#331 L’habitude des bêtes – Lise Tremblay

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Le résumé…

« J’avais été heureux, comblé et odieux. Je le savais. En vieillissant, je m’en suis rendu compte, mais il était trop tard. Je n’avais pas su être bon. La bonté m’est venue après, je ne peux pas dire quand exactement. » C’est le jour sans doute où un vieil Indien lui a confié Dan, un chiot. Lorsque Benoît Lévesque est rentré à Montréal ce jour-là, il a fermé pour la vie son cabinet dentaire et les volets de son grand appartement. Ce n’est pas un endroit pour Dan, alors Benoît décide de s’installer pour de bon dans son chalet du Saguenay, au cœur du parc national. Il y mène une vie solitaire et tranquille, ponctuée par les visites de Rémi, un enfant du pays qui lui rend de menus services, et par la conversation de Mina, une vieille dame sage. Mais quand vient un nouvel automne, le fragile équilibre est rompu. Parce que Dan se fait vieux et qu’il est malade. Et parce qu’on a aperçu des loups sur le territoire des chasseurs, dans le parc. Leur présence menaçante réveille de vieilles querelles entre les clans, et la tension monte au village…Au-delà des rivalités, c’est à la nature, aux cycles de la vie et de la mort, et à leur propre destinée que devront faire face les personnages tellement humains de ce court roman au décor majestueux.

Mon avis…

Il est certains livres dont on ne peut dire que peu de choses, et L’habitude des bêtes en fait partie. Il s’agit d’un roman qui se savoure, car il nous permet de pénétrer dans une atmosphère toute particulière, où les intrigues sont presque absentes et où pourtant l’ennui n’a pas la moindre place. Nous plongeons en effet dans la vie et les pensées de Benoît Lévesque qui, alors que la mort de son chien approche, décide de procéder à un retour sur son passé, au regard de son présent, tout en étant dans l’impossibilité d’envisager son avenir. Sa propre vieillesse est déjà bien installée. La simple idée qu’un jour il ne puisse plus profiter de la nature et des saisons, l’effraie au plus haut point. C’est dans le regard de la bête que l’être humain se pense. Le chien, animal familier et rassurant, côtoie les loups, sauvages et féroces. Mais le prédateur n’est pas celui que l’on croit, dans ce village perdu au coeur de la forêt. L’habitude des bêtes nous révèle l’être humain dans son animalité, sa brutalité, mais paradoxalement aussi sa tendresse parfois bourrue. En bref, Lise Tremblay nous offre un beau portrait d’hommes et de femmes, mais aussi d’une nature à la fois familière et mystérieusement insondable. C’est un très beau roman que publient ici les éditions Delcourt, dont il faut prendre le temps de goûter le moindre mot, à découvrir absolument.

Carte d’identité du livre

Titre : L’habitude des bêtes
Autrice : Lise Tremblay
Éditeur : Delcourt
Date de parution : 22 août 2018

5 étoiles

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Coup de cœur

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Merci aux éditions Delcourt pour cette lecture.

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#330 Irrégulières – Chloé Guillot Élouard

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Le résumé…

De la campagne d’après-guerre à la ville contemporaine, trois destins s’entremêlent.

D’abord, il y a Adélaïde, qui s’applique à effacer ses origines sociales. Puis Madeleine, jeune femme raisonnable étouffée par l’autorité parentale, et enfin Sophie, prête à tout pour faire carrière.

Trois héroïnes ordinaires qui aspirent à devenir maîtresses de leurs vies, face aux pressions collectives.

Mon avis…

Je dois l’avouer, je n’avais encore jamais lu de livre auto-édité. Mais il y a un début à tout, et Irrégulières me semble un parfait point de départ. A première vue, le résumé semblait en effet très prometteur tout en ne révélant que peu d’indices sur l’intrigue. Il est question, dans ce livre, de trois destins de femmes. Ces dernières sont, disons-le, banales, un peu comme nous toutes en réalité. Il s’agit de personnages que l’on pourrait tout à fait croiser, connaître, rencontrer, avoir dans sa famille. Le roman est très réaliste sur le plan de la psychologie. On n’a absolument aucun mal à se projeter dans les vies de ces femmes, à imaginer leur quotidien et les situations souvent difficiles auxquelles elles font face. Chloé Guillot Elouard nous décrit, à travers ces échantillons, les multiples obstacles auxquels sont confrontées les femmes dans tous les milieux sociaux, à toutes les époques. On se rend compte que, malgré leurs différences, elles doivent d’une certaine manière surmonter les mêmes épreuves, chacune à sa façon.

