9 milliard d’années…

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Margaret Atwood

Mon avis…

Aujourd’hui, je vais vous parler d’un livre bien mystérieux : Neuf contes de Margaret Atwood, une autrice qui est surtout connue pour sa Servante écarlate, et dont j’avais également parlé du dernier roman paru, C’est le cœur qui lâche en dernier. Ces deux textes ont en commun leur dimension dystopique qui, sans être totalement absente de Neuf contes, n’en est pas l’aspect central. Il s’inscrit un peu dans la lignée d’un autre recueil d’Atwood, La petite poule rouge vide son cœur. Comme son titre l’indique, ce livre regroupe neuf histoires différentes. Pourtant, elles sont toutes liées, d’une manière ou d’une autre, par des thèmes, des personnages, des lieux… Je pense que ces textes, pour Margaret Atwood, ont été l’occasion de laisser libre cours à son imagination. Souvent, ses dystopies sont tellement inspirées du réel – et c’est pour ça qu’elles nous effraient – que l’on imagine la complexité et le sérieux millimétrique du travail d’écrivain qui doit être fait en amont. Ici, les histoires sont plus courtes – ce sont des nouvelles – et parfois plus farfelues, mais, à la manière des contes, leur simplicité cache des possibilités d’interprétation et de lectures infinies. Mais, en tout cas, ce que l’on ressent à la lecture de ce livre, ce n’est pas le malaise provoqué par ses dystopies, mais plutôt un plaisir pur, celui du lecteur satisfait.

Cet ouvrage regroupe des récits de genres variés, tout en étant chacun inclassable : horreur, polar, dystopie, conte folklorique, thriller, fantastique… Atwood nous montre qu’elle peut frayer avec les atmosphères et les récits à la Stephen King, ou encore avec ceux d’Edgar Allan Poe, de Mary Shelley ou Ann Radcliffe, et de tant d’autres. C’est un univers riche que celui dont Margaret Atwood nous ouvre les portes dans Neuf contes. C’est également un jeu de pistes qu’elle propose à ses lecteurs, en les invitant à reconnaître ses sources d’inspiration, à démêler le vrai du faux, ou parfois le faux du très faux, la fiction dans la fiction. Histoires d’auteurs, de lecteurs, de personnages agissants, ces contes sont animés, vivants, comme notre propre monde. Pour découvrir une autre facette de Margaret Atwood, ou tout simplement pour entrer dans son œuvre par un autre chemin que la porte principale, tentez cette lecture, vous n’en ressortirez pas déçu.e.s : c’est beau, c’est sombre, c’est à la fois pur et souillé par les âmes les plus obscures, c’est efficace, et simplement jubilatoire.

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Coup de cœur

5 étoiles

#272 D’ombre et de silence – Karine Giébel

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Le résumé…

« Écrire une nouvelle, c’est tenter, en quelques lignes, de donner vie à un personnage, de faire passer au lecteur autant d’émotions qu’en plusieurs centaines de pages. C’est en cela que la nouvelle est un genre littéraire exigeant, difficile et passionnant. » (Karine Giébel)

Mon avis…

On les a tant aimés, les thrillers de Karine Giébel. Mais mes préférés ont toujours été les plus courts, oui j’avoue ! Car cette auteure a un talent tout particulier : celui de l’efficacité. En peu de pages, elle nous emporte dans des histoires aux rebondissements exceptionnels. La nouvelle est probablement un des exercices littéraires les plus compliqués, mais Karine Giébel y arrive à merveille. Comme dans l’épatant Chiens de sang et Maîtres du  jeu, elle nous retourne encore une fois – et même huit fois – le cerveau, en nous emportant dans des histoires qui ont une portée supplémentaire : celle de l’engagement ! On trouve en effet dans ces nouvelles l’inspiration tout droit tirée du quotidien, de la société telle qu’on la connait. Elle explore les dérives et les recoins les plus obscurs de tout être humain, du citoyen a priori lambda qui va soudain voir son avenir bouleversé. Dire que ce livre relève du « polar » ou du « thriller » serait probablement faux. Karine Giébel nous offre huit histoires très différentes, parfois angoissantes, certes, mais avant tout surprenantes. Il faut reconnaître la grande intelligence de l’auteure qui connait l’être humain à la perfection et crée ainsi, sur de courtes intrigues, des personnages aux destins bouleversants (ou bouleversés). Et surtout, elle connait les faiblesses de ses lecteurs, et nous emmène là où elle veut. Un délice !

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#135 Maîtres du jeu – Karine Giebel

maîtres du jeu

Le résumé…

Il y a des crimes parfaits.

Il y a des meurtres gratuits.

