L’interview en 5 questions de… Nathalie Cohen

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Aujourd’hui, je vous propose d’embarquer pour la Rome antique avec l’autrice Nathalie Cohen. Son roman La Secte du Serpent, premier tome d’une série policière intitulée Modus Operandi, est sorti au début du mois d’avril chez mon partenaire, les éditions Denoël ! Je vous propose de découvrir son interview.

Nathalie Cohen © Philippe Matsas / Denoël

Question1

La Secte du Serpent est le premier tome d’une série de romans policiers, Modus Operandi, qui se déroule dans l’Antiquité romaine… Cela rend votre livre particulièrement singulier. D’où vous est venue cette idée ?

J’adore les séries policières et les enquêteurs qui traquent les coupables et veulent rendre la justice. Il y a quelque chose d’anti-tragique dans cette démarche. Et comme d’un autre côté, je connais bien l’Antiquité romaine et que je veux la transmettre, j’ai pensé qu’une série-polar antique serait bienvenue.

Question2

À la lecture de votre roman, un aspect peut étonner : le langage parfois familier et résolument moderne. Pouvez-vous nous expliquer les raisons de ce choix ?

Chez les Romains, le langage de tous les jours n’était ni fleuri, ni poétique, quelles que soient les catégories sociales. En plus, mes personnages évoluent dans un univers militaire ou dans les arcanes de la politique ; raison de plus pour leur faire adopter souvent un langage familier. Quant à la modernité des expressions, elle est le plus souvent calquée sur des expressions latines très proches (on dit beaucoup de gros mots, on jure par tous les dieux chez un auteur comme Plaute, par exemple), et elle permet aussi d’actualiser l’histoire et de montrer que l’Antiquité était tout sauf ringarde.

Question3

Parlons un peu de Marcus Tiberius Alexander, le personnage principal de votre roman. C’est un jeune homme, pompier de son métier, franc, honnête, dont le comportement est guidé par l’éthique… Pourquoi et comment avez-vous créé ce personnage ?

Des jeunes comme Marcus, j’en vois partout autour de moi ! A trente ans, bien des jeunes hommes ont comme lui une haute exigence morale ; ce sont des purs un peu naïfs, alors que souvent au même âge les jeunes femmes sont moins entières, plus rompues à la complexité des relations humaines. D’autre part, en ce milieu du premier siècle de l’ère chrétienne à Rome, certains développent une pensée très morale. Malgré l’omniprésence de la violence, des Romains sont sensibles à la morale stoïcienne qui prône des valeurs comme le courage, la modération et l’égalité entre les esclaves et les hommes libres. C’est le cas de Marcus. D’autre part, le judéo-christianisme avec les dix commandements commence à faire beaucoup d’adeptes.

Question4

Vous enseignez le grec et le latin, et vous avez déjà écrit un essai, mais La Secte du Serpent est votre premier roman. Comment vous êtes-vous documentée ? Quelles ont été vos sources d’inspiration, historiques ou littéraires ?

Je connaissais déjà assez bien la période ; et puis j’ai lu ou relu les historiens romains (Tacite, Suétone, Dion Cassius), Sénèque, qui est un personnage de mon roman, et les auteurs de l’époque (Ovide, Horace, Martial, Juvénal..). J’ai aussi consulté des thèses sur la police ou les pompiers de l’époque. J’ai évidemment été inspirée par des auteurs classiques de polar, (Conan-Doyle, Agatha Christie, Simenon), mais aussi par la série « Rome » et d’autres films. Et puis certaines figures familiales…

Question5

Et, pour finir, je suis certaine que nous avons en commun notre passion de la lecture et de l’écriture. Parlez-vous un peu de vos références en littérature, les livres, auteurs ou autrices, que vous considérez comme incontournables. 

Je ne me lasse pas des grands textes de l’Antiquité : L’Epopée de Gilgamesh, L’Iliade, L’Odyssée, Eschyle, Sophocle et Euripide, et la Bible. J’adore également le théâtre de Shakespeare, et Don Quichotte. Il y a tout dans ces textes. Et puis le grand roman réaliste du XIXè français : Hugo, Dumas, Stendhal, Balzac, Flaubert, Zola, Maupassant. Simenon aussi est très important pour moi. Tous disent à leur manière la vérité des hommes la complexité du monde.

