#404 Miroir de nos peines – Pierre Lemaitre

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Le résumé…

Avril 1940. Louise, trente ans, court, nue, sur le boulevard du Montparnasse. Pour comprendre la scène tragique qu’elle vient de vivre, elle devra plonger dans la folie d’une période sans équivalent dans l’histoire où la France toute entière, saisie par la panique, sombre dans le chaos, faisant émerger les héros et les salauds, les menteurs et les lâches… Et quelques hommes de bonne volonté.

Mon avis…

Ceux et celles qui ont l’habitude de passer sur ce blog ou de discuter avec moi connaissent mon amour inconditionnel pour les romans de Pierre Lemaitre. Je vous ai déjà parlé ici d’Alex, de Trois jours et une vie, et évidemment d’Au revoir là-haut – sur lequel j’ai même eu l’occasion de travailler lors de recherches universitaires – et de sa suite Couleurs de l’incendie. Et bien c’est le tome 3 de la trilogie Les Enfants du désastre que je vous présente aujourd’hui. Après les aventures d’Albert Maillard et Édouard Péricourt, les deux soldats de la Grande Guerre, et celles de Madeleine Péricourt, jeune femme hors-norme piégée dans un monde d’hommes, c’est désormais l’histoire de Louise qui nous est relatée. Si vous avez lu Au revoir là-haut, ce prénom ne devrait pas vous être inconnu. C’est en effet la fille de la logeuse d’Édouard et Albert que nous rejoignons ici dans les rues de Paris.

Comme pour Couleurs de l’incendie, il convient de préciser qu’il n’est aucunement indispensable d’avoir lu les précédents livres pour comprendre celui-ci. Les trois tomes sont complètement indépendants et le lecteur novice se voit rappeler les quelques liens entre chaque roman, qui ne jouent en réalité aucun rôle dans leurs intrigues respectives. Après nous avoir fait visiter le Paris des années 20, puis celui des années 30, direction les années 40 avec Louise, désormais trentenaire. Institutrice célibataire, elle semble bien perdue dans sa vie au moment où l’un des plus gros bouleversements du siècle est sur le point d’advenir. Avec elle, nous découvrons la drôle de guerre, ces tous premiers mois du conflit, caractérisés par leur étrangeté et leur absence de ressemblance avec tout ce qui était connu avant.

Pierre Lemaitre nous fait également vivre l’exode, à la fois avec Louise qui nous permet de connaître celui des populations pauvres et modestes, et avec Gabriel et Raoul, qui nous entraînent dans la débâcle, cette fuite des forces armées devant la redoutable avancée allemande. D’autres personnages, tous aussi intéressants, viennent se greffer à eux, comme le garde mobile Fernand, qui doit escorter des prisonniers vers une destination inconnue, et qui illustre à lui seul l’égarement et le désarroi de l’état français en cette période troublée. Pierre Lemaitre ajoute aussi sa pointe d’excentricité avec, là encore, un personnage subversif – bien qu’ils le soient tous un peu -, à savoir Désiré : un homme qui change sans cesse d’identité pour s’attribuer tous les rôles qu’il souhaite. Ce caméléon un brin arnaqueur devient tantôt médecin, censeur, avocat ou encore curé, ne se lassant jamais de changer de peau.

Encore une fois, c’est une fresque complexe mais savamment orchestrée que nous livre Pierre Lemaitre. Tous les personnages évoluent selon leurs propres trajectoires, jusqu’à la très attendue rencontre finale. Portrait fidèle d’une époque, ce roman charmera très certainement les amateurs de romans historiques et sociaux. Tout en suivant les aventures rocambolesques et passionnantes de tous ces personnages, le lecteur découvre ces années d’inquiétude et de chaos, peinte avec beaucoup de réalisme et de fidélité. Ce qui m’a été le moins agréable dans cette lecture, pour être honnête, c’est de savoir que ce roman était le dernier de la trilogie… J’ai eu le sentiment de voir se clore un épisode de ma vie, durant lequel j’attendais avec excitation la sortie de ces précieuses pages. Je me dis néanmoins que cette aventure laissera, je l’espère, place à une autre.