Folie sanguinaire ou machination diabolique, la peur est la même. Elle est là, partout : elle s’insinue, elle vous étouffe… Pour lui, c’est un nectar. Pour vous, une attente insoutenable. D’où viendra le coup fatal ? De l’ami ? De l’amant ? De cet inconnu à l’air inoffensif ? D’outre-tombe, peut-être…

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Mon avis…

Steph, du blog Sorbet-kiwi, connaît mon goût pour les thrillers et, dans un récent SWAP, elle m’a offert un petit recueil de deux nouvelles de Karine Giebel. Cela m’a permis d’avoir un très bon aperçu de l’écriture de l’auteure et de me convaincre enfin de me lancer dans ses œuvres qui sont dans ma PAL depuis un long moment ! En effet, ces deux histoires sont merveilleusement bien orchestrées, pleine de suspense, vraiment prenante ! La longueur qu’implique le genre de la nouvelle permet au lecteur de ne pas s’ennuyer une seule seconde car tout s’enchaîne et les rebondissements sont pleins de surprises. J’ai particulièrement adoré la première nouvelle car le dénouement m’a totalement laissé sur les fesses, une grosse surprise ! La deuxième a un peu moins bien fonctionné, mais elle est malgré tout très bien écrite et elle aussi très prenante.

Le recueil porte très bien son nom car on se rend compte en effet que, dans chacune de ces histoires, un personnage tient toujours les rênes, et ce n’est pas forcément celui qu’on croit. Ici, Giebel semble prendre plaisir à renverser certaines lois du thriller, sans chercher une minute à épargner son lecteur et c’est cela qui est plaisant. Ne pensez pas que ces nouvelles vont bien se finir, loin de là ! Mais elles vous surprendront du début à la fin, c’est certain ! Je remercie donc vivement Steph de m’avoir offert ce petit livre car j’ai pu passer une bonne heure de jouissifs frissons tels que ne m’en donnent que les bons thrillers !

Karine GIEBEL

Ma note…

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#95 Le Prince Heureux – Oscar Wilde

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Le résumé…

Une petite hirondelle en route pour l’Égypte décide de passer la nuit à l’abri d’une statue dominant la ville. Couverte de minces feuilles d’or fin, des yeux faits de saphirs, un gros rubis ornant le pommeau de son épée, c’était la statue du Prince heureux. Soudain, une goutte d’eau glissa sur son aile : la statue pleurait! Le Prince heureux pleurait sur les misères de sa ville…

HappyPrince

Mon avis…

Après 14 jours sans chronique (oups), me revoilà avec un coup de cœur de mon auteur préféré parmi tous : Oscar Wilde… J’ai découvert cette nouvelle dans une anthologie fantastique, Oscar Wilde côtoie Jules Verne, Lovecraft, Gérard de Nerval, Edgar Allan Poe, et j’en passe… J’ai beaucoup aimé ce petit « conte » qui regroupe plusieurs qualités que j’admire chez notre dandy préféré. Tout d’abord,  la légèreté de l’écriture, avec de jolies phrases très poétiques et très bien construites, une forme narrative en « boucle » qui crée chez le lecteur une certaine attente : on se doute de chaque « action » grâce à la technique de l’auteur mais il parvient quand même à nous surprendre dans le fond. L’hirondelle et le Prince Heureux, même si c’est une histoire très courte, sont malgré tout attachants et j’ai aimé la beauté du récit. En effet, l’écriture est extrêmement esthétique et de jolies images se projettent dans notre esprit. On ne peut qu’apprécier un pareil chef d’oeuvre qui se lit très très bien et même à voix haute (j’ai testé). Je me suis donc projetée dans une lecture à un enfant (sauf que je n’avais pas de petit à côté de moi pour guetter les réactions mais mon âme d’enfant appréciait ^^).

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Je pense que c’est le genre de petite histoire qui berce dans un jeune âge et qui attire un enfant vers la littérature, et cela tout en douceur. De plus, la nouvelle est particulièrement appréciable pour les adultes également puisqu’elle revêt un habit de couleur, de tendresse et de poésie pour en réalité faire le portrait d’une situation bien plus sombre. Sûrement moins perceptible par les enfants, l’idée de la misère humaine et des injustices (que le Prince Heureux contribue à combattre) est très présente. On retrouve bien le goût d’Oscar Wilde pour la critique déguisée en histoire innocente. La morale est très belle, bien que la fin soit un peu triste, et je trouve que le message passe parfaitement bien et est compréhensible de tous. C’est vraiment un texte formateur sur de nombreux points et une lecture très agréable quand on a un peu de temps et qu’on souhaite se détendre en quelques pages : rien de plus efficace. Il ne faut pas se fier à la taille de ce petit texte qui est d’une qualité aussi grande que le reste de l’oeuvre d’Oscar Wilde (vous pouvez croire l’admiratrice que je suis !).

En bref : sautez sur cette jolie petite histoire, que ce soit pour vous (qui apprécierez forcément si vous aimez les Belles Lettres) ou pour votre enfant (à partir d’une dizaine d’années environ).

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Ma note…

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