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Je remercie sincèrement Nathalie Cohen de s’être prêtée au jeu de l’interview en 5 questions, et je voudrais aussi exprimer toute ma gratitude aux éditions Denoël pour leur collaboration et leur sympathie.

Bonne lecture !

Vous pouvez retrouver ma chronique de M.O., Modus Operandi, tome 1 : La Secte du Serpent en cliquant sur la couverture du livre ci-dessous.

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#373 L’heure des fous – Nicolas Lebel

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Le résumé…

Paris: un SDF est poignardé à mort sur une voie ferrée de la gare de Lyon. « Vous me réglez ça. Rapide et propre, qu’on n’y passe pas Noël », ordonne le commissaire au capitaine Mehrlicht et à son équipe : le lieutenant Dossantos, exalté du code pénal et du bon droit, le lieutenant Sophie Latour qui panique dans les flash mobs, et le lieutenant stagiaire Ménard, souffre-douleur du capitaine à tête de grenouille, amateur de sudoku et de répliques d’Audiard…
Mais ce qui s’annonçait comme un simple règlement de comptes entre SDF se complique quand le cadavre révèle son identité.
L’affaire va entraîner le groupe d’enquêteurs dans les méandres de la Jungle, nouvelle Cour des miracles au cœur du bois de Vincennes, dans le dédale de l’illustre Sorbonne, jusqu’aux arrière-cours des troquets parisiens, pour s’achever en une course contre la montre dans les rues de la capitale.
Il leur faut à tout prix empêcher que ne sonne l’heure des fous…

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Mon avis…

Enfin ! Oui, j’ai enfin lu L’heure des fous de Nicolas Lebel. Il était temps ! J’avoue avoir découvert cet auteur à travers le regard taquin d’Olivier Norek, et j’ai acheté son livre l’année dernière à Saint-Maur en Poche. Je ne pensais pas que je serais autant surchargée de travail… Mais voilà, au milieu de l’écriture de mon mémoire, j’ai cherché un roman avec lequel je pourrais décompresser, et mon regard s’est posé sur L’heure des fous. J’avoue que j’ai trouvé ce roman très atypique, dans la mesure où mon attention s’est beaucoup moins concentrée sur l’enquête que sur les personnages eux-mêmes. Je les ai trouvé absolument fascinants et très intéressants. Leur personnalité est abordée avec beaucoup d’humour, ce qui semble assez caractéristique du style de Nicolas Lebel, même si je confirmerais cette intuition avec d’autres lectures. Il y a un côté très décalé que j’ai vraiment aimé, et qui est notamment symbolisé par la sonnerie de téléphone du capitaine Mehrlicht, qui consiste en répliques de films d’Audiard. Très drôle ! Toute l’équipe est attachante, avec le stagiaire traumatisé par Mehrlicht, ce dernier étant vraiment une grande gueule, le lieutenant Dossantos obsédé du Code Pénal et assoiffé de justice (pour le meilleur et pour le pire) et le lieutenant Latour, plus posée mais un peu rebelle. C’est un cocktail détonnant, que je prendrais vraiment plaisir à retrouver. J’ai aussi apprécié le côté linguiste de Nicolas Lebel, qui nous offre un magnifique exercice de style, avec le personnage de Mehrlicht et sa gouaille, son argot remarquable.

L’heure des fous, c’est un livre avec lequel on ne s’ennuie jamais ! Et on peut dire que Nicolas Lebel a vraiment une écriture bien à lui, car ce roman ne ressemble à aucun autre que j’ai pu lire jusqu’ici. J’ai adoré les clins d’œils et les hommages à la littérature (big up Victor Hugo !) et au cinéma. Sur la forme donc, parfait ! Sur le fond, je ne pourrais pas dire que j’ai moins aimé.  Il est vrai que l’intrigue policière passe un peu au second plan en raison de ces personnages très forts. Mais elle est rondement menée, parfaitement élaborée, et le dénouement ne déçoit pas. Cela aurait peut-être mérité de s’y attarder un peu plus, quitte à rajouter quelques pages, mais je ne suis même pas certaine. À vrai dire, cette focalisation sur les personnages est vraiment ce qui fait la richesse du livre, et je me dis que ce serait dommage de l’atténuer. Car, à la fin, le résultat est là : on a envie de retrouver cet insupportable mais adorable Mehrlicht ! L’heure des fous a un charme qui lui est propre, un peu suranné, un peu vintage. Un polar à l’ancienne, donc, qui se lit comme un bon page-turner. J’adore, et j’en redemande !