En attendant, je peux d’ores et déjà vous dire que les trois romans des Enfants du désastre sont tous des chefs d’œuvre. Si cela vous intrigue et que vous ne connaissez pas, n’hésitez pas à vous y plonger, vous n’en ressortirez pas déçus, je vous l’assure. Vous pouvez soit commencer par Au revoir là-haut, le premier tome, et lire les romans de façon chronologique, comme je l’ai fait moi-même, ou choisir celui dont la thématique vous parle le plus. Ce troisième tome, malgré toutes ses qualités, est peut-être celui que j’ai le moins aimé, car il n’a pas la même fraicheur et la même audace que les deux précédents. Mais je pense que cela est aussi lié à la volonté de réalisme de Pierre Lemaitre, qui souhaitait coller à l’esprit de l’époque. Ce sont en effet des temps sombres qui s’ouvrent dans Miroir de nos peines. Et même si je suis très attachée à Au revoir là-haut, qui est un roman avec lequel j’ai une grosse histoire personnelle, je dois avouer que mon préféré reste Couleurs de l’incendie, notamment pour ses thématiques liées à la place des femmes dans la société, qui sont d’ailleurs reprises ici avec l’histoire de Louise. Maintenant, à vous de vous faire votre opinion de cette trilogie qui, à coup sûr, aura sa place dans l’histoire littéraire du XXIe siècle. Bonne lecture !

Carte d’identité du livre

Titre : Miroir de nos peines
Auteur : Pierre Lemaitre
Éditeur : Albin Michel
Date de parution : 02 janvier 2020

5 étoiles

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#400 L’Armée des ombres – Joseph Kessel

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Waouh, voici la 400ème chronique ! Ce chiffre rond m’a mis la pression ! De quel livre allais-je vous parler à cette occasion ? L’hésitation a été longue. J’ai finalement opté pour un classique, que j’ai redécouvert très récemment : L’Armée des ombres de Joseph Kessel. J’avais déjà vu le film avec Lino Ventura il y a de longues années, et il ne m’avait pas laissé une très bonne impression… À mon avis, j’étais trop jeune pour le comprendre. Alors, prochaine étape : le regarder de nouveau. En attendant, je vous parle donc du plus grand roman français sur la Résistance.

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La 4e de couverture…

Londres, 1943, Joseph Kessel écrit L’Armée des ombres, le roman-symbole de la Résistance que l’auteur présente ainsi :  » La France n’a plus de pain, de vin, de feu. Mais surtout elle n’a plus de lois. La désobéissance civique, la rébellion individuelle ou organisée sont devenues devoirs envers la patrie. (…) Jamais la France n’a fait guerre plus haute et plus belle que celle des caves où s’impriment ses journaux libres, des terrains nocturnes et des criques secrètes où elle reçoit ses amis libres et d’où partent ses enfants libres, des cellules de torture où malgré les tenailles, les épingles rougies au feu et les os broyés, des Français meurent en hommes libres. Tout ce qu’on va lire ici a été vécu par des gens de France. « 

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L’Armée des ombres, Jean-Pierre Melville, 1969

Mon avis…

Pour celles et ceux (surtout celles) qui suivent le blog régulièrement, vous avez noté que je suis en pleine préparation de cours pour des étudiants de licence… et je leur parle littérature de guerre. Et donc, dans le programme, j’ai casé quelques extraits de cet excellent roman qui se déroule pendant la Seconde Guerre mondiale et qui nous raconte la Résistance de l’intérieur. Joseph Kessel, dans sa préface, revendique un récit sans « propagande » et sans « fiction », fidèle à la réalité, avec « des faits authentiques, éprouvés ». Pour Kessel, donc, la fiction équivaut à de la propagande et il la rejette explicitement, tout en l’utilisant pourtant tout aussi explicitement dans son œuvre. Officiellement, c’est pour éviter de dévoiler l’identité réelle des protagonistes, et ça se tient. Mais clairement, Kessel est un romancier, qu’il le veuille ou non. L’Armée des ombres apparaît tout de même, malgré sa nature romanesque, comme un condensé d’expériences de résistants et nous fait bel et bien pénétrer, nous lecteurs, au coeur de ce milieu si difficile à appréhender. Il y aurait tellement à dire sur ce roman, mais je ne suis pas là pour vous faire un cours, alors je vais juste vous dire ce que j’ai le plus aimé dans cette lecture.

