Le résumé…
Avril 1940. Louise, trente ans, court, nue, sur le boulevard du Montparnasse. Pour comprendre la scène tragique qu’elle vient de vivre, elle devra plonger dans la folie d’une période sans équivalent dans l’histoire où la France toute entière, saisie par la panique, sombre dans le chaos, faisant émerger les héros et les salauds, les menteurs et les lâches… Et quelques hommes de bonne volonté.
Mon avis…
Ceux et celles qui ont l’habitude de passer sur ce blog ou de discuter avec moi connaissent mon amour inconditionnel pour les romans de Pierre Lemaitre. Je vous ai déjà parlé ici d’Alex, de Trois jours et une vie, et évidemment d’Au revoir là-haut – sur lequel j’ai même eu l’occasion de travailler lors de recherches universitaires – et de sa suite Couleurs de l’incendie. Et bien c’est le tome 3 de la trilogie Les Enfants du désastre que je vous présente aujourd’hui. Après les aventures d’Albert Maillard et Édouard Péricourt, les deux soldats de la Grande Guerre, et celles de Madeleine Péricourt, jeune femme hors-norme piégée dans un monde d’hommes, c’est désormais l’histoire de Louise qui nous est relatée. Si vous avez lu Au revoir là-haut, ce prénom ne devrait pas vous être inconnu. C’est en effet la fille de la logeuse d’Édouard et Albert que nous rejoignons ici dans les rues de Paris.
Comme pour Couleurs de l’incendie, il convient de préciser qu’il n’est aucunement indispensable d’avoir lu les précédents livres pour comprendre celui-ci. Les trois tomes sont complètement indépendants et le lecteur novice se voit rappeler les quelques liens entre chaque roman, qui ne jouent en réalité aucun rôle dans leurs intrigues respectives. Après nous avoir fait visiter le Paris des années 20, puis celui des années 30, direction les années 40 avec Louise, désormais trentenaire. Institutrice célibataire, elle semble bien perdue dans sa vie au moment où l’un des plus gros bouleversements du siècle est sur le point d’advenir. Avec elle, nous découvrons la drôle de guerre, ces tous premiers mois du conflit, caractérisés par leur étrangeté et leur absence de ressemblance avec tout ce qui était connu avant.
Pierre Lemaitre nous fait également vivre l’exode, à la fois avec Louise qui nous permet de connaître celui des populations pauvres et modestes, et avec Gabriel et Raoul, qui nous entraînent dans la débâcle, cette fuite des forces armées devant la redoutable avancée allemande. D’autres personnages, tous aussi intéressants, viennent se greffer à eux, comme le garde mobile Fernand, qui doit escorter des prisonniers vers une destination inconnue, et qui illustre à lui seul l’égarement et le désarroi de l’état français en cette période troublée. Pierre Lemaitre ajoute aussi sa pointe d’excentricité avec, là encore, un personnage subversif – bien qu’ils le soient tous un peu -, à savoir Désiré : un homme qui change sans cesse d’identité pour s’attribuer tous les rôles qu’il souhaite. Ce caméléon un brin arnaqueur devient tantôt médecin, censeur, avocat ou encore curé, ne se lassant jamais de changer de peau.
Encore une fois, c’est une fresque complexe mais savamment orchestrée que nous livre Pierre Lemaitre. Tous les personnages évoluent selon leurs propres trajectoires, jusqu’à la très attendue rencontre finale. Portrait fidèle d’une époque, ce roman charmera très certainement les amateurs de romans historiques et sociaux. Tout en suivant les aventures rocambolesques et passionnantes de tous ces personnages, le lecteur découvre ces années d’inquiétude et de chaos, peinte avec beaucoup de réalisme et de fidélité. Ce qui m’a été le moins agréable dans cette lecture, pour être honnête, c’est de savoir que ce roman était le dernier de la trilogie… J’ai eu le sentiment de voir se clore un épisode de ma vie, durant lequel j’attendais avec excitation la sortie de ces précieuses pages. Je me dis néanmoins que cette aventure laissera, je l’espère, place à une autre.
En attendant, je peux d’ores et déjà vous dire que les trois romans des Enfants du désastre sont tous des chefs d’œuvre. Si cela vous intrigue et que vous ne connaissez pas, n’hésitez pas à vous y plonger, vous n’en ressortirez pas déçus, je vous l’assure. Vous pouvez soit commencer par Au revoir là-haut, le premier tome, et lire les romans de façon chronologique, comme je l’ai fait moi-même, ou choisir celui dont la thématique vous parle le plus. Ce troisième tome, malgré toutes ses qualités, est peut-être celui que j’ai le moins aimé, car il n’a pas la même fraicheur et la même audace que les deux précédents. Mais je pense que cela est aussi lié à la volonté de réalisme de Pierre Lemaitre, qui souhaitait coller à l’esprit de l’époque. Ce sont en effet des temps sombres qui s’ouvrent dans Miroir de nos peines. Et même si je suis très attachée à Au revoir là-haut, qui est un roman avec lequel j’ai une grosse histoire personnelle, je dois avouer que mon préféré reste Couleurs de l’incendie, notamment pour ses thématiques liées à la place des femmes dans la société, qui sont d’ailleurs reprises ici avec l’histoire de Louise. Maintenant, à vous de vous faire votre opinion de cette trilogie qui, à coup sûr, aura sa place dans l’histoire littéraire du XXIe siècle. Bonne lecture !
Carte d’identité du livre
Titre : Miroir de nos peines
Auteur : Pierre Lemaitre
Éditeur : Albin Michel
Date de parution : 02 janvier 2020