Carte d’identité du livre

Titre : L’heure des fous
Auteur : Nicolas Lebel
Éditeur : Marabout
Date de parution : 28 mai 2014

5 étoiles

#370 Surface – Olivier Norek

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Le résumé…

Ici, personne ne veut plus de cette capitaine de police.
Là-bas, personne ne veut de son enquête.

Mon avis…

Quel bonheur d’avoir de nouveau un roman d’Olivier Norek entre les mains. Si j’avais déjà beaucoup aimé Code 93 et les autres aventures de Coste, son dernier livre, Entre deux mondes, avait été un véritable choc ! L’évolution de l’auteur est constante, et après la Seine-Saint-Denis et la jungle de Calais, c’est dans un territoire bien surprenant que nous entraîne Norek… l’Aveyron ! Nous suivons ici l’histoire de Noémie, capitaine de police parisienne bossant aux Stups. Un jour, une interpellation parmi d’autres… Enfin, c’est ce que cela aurait dû être. Ce jour-là, Noémie se fait tirer dessus en plein visage. Elle est alors défigurée. Désormais, elle sera No. Très vite vient le moment de retourner travailler. Mais certains de ses coéquipiers et sa hiérarchie semblent ne pas pouvoir supporter le spectacle quotidien de cette gueule cassée… Elle est donc envoyée, « pour se reposer », dans un commissariat tranquille de l’Aveyron, à Decazeville. Là-bas, alors qu’elle devait se faire oublier, un cadavre resurgit, vieux de dizaines d’années…

Ce roman retrace la destruction puis la reconstruction délicate de Noémie, alias No, mais aussi celle d’un village tout entier. La surface, c’est autant celle du visage de la capitaine, abîmée et fragile, que celle du lac d’Avalone, et du village de Decazeville : lisse en apparence, mais cachant de lourds mystères. Avec sensibilité, Olivier Norek nous décrit le parcours périlleux et tumultueux de No. Il y aborde le thème de la blessure, tant physique qu’intérieure, de la solitude, de la folie, de la perte… Comme toujours dans ses romans, le lecteur aura plaisir à retrouver la veine sociale propre à l’auteur. Et, là encore, une intrigue absolument passionnante. Surface est un page-turner efficace et parfaitement bien ficelé. Le dénouement, évidemment, est surprenant et à la hauteur de l’attente.

Autant vous dire que ce roman est un véritable coup de cœur. J’aime beaucoup, chez Olivier Norek, la profondeur des personnages, leur psychologie parfaitement étudiée. L’intrigue provinciale, surprenante pour un auteur qui s’est jusque là passionné pour le monde urbain, est parfaitement bien menée. L’apparente tranquillité du village de Decazeville donne d’autant plus de relief aux sombres secrets qu’il abrite… J’ai vraiment apprécié la force de Noémie, pourtant si ébranlée par son accident. Cette héroïne est très inspirante. Ce roman d’Olivier Norek, comme les autres, se caractérise par une certaine générosité qui réside dans la volonté de donner du plaisir au lecteur. À noter aussi les pointes d’humour et les quelques clins d’œil au monde du polar français… Irrésistible ! Impossible de s’ennuyer une seule minute. Toute la surprise que l’on veut retrouver dans un bon polar est là. En bref, Olivier Norek fait un retour attendu et ne déçoit pas !

Carte d’identité du livre

Titre : Surface
Auteur : Olivier Norek
Éditeur : Michel Lafon
Date de parution : 4 avril 2019

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Coup de cœur

5 étoiles

#321 Les Impliqués – Zygmunt Miłoszewski

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Le résumé… 

Varsovie, 2005. Sous la houlette du docteur Rudzki, quatre patients ont investi l’ancien monastère de la Vierge Marie de Czestochowa. Entre huis clos et jeux de rôles, cette nouvelle méthode de thérapie de groupe, dite « Constellation familiale », ne manque pas d’intensité. Au point qu’un matin, l’un d’entre eux est retrouvé mort au réfectoire, une broche à rôtir plantée dans l’œil…
Pour le procureur Teodore Szacki, l’expérience est allée trop loin. À moins qu’elle n’ait réveillé un passé enfoui, que la Pologne se tue à essayer d’étouffer…