« Je voulais tant dire et j’ai dit si peu. » (Joseph Kessel)

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Joseph Kessel

Nous croyons tous savoir ce qu’a été la Résistance. Nous l’avons souvent idéalisée, aussi. Qui ne connaît pas le mythe de la France résistante, ce que l’historien français Henri Rousso a appelé le « résistancialisme » ? C’est-à-dire cette idée selon laquelle tous les Français auraient résisté, volontairement ou non, activement ou non, à l’Occupant. Ce résistancialisme, on ne le retrouve pas chez Kessel, qui est aussi l’auteur des paroles françaises du Chant des partisans. Il ne cherche pas à nous montrer une résistance purement idéalisée et mythifiée, même s’il met en scène ce type de discours. Il nous en montre au contraire la complexité, la versatilité aussi. Plus que le résistant, c’est l’humain qui est au coeur de ce roman. Il décrit une résistance qui imprègne absolument tous les milieux, qui n’est pas le seul fait de héros, mais il montre aussi les trahisons volontaires ou involontaires. Sous l’effet de la torture, aurions-nous protégé coûte que coûte nos camarades ? Nous serions tous et toutes tentés de dire « oui », n’est-ce pas ? Nous aimerions que ce soit le cas. Mais ce que nous apprend Kessel, c’est qu’on ne peut jamais savoir, tant que l’on n’est pas arrivé à cette extrémité.

« La résistance, elle est tous les hommes français qui ne veulent pas qu’on fasse à la France des yeux morts, des yeux vides. »

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L’Armée des ombres, Jean-Pierre Melville, 1969

L’Armée des ombres est un roman absolument fascinant, qui suit des personnages à la fois attachants et antipathiques, en particulier Gerbier, le résistant « par excellence » qui fait passer son devoir avant tout autre sentiment. Mais il y a aussi les résistants qui ont la volonté de bien faire et non la force, ou encore ceux qui se découvrent une force insoupçonnée, mais aussi ceux que l’on ne s’attendrait jamais à voir résister… La richesse de tous ces personnages, dans un livre pourtant si court, est ce qui m’a le plus étonnée. Pour être très honnête, j’ai commencé cette lecture en me disant que je cherchais simplement des extraits intéressants à proposer à mes étudiants (et j’en ai trouvé), mais finalement je me suis totalement laissée entrainer, et je ne l’ai plus lâchée. C’est un livre à l’écriture simple, très accessible, mais qui est en même temps d’une profondeur psychologique impressionnante. J’avais peur de lire un simple hymne à la Résistance et, s’il est vrai que c’en est un, c’est aussi très lucide et clairvoyant. Kessel a un regard juste sur la situation, et s’il se laisse parfois entraîner par ses sentiments envers ces Résistants qu’il aime sincèrement, il n’en propose pas moins un récit documenté, précis et réaliste.

Carte d’identité du livre

Titre : L’Armée des ombres
Auteur : Joseph Kessel
Éditeur : Pocket
Date de parution : 11 mai 2001 [1943]

5 étoiles

#395 Le triomphe des ténèbres (la saga du Soleil noir, t.1) – Giacometti et Ravenne

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Le résumé…

1938. Dans une Europe au bord de l’abîme, une organisation nazie, l’Ahnenerbe, pille des lieux sacrés à travers le monde. Elle cherche des trésors aux pouvoirs obscurs destinés à établir le règne millénaire du Troisième Reich. Son maître, Himmler, envoie des SS fouiller un sanctuaire tibétain dans une vallée oubliée de l’Himalaya. Il se rend lui-même en Espagne, dans un monastère, pour trouver un tableau énigmatique. De quelle puissance ancienne les nazis croient-ils détenir la clé ? À Londres, Churchill découvre que la guerre contre l’Allemagne sera aussi celle, spirituelle, de la lumière contre les ténèbres.

Tristan, le trafiquant d’art au passé trouble ; Erika, une archéologue allemande ; Laure, l’héritière des Cathares… : dans le premier tome de cette saga, l’histoire occulte fait se rencontrer des personnages aux destins d’exception avec les acteurs majeurs de la Seconde Guerre mondiale.

Mon avis…

Cela faisait très longtemps que je voulais lire un roman de Giacometti et Ravenne. J’ai donc sauté le pas avec leur tout dernier en poche, le premier tome de la saga du Soleil noir, j’ai nommé : Le triomphe des ténèbres. J’ai vraiment été séduite par le résumé qui mêlait à la perfection Histoire, occultisme et aventure. Et je n’ai clairement pas été déçue. Le livre tient ses promesses, en nous faisant plonger dans les plus profonds mystères du nazisme et la fascination de certains leaders du parti pour l’ésotérisme. Les personnages ont des parcours originaux et singuliers, et ils se trouvent pourtant tous réunis dans une étrange quête : celle d’une relique, que les nazis considèrent comme une arme capable de leur faire gagner la guerre. Je me suis beaucoup attachée à tous ces personnages, et j’ai apprécié la place de choix laissée aux femmes. Remarquons aussi la présence de personnages historiques, tels Churchill, Hitler, Himmler, etc. qui prennent vie aux côté de personnages imaginaires pleins de reliefs.

Ce que j’ai aussi adoré dans ce roman, c’est que l’on se divertit avec une histoire absolument passionnante et pleine de suspense, et que l’on apprend également des choses. Docere et placere, dirait Horace. A la fin du livre, on trouve d’ailleurs quelques explications permettant de faire la part de vérité dans la fiction. Giacometti et Ravenne se documentent beaucoup, et cela se ressent sans jamais alourdir le récit. On découvre la Seconde Guerre mondiale et l’Occupation sous un autre angle. C’est extrêmement stimulant pour le lecteur, sur le plan intellectuel. Le triomphe des ténèbres m’a rendue accro et c’est aussi un livre captivant dont j’ai parlé à mes proches avec beaucoup de plaisir. Honnêtement, j’avais vraiment envie de bondir sur le tome 2, mais je vais devoir attendre sa sortie en poche… Patience, patience… mais j’ai hâte ! En attendant, peut-être vais-je reporter mon attention sur leurs autres livres, qui ont l’air tout aussi passionnants. Clairement, Giacometti et Ravenne ont le don pour la narration simple et efficace. Si vous ne connaissez pas et que vous aimez les thrillers ésotériques ou les romans historiques, sautez vite sur leurs livres !

Carte d’identité du livre

Titre : Le triomphe des ténèbres (la saga du Soleil noir, t.1)
Auteurs : Éric Giacometti et Jacques Ravenne
Éditeur : Le Livre de Poche
Date de parution : 15 mai 2019

5 étoiles

 

#390 Une île, rue des oiseaux – Uri Orlev

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Le résumé…

Alex, onze ans, petit garçon juif de Pologne, voit le monde s’écrouler autour de lui : sa mère arrêtée, ses amis disparus. Et voilà que les Allemands emmènent son père avec tous les habitants de la rue. Alex se retrouve seul dans le ghetto vide. Il s’aménage une cachette où il tente d’organiser son attente. Les mois passent, les espoirs s’amenuisent. Soudain, une voix, venue d’un monde oublié.