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Mon avis… 

Et voilà, j’ai lu mon premier polar polonais ! C’est par ce livre que j’ai décidé de commencer la lecture de ma moisson Saint-Maur en Poche 2018 ! Pourquoi ? Parce que l’auteur, très charmant, m’a présenté son livre – en français, s’il vous plait – et me l’a très très bien vendu, soyons honnête ! Et je n’ai absolument pas été déçue. Plusieurs choses m’ont plu. D’abord, l’intrigue est très intéressante. Le suspense est total, du début à la fin. J’ai beaucoup aimé l’audace de choisir un cadre psychologique aussi complexe, celui des constellations familiales. J’ai trouvé que l’auteur avait très bien fait ses recherches car, pour avoir eu l’occasion de participer une fois à ce type de réunions, j’ai pu constater que la représentation en était très fidèle et j’ai même appris des choses sur la théorie de cette thérapie ! En effet, il parvient à rendre accessible au lecteur les aspects même les plus subtils de cette pratique, et c’est très appréciable. Enfin, les personnages qu’il met en scène sont intéressants en raison, justement, de leur psychologie. L’enquêteur, qui est en fait un procureur, et non un policier, est attachant malgré ses nombreux défauts : il a la complexité d’un véritable être humain. De plus, le bonus si je puis dire, on découvre la société polonaise, son fonctionnement, ses moeurs, son histoire…  On apprend aussi beaucoup de choses sur le rôle du procureur, souvent grand oublié des enquêtes policières ! Il s’agit vraiment d’un texte très bien écrit, solide, mené avec talent. Je ne regrette absolument pas cette découverte et j’ai hâte de lire d’autres romans de Zygmunt Miłoszewski ! Néanmoins, il faut apprécier les polars qui prennent leur temps. C’est en effet peut-être l’aspect qui pourrait rebuter certains lecteurs : il n’y a pas de multiples rebondissements en veux-tu en voilà, c’est un livre qui s’inscrit dans la longueur – selon moi dans le bon sens du terme – et peut paraître assez dense. Mais j’ai trouvé qu’il s’agissait justement de ce qui fait sa richesse et son originalité.

En quelques mots…

un polar polonais
instructif et documenté
un « héros » atypique
intrigue dense et complexe
psychologique

Carte d’identité du livre

Titre : Les Impliqués
Auteur : Zygmunt Miłoszewski
Traducteur : Kamil Barbarski
Éditeur : Pocket
Date de parution : 08 janvier 2015

5 étoiles

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Télérama contre Franck Thilliez : ma réaction

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Devrais-je avoir honte de lire Franck Thilliez ? Si l’on se fie à la journaliste de Télérama, Marine Landrot, oui. Remettons tout cela en contexte. D’abord, l’autrice de l’article « En vacances avec Franck Thilliez » se réjouit du résultat d’un sondage montrant que « 80 % des Français n’envisagent pas de partir sans un livre. » Oui mais voilà, pour mériter le respect de cette éminente journaliste de Télérama, il faudrait lire des textes élitistes sinon rien :

« Tout de suite, on imagine des hordes de touristes, la poche avant du sac à dos carrelée d’un bouquin prêt à prendre l’eau et les yeux, voire les deux à la fois quand ça larmoie. Qui La Tache de Philip Roth, qui Lambeaux de Charles Juliet, qui Manuscrit zéro de Yoko Ogawa, qui Just Kids de Patti Smith. De la variété, de l’appétit, de l’élévation. »