Mon avis…

Une île, rue des oiseaux est un joli petit livre jeunesse qui parle d’un sujet particulièrement difficile : la Seconde Guerre mondiale et l’Holocauste. Tout est raconté à travers l’expérience d’un jeune garçon de 11 ans, Alex, qui se retrouve seul du jour au lendemain dans le ghetto de Varsovie. Sans jamais être confronté à l’horreur des camps et de la guerre, le lecteur n’en ressent pas moins l’atmosphère particulièrement lourde et étouffante de l’époque. Le danger est partout, la menace plane sur Alex. Ce roman se déroule entièrement comme un « huis-clos » dans le ghetto. Le garçon ignore tout de ce qui se passe au-dehors, son monde s’arrête à la rue voisine. Il attend, inlassablement, le retour de son père, mais les mois passent… Il doit survivre. Une île, rue des oiseaux est un livre touchant, poétique, et qui se lit très facilement. Sans être la meilleure porte d’entrée sur la Seconde Guerre mondiale pour les enfants, il en est tout de même une intéressante, car il permet d’en percevoir les tensions et d’en deviner certains enjeux. Un peu trop éloigné de la réalité de tout un chacun à l’époque, il est néanmoins le récit d’une destinée individuelle passionnante. C’est aussi un roman qui ravira les adultes !

Carte d’identité du livre

Titre : Une île, rue des Oiseaux
Auteur : Uri Orlev
Éditeur : Le Livre de Poche Jeunesse
Date de parution : 23 septembre 2009

4 étoiles

#371 Otto, autobiographie d’un ours en peluche – Tomi Ungerer

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Le résumé…

« J’ai compris que j’étais vieux le jour où je me suis retrouvé dans la vitrine d’un antiquaire. J’ai été fabriqué en Allemagne. Mes tout premiers souvenirs sont assez douloureux. J’étais dans un atelier et l’on me cousait les bras et les jambes pour m’assembler… »

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Mon avis…

Après vous avoir parlé de l’excellent Crictor, qui racontait l’histoire tendre et drôle d’un boa constrictor domestique, voici Otto, autobiographie d’un ours en peluche. Comme le titre l’indique, le narrateur est un nounours, qui retrace avec nous son parcours tumultueux. Otto est né en Allemagne. Sa première famille d’adoption est celle de David, un gentil garçon. Lorsque David, qui doit porter une étoile jaune, est un jour emmené avec sa famille par des hommes inquiétants, Otto est donné par le petit à son meilleur ami, Oskar. Mais la guerre le séparera encore de son nouveau propriétaire… À partir de l’histoire d’un objet attendrissant et attachant, pour lequel tout enfant a de l’affection, Tomi Ungerer nous raconte l’Histoire avec un grand H. Il parle aux enfants de l’horreur et de la cruauté de la guerre, mais avec beaucoup de douceur. C’est un livre absolument magnifique et touchant, plein de justesse et de pertinence. J’avoue avoir été étonnée de parcourir un album aussi délicat, qui permet de parler de sujets aussi durs avec autant de tact et de simplicité. Un seul mot : c’est beau. J’aurais aimé le découvrir lorsque j’étais enfant, je dois l’avouer. C’est aussi un très beau livre sur l’amitié, sur la fidélité, l’affection et la tolérance. Comme toujours, les livres de Tomi Ungerer sont d’une richesse folle ! C’est un auteur qui prend en considération l’intelligence des enfants, et les croit capable de comprendre l’essence des choses. Et ça, j’adore.

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Carte d’identité du livre

Titre : Otto, autobiographie d’un ours en peluche
Auteur : Tomi Ungerer
Traductrice : Florence Seyvos
Éditeur : L’École des Loisirs
Date de parution : 24 mai 2001 [1999]

5 étoiles

Tomi Ungerer

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#357 Le Bois des Ombres – Barbara Dribbusch

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Le résumé…

Lorsque sa grand-mère, Charlotte, décède, Anne Südhausen se rend à Innsbruck pour organiser son enterrement. La vieille dame, avec qui elle a perdu contact depuis près de vingt ans, lui a laissé un bien lourd secret : des journaux intimes, qu’elle a rédigés en 1943, lors de son séjour aux « Bois des Ombres », un étrange établissement, à mi-chemin entre le sanatorium et l’hôpital psychiatrique, théâtre de terribles événements qui changèrent à jamais la vie de Charlotte.
La lecture de ces cahiers va être pour Anne source de révélations sur le passé de sa grand-mère, mais rapidement, celles-ci vont dépasser les simples secrets de famille. Pourquoi deux carnets ont-ils disparu ? Que contenaient-ils de si inquiétant ? Surtout, qui pourrait se sentir menacé par eux ?

Mon avis…

Aujourd’hui, je vous parle d’un roman que j’ai beaucoup apprécié, et qui est sorti en poche tout récemment ! Il s’agit du Bois des Ombres de Barbara Dribbusch. C’est l’histoire d’une jeune femme qui apprend la mort de sa grand-mère, qu’elle connaissait assez peu. Elle se rend à Innsbruck afin de procéder aux différents préparatifs de son enterrement et elle découvre de mystérieux carnets, dans lesquels sa grand-mère a raconté son histoire… et en particulier une période de sa vie, pendant la Seconde Guerre mondiale… Le Bois des Ombres, c’est le nom d’un sanatorium où a vécu Charlotte, en 1943. C’est un lieu dont les secrets ne se révèlent qu’au fil de la lecture de ses carnets… Or, quelqu’un ne veut visiblement pas qu’Anne découvre tout le passé de sa grand-mère… Très vite, en effet, les deux derniers carnets, qui révèlent tous les ressorts du secret, qui contiennent l’aboutissement de cette recherche, sont volés.

Cette lecture, Anne la partage avec nous. Nous avons en effet accès à son histoire personnelle à elle, sa quête d’explications quant au passé de sa grand-mère, ses propres aventures, et à l’histoire racontée dans ces carnets. C’est donc un roman à deux trames qui se déploient à plusieurs années d’écart, s’entrecroisent parfois, puis se réunissent… C’est un très beau livre sur la question de la famille, de la résistance personnelle et collective, sur la thématique du secret, et un roman fort d’une intrigue très efficace. En découvrant sa grand-mère, Anne se découvre elle-même, et elle embarque le lecteur dans une aventure marquante et émouvante. En bref, c’est un roman fort et étonnant, particulièrement efficace et enrichissant.

Carte d’identité du livre

Titre : Le Bois des Ombres
Autrice : Barbara Dribbusch
Traducteur : Jean Benard
Éditeur : Les Escales
Date de parution : 05 octobre 2017

5 étoiles

 

#324 Le magasin jaune – Marc Trévidic

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Le résumé…

Au début de l’année 1929, un jeune couple rachète un magasin de jouets en faillite dans le quartier de Pigalle. Gustave et Valentine pensent qu’à vendre le bonheur, on ne peut que le trouver soi-même. Ils repeignent la boutique couleur mimosa : le magasin jaune naît. C’est un soleil. Les parents et les enfants tournent autour ; les jouets s’animent ; la vitrine s’illumine. Les odeurs et les bruits de la rue meurent à sa porte.
Mais au-dehors, le monde change. La crise financière puis politique obscurcit tout. Arrivent la guerre, l’Occupation allemande.
Le Magasin jaune sera-t-il préservé de la violence et de l’horreur ? Ou n’est-il qu’une prison d’illusions et de mensonges ? Gustave s’y enferme et y garde ses secrets. Valentine veut s’en échapper. Les enfants, seuls, continuent de jouer le jeu, avec à leur tête la princesse du Magasin jaune. Ils recréent le monde, l’imitent parfois, mais toujours préfèrent l’innocence du rêve à la violence du cauchemar.
De 1929 à 1942, de l’Art déco aux chars d’assaut, de Cole Porter à la musique militaire, Le Magasin jaune retrace l’histoire d’un lieu où joies et désespoirs se succèdent, où la résignation fait place à la résistance, tandis que le regard énigmatique et froid d’Arlequin nous met en garde : le bonheur est fragile comme une poupée de porcelaine.