Dommage pour elle, ce ne sont pas ces ouvrages qui sont lus par la plupart des vacanciers, mais ceux de Musso, Dicker, Chattam et… Thilliez, auquel elle s’attaque avec virulence. Avec tout le respect que je dois à cette journaliste, le mépris qui suinte de cet article est tout simplement scandaleux. Si 80% des gens interrogés n’envisagent pas de partir en vacances sans un livre, réjouissons-nous ! Et si ce livre doit être de Franck Thilliez, où est le problème ? D’abord, rappelons que cet auteur écrit très bien. Il aurait été très facile de trouver de mauvais romans, alors j’avoue que ce choix m’étonne. J’imagine que, pour cette journaliste de Télérama, c’est la littérature populaire qui pose problème. Les qualités littéraires ne sont pas en question. Pour une journaliste comme celle-ci, il est probablement toujours plus flatteur de dire « cet été, j’ai lu Lambeaux de Charles Juliet » que de dire « cet été, j’ai lu Sharko de Franck Thilliez ». J’aimerais dire une chose : je suis étudiante en Lettres, je vais faire un doctorat, j’ai lu Lambeaux de Juliet, je lis énormément d’œuvres que cette journaliste jugeraient probablement comme étant d’excellentes lectures, suffisamment exigeantes pour avoir son approbation. Mais j’adore Franck Thilliez, et je n’en ai aucunement honte.

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Franck Thilliez procure, grâce à ses livres, du plaisir à l’état pur. Il répond aux désirs de ses lecteurs d’être emportés dans des fictions passionnantes, bien menées, maîtrisées. C’est du divertissement, oui, et de qualité. Je l’ai dit dans ma chronique du Manuscrit inachevé, j’ai adoré sa façon de faire réfléchir le lecteur, de le rendre acteur du roman. Avec Thilliez, je suis devenue, à mon tour, le temps de ma lecture, une enquêtrice. J’ai récolté les indices, je me suis interrogée, je me suis retourné l’esprit, et j’ai adoré ça ! Je ne hiérarchise pas mes lectures, et encore moins celle des autres. Mépriser ceux qui aiment la littérature « populaire », parce que nous lisons nous-mêmes des œuvres parfois très complexes et qui n’ont rien de « populaire », est tout simplement intolérable. Et la journaliste d’associer le nom du personnage Sharko à l’ancien président Sarkozy puis à la maladie de Charcot, et de se lancer quelques fleurs, car on n’est jamais mieux servi que par soi-même concernant les flatteries. Pour moi, les deux dernières phrases résument à la perfection la terrible réalité qui se cache derrière cet article :

« Voilà ce que c’est que d’avoir une pensée en arborescence. Il en résulte des difficultés de concentration, que visiblement la jeune lectrice du métro n’a pas, captivée comme elle est. »

Mépris. Voilà le mot qui caractérise cet article. Cette journaliste, parce qu’elle a lu – ou plutôt parce qu’elle mentionneLambeaux de Charles Juliet ou La Tache de Philip Roth (auquel elle pense probablement parce qu’il vient de nous quitter), se considère donc comme supérieure à ces lecteurs qui se contentent de Thilliez ou Chattam. Elle a « une pensée en arborescence », et bien je lui dis : félicitations. Et de s’opposer à cette « jeune lectrice du métro », qu’elle juge sur la base d’un seul livre qu’elle lui voit dans les mains. Dis-moi ce que tu lis, je te dirais qui tu es, n’est-ce pas ? Peut-être, mais réduire une personne à une seule de ses lectures revient à un jugement hâtif et inapproprié. La mépriser pour cette lecture est totalement honteux.

Parler d’un auteur, Thilliez, que l’on n’a probablement jamais lu et décider de le mépriser parce qu’il se vend bien, n’est pas digne d’une journaliste. Ce billet d’humeur de Marine Landrot est dérangeant, car il témoigne d’un mépris de classe. Etre journaliste à Télérama, il y a pire dans la vie. C’est une situation professionnelle plutôt confortable, et la chance de fréquenter des milieux privilégiés n’est pas donnée à tout le monde. Alors, en étant journaliste à Télérama, il semblerait que l’on ne doive pas lire de littérature populaire. Libre à elle de lire ce qu’elle veut, et libre à chacun de lire ce qu’il veut. Charles Juliet et Franck Thilliez peuvent se côtoyer dans une bibliothèque ou dans une valise. Et j’ajouterais qu’ils sont tout simplement incomparables et que, finalement, tout le développement de cet article est aporétique. Comment opposer deux œuvres qui n’ont absolument rien à voir l’une avec l’autre ?

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Je voulais revenir sur cet article, car je considère qu’il est symptomatique d’une réalité de notre société. Au quotidien, je vois tant de gens qui pensent gagner en prestige en achetant les œuvres de Philip Roth en Pléiade par exemple, pour les poser sur leurs étagères et laisser leurs invités en contempler les tranches dorées. Mais je préfère largement avoir de longues conversations avec les lecteurs passionnés de polars, qui ont lu le dernier Thilliez et l’ont adoré, qui veulent acheter le nouveau Giébel ou encore imaginent l’intrigue du prochain Norek ! Mentionner des œuvres en les élevant comme parangon de la bonne littérature, de celle qu’il faut lire, ne suffit pas à l’intelligence. Apprenez, madame la journaliste, qu’il n’y a pas de « il faut » qui vaille en littérature.

Alors, non, je n’ai pas honte d’aimer Thilliez. Et j’encourage chacun à lire les auteurs qu’il souhaite lire, à glisser dans son sac à dos Sharko ou un autre roman populaire, ou un Balzac, un Roth, un Juliet, un Atwood, un Chattam, un Musso, un Darrieussecq ou n’importe quel livre. L’important, c’est la curiosité, le plaisir tiré de la lecture.

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#266 Entre deux mondes – Olivier Norek

Le résumé…

Fuyant un régime sanguinaire et un pays en guerre, Adam a envoyé sa femme Nora et sa fille Maya à six mille kilomètres de là, dans un endroit où elles devraient l’attendre en sécurité. Il les rejoindra bientôt, et ils organiseront leur avenir.
Mais arrivé là-bas, il ne les trouve pas. Ce qu’il découvre, en revanche, c’est un monde entre deux mondes pour damnés de la Terre entre deux vies. Dans cet univers sans loi, aucune police n’ose mettre les pieds.
Un assassin va profiter de cette situation.
Dès le premier crime, Adam décide d’intervenir. Pourquoi ? Tout simplement parce qu’il est flic, et que face à l’espoir qui s’amenuise de revoir un jour Nora et Maya, cette enquête est le seul moyen pour lui de ne pas devenir fou.

Bastien est un policier français. Il connaît cette zone de non-droit et les terreurs qu’elle engendre. Mais lorsque Adam, ce flic étranger, lui demande son aide, le temps est venu pour lui d’ouvrir les yeux sur la réalité et de faire un choix, quitte à se mettre en danger.

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Mon avis…

Olivier Norek, cet auteur que j’aime, que j’adule… Il s’agit d’un des auteurs de polar qui me donne le plus de frissons, par le réalisme de ses œuvres – qui reflète sa connaissance du milieu – et ses excellentes intrigues. Mais Entre deux mondes est assez différent de ce qu’il a écrit jusqu’ici… Ce livre dépasse le simple « polar », il est porteur d’une profonde humanité, il est d’une intensité folle… Une fois tournée la première page, impossible de le lâcher. Olivier Norek ne nous épargne pas, rend compte d’une réalité terrible qui nous est à la fois proche et distante… J’ai tout simplement été bluffée. De toutes mes lectures de ce début d’année, celle-ci est la plus marquante. Entre deux mondes est un véritable coup de cœur.

L’auteur nous entraîne dans un entre-deux mondes, rempli d’âmes errantes, parfois égarées, parfois en quête d’un sens, parfois guidés par les plus mauvaises intentions… ou par les meilleures… Il nous fait découvrir des personnages extrêmement attachants, nous unit à leur destin, nous lie à eux. Olivier Norek nous plonge dans la jungle de Calais, qui porte si bien son nom… Un univers sauvage, impitoyable, dangereux. Un univers de souffrance et d’attente. L’intrigue policière est là, dans le fond du roman, mais la portée humaine voire sociale est dominante, à mon avis. Je ne sais pas si je classerais vraiment ce roman dans les polars… mais après tout, le genre importe peu ! L’important, c’est le contenu de ce livre, qui est simplement une merveille… Je ne peux pas trop en dire, malheureusement, comme toujours avec les excellents livres… la crainte de ne pas trouver les bons mots, de ne pas assez bien exprimer le « waouh » ressenti…

Bon, qu’attendez-vous ? Lancez-vous. Olivier Norek est une découverte à faire absolument, un membre à part entière de la grande bande des auteurs français contemporains. Laissez-vous entraîner dans cet univers dur et angoissant, avec la plume pourtant bienveillante et tendre d’Olivier Norek. De la brutalité, oui, mais aussi de la douceur, de la tendresse… En bref, de l’émotion.

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