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Marc Trévidic

Mon avis…

Le Magasin jaune est un roman dont l’intrigue s’étend essentiellement de l’entre-deux guerre à la période de la Seconde Guerre mondiale. On retrouve cependant des échos de la Grande Guerre, à travers la figure du père de Gustave notamment, et Marc Trévidic suggère avec subtilité les liens qui unissent les deux conflits. Il nous montre ainsi que l’Histoire est en quelque sorte un cycle, un éternel recommencement. Il situe son intrigue dans un cadre original : celui d’un charmant magasin de jouet, symbolisant l’enfance et sa persistance dans l’âme de chacun. Ainsi, il nous fait le portrait d’une époque violente, en la mettant en regard avec un univers tout à la fois féérique et attendrissant. Marc Trévidic joue sur les contrastes. Certains personnages, adultes, restent jeunes au fond d’eux, gardent l’espoir. D’autres, parfois des enfants, incarnent la cruauté du XXe siècle. L’auteur n’hésite pas à concevoir des êtres de papier complexes sur le plan psychologique. Leurs actes sont parfois inattendus, imprévisibles, à la manière de vraies personnes. Cela les rend d’autant plus attachants qu’ils sont imparfaits, comme nous tous. C’est pourquoi le récit familial prend toute son ampleur ici, on a envie de suivre les aventures de ces personnages, de la famille Pilon et de tous ceux qui l’entourent, du début à la fin.

Dans ce livre, j’ai beaucoup apprécié le regard tendre que pose l’auteur sur le monde qu’il nous décrit. Il est animé par l’espoir, l’optimisme, malgré les horreurs décrites ou suggérées. On a en effet un portrait fidèle de l’atmosphère parisienne sous l’Occupation, avec des scènes parfois brutales et toujours réalistes. Mais il y a surtout, dans ce roman, de véritables incarnations de la résistance, ou plutôt des résistances sous toutes leurs formes ! J’ai aimé que l’auteur sache rendre compte de la complexité et de la variété des réactions dans une telle situation. Tous les personnages agissent différemment, et chacun a ses propres motivations, ses raisons, ses buts. L’amour est au coeur de tout, bien sûr. Vous allez me dire que ça peut avoir l’air idéaliste tout ça, et je vous dirais oui, peut-être un peu. Et alors ? Après tout, la littérature est aussi là pour nous montrer que la lumière est toujours là, quelque part, même dans l’obscurité la plus profonde. En parlant de la Seconde Guerre mondiale, Marc Trévidic nous parle aussi d’aujourd’hui, de notre propre époque, de nous-mêmes. En bref, c’est un récit simple, fluide, tout à fait prenant, aux significations belles et profondes.

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En quelques mots…

parcours d’une famille
quand l’enfance rencontre l’horreur
résistance(s)
une très belle écriture
la petite histoire dans l’Histoire

Carte d’identité du livre

Titre : Le magasin jaune
Autrice : Marc Trévidic
Éditeur : JC Lattès
Date de parution : 07 mars 2018

5 étoiles

#319 Maria Vittoria – Elise Valmorbida

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Le résumé…

1923, dans un hameau perdu au coeur des Dolomites. Maria Vittoria est une jeune femme belle et discrète. Quand son père désigne pour elle son futur époux, Maria s’incline, et bientôt le couple fonde un foyer et ouvre un magasin. Or l’ombre du fascisme et la menace de la guerre pourraient bien rompre l’équilibre et séparer les familles.
Entre amour et haine, jalousie et générosité, foi et raison, Maria devra choisir son destin. Au prix, parfois, d’immenses sacrifices…

Mon avis…

J’ai été attirée par ce livre, en particulier car il se déroule en Italie, pays dont j’avoue méconnaître la façon dont il a vécu la Seconde Guerre mondiale. Ainsi, cela m’intéressait beaucoup de découvrir le portrait de cette époque, de l’entre-deux guerres à l’après-guerre. C’est probablement l’aspect le plus enrichissant du livre, car on peut y lire les moeurs de la société italienne, en particulier celle des petits villages, et on y voit la façon dont y vivent les femmes, surtout. C’est un roman qui ne cherche aucunement à porter un jugement sur ses personnages, qui sont soumis à notre regard de lecteur du XXIe siècle. On y voit ainsi la description de la foi sans faille (ou presque) de Maria Vittoria et de la façon dont celle-ci est confrontée à la dure réalité du fascisme et de la guerre. Nous suivons une famille entière dans les affres du conflit, poussés à de nombreux sacrifices pour survivre… Pourtant, malgré cette focalisation sur un petit nombre de personnages, et en particulier sur une, Maria Vittoria, je n’ai pas réussi à m’attacher à eux. L’autrice n’a malheureusement pas su me tenir en haleine. Je n’ai ressenti ni joie, ni tristesse, pour ces êtres de papier. En fait, j’ai apprécié l’aspect historique et social de l’oeuvre, dans la mesure où on y explore un temps et un lieu, souvent méconnu de nous. Cependant, la dimension psychologique et l’intrigue elle-même m’ont paru sans attrait. J’en suis la première désolée, car j’aurais adoré prendre plus de plaisir à la lecture, vous vous en doutez bien. C’est donc une lecture en demie-teinte pour moi, à la fois intéressante car elle permet une meilleure compréhension d’une époque et d’un pays, mais en même temps souvent ennuyante…

En quelques mots…

saga familiale
Italie d’entre-deux guerres
une intrigue assez plate
instructif et intéressant

Carte d’identité du livre

Titre : Maria Vittoria
Autrice : Elise Valmorbida
Traductrice : Claire Desserrey
Éditeur : Préludes
Date de parution : 19 septembre 2018

3 étoiles

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Merci aux éditions Préludes et à NetGalley France pour cette lecture.

 

#258 « Je me promets d’éclatantes revanches » – Valentine Goby

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A paraître le 30 août 2017

Le résumé…

Un manifeste pour la littérature à la lumière de Charlotte Delbo.
« J’ai ouvert Aucun de nous ne reviendra, et cette voix m’a saisie comme nulle autre. Je suis entrée à Auschwitz par la langue. »
L’une, Valentine Goby, est romancière. L’autre, c’est Charlotte Delbo, amoureuse, déportée, résistante, poète ; elle a laissé une œuvre foudroyante. Voici deux femmes engagées, la littérature chevillée au corps. Au sortir d’Auschwitz, Charlotte Delbo invente une écriture radicale, puissante, suggestive pour continuer de vivre, envers et contre tout.
Lorsqu’elle la découvre, Valentine Goby, éblouie, plonge dans son œuvre et déroule lentement le fil qui la relie à cette femme hors du commun. Pour que d’autres risquent l’aventure magnifique de sa lecture, mais aussi pour lancer un grand cri d’amour à la littérature. Celle qui change la vie, qui console, qui sauve.

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Valentine Goby

Mon avis…

“Je me promets d’éclatantes revanches” est une citation de Charlotte Delbo. Cette femme, que l’on connaît parfois seulement de nom, devient ici le sujet d’un livre. Valentine Goby nous raconte sa rencontre avec Charlotte Delbo, à travers ses textes, les souvenirs qu’elle livre des années de guerre, du temps passé à Auschwitz. Il y a deux facettes à ce livre. D’une part, l’auteure nous raconte, à sa façon, la vie de Charlotte Delbo. D’autre part, elle nous parle de la littérature, et des histoires qui peuvent naître de la lecture d’un livre. C’est un message d’amour à la littérature, à une auteure et une femme exceptionnelle. Valentine Goby nous donne envie de (re)découvrir Charlotte Delbo, d’apprendre à mieux la connaître, à reconsidérer son oeuvre et son rôle dans la transmission mémorielle de la seconde guerre mondiale. “Je me promets d’éclatantes revanches” est un très beau texte et un plaidoyer pour que cette femme soit mise en avant, qu’on lui restitue une place de choix dans le discours historique comme dans la littérature. Valentine Goby a en tout cas réussi son pari me concernant, car j’ai la ferme intention de m’emparer des oeuvres de Charlotte Delbo, que je connaissais déjà un peu, mais pas suffisamment à mon avis !

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Charlotte Delbo

rentrée littéraire