J’ai vraiment accroché aux trois intrigues, j’avais envie de savoir ce qu’il allait advenir de ces trois personnages. J’ai beaucoup aimé le mélange de banalité et de singularité de ces femmes, qui sont à la fois uniques dans leurs personnalités et réunies par les conditions qu’impose leur genre. En fait, ce roman est excellent à tous les niveaux, sur le plan des micro-histoires, celles d’Adélaïde, Madeleine et Sophie, et sur le plan de la macro-histoire, celle des femmes. Dans ce dernier aspect, le texte est féministe dans la mesure où il permet une réflexion sur le genre, sur la vie des femmes en France du XXe siècle à aujourd’hui. J’ai particulièrement aimé le personnage de Sophie, dans lequel j’avoue m’être reconnue sur certains points. Il s’agit d’une étudiante préparant sa thèse, confrontée à ses angoisses, aux attentes de la société, s’interrogeant sur ses propres désirs et volontés… Passionnant ! Je n’étais pas pour autant en reste avec Adélaïde et Madeleine qui ont elle aussi touché ma sensibilité.

J’ai donc eu une très agréable surprise avec Irrégulières. D’ailleurs, je tiens à souligner que le titre est très bien choisi, car il résume parfaitement le propos de ce roman. C’est un livre qui, véritablement, mérite d’être connu. Il est possible que certains points puissent déplaire à quelques lecteurs, comme la grande liberté que nous laisse l’autrice (ceux et celles qui ont déjà lu le roman me comprendront). C’est quelque chose que j’ai au contraire plutôt apprécié, car j’ai eu la sensation de continuer ma lecture encore bien après l’avoir fini ! Toutefois, un petit bémol pour moi : le thème de la maternité, assez présent à certains moments du roman, n’est pas celui qui me touche le plus, si bien que j’ai l’impression d’avoir « manqué » certains aspects. C’est tout de même une bonne expérience livresque que j’ai connue ici, car j’ai dévoré ce livre sans le lâcher, et il m’a laissé une excellente impression globale.

Carte d’identité du livre

Titre : Irrégulières
Autrice : Chloé Guillot Elouard
Éditeur : autoédité
Date de parution : 26 mai 2018

5 étoiles

Merci à Chloé Guillot Elouard pour cette lecture.

Son site internet • Sa page Facebook

#306 La petite poule rouge vide son cœur – Margaret Atwood

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Le résumé…

« Le corps féminin type se présente muni des accessoires suivants : un porte-jarretelles, un panty, une crinoline, une camisole, une tournure de jupe, un soutien-gorge, un corsage, une chemise, une ceinture de chasteté, des talons aiguilles, un anneau dans le nez, un voile, des gants de Chevreau, des bas résilles, un fichu, un bandeau, une guêpière, une voilette, un tour de cou, des barrettes, des bracelets, des perles, un face-à-main, un boa, une petite robe noire, une gaine de soutien, un body en Lycra, un peignoir de marque, une chemise de nuit en flanelle, un teddy en dentelle, un lit, une tête. » Sur un ton drôlatique, vingt-sept façons de tordre la réalité, les croyances de chacun, les habitudes de chacune, ou l’art de se dévisser le cou pour se regarder droit dans les yeux. Un régal de mise en pièces de nos mythes, des plus anciens aux actuels, sans compter quelques utiles conseils ou recettes tels que Rendons grâce aux sottes et Fabriquer un homme.

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Mon avis…

Vous allez finir par être habitué(e)s à voir passer régulièrement Margaret Atwood sur ce blog. Depuis La Servante écarlate, j’ai lu d’autres de ses textes, parmi lesquels C’est le cœur qui lâche en dernier, bien plus cynique et décalé que le roman qui a inspiré la série télé à succès, ou encore le recueil de nouvelles Neuf contes, tout simplement excellent ! Et c’est justement charmée par cette dernière parution que j’ai décidé de m’aventurer dans un autre recueil de nouvelles d’Atwood, dont le titre est très intrigant : La petite poule rouge vide son coeur. Impossible de ne pas déceler dans ce livre le cynisme que j’avais adoré dans C’est le cœur qui lâche en dernier, et le féminisme particulièrement révolté qui se dessine dans La Servante écarlate.

Avec beaucoup d’humour, et souvent d’ironie, Atwood nous emporte dans de très très brèves histoires, parfois longues d’à peine deux ou trois pages, où elle nous fait le portrait d’un monde étrange qui ressemble drôlement au nôtre, sous certains aspects. Sous couverts d’allégories, de réécritures de contes ou de fables fameuses, elle critique avec subtilité la société patriarcale. Mon histoire préférée ? Une recette plutôt, intitulée « Fabriquer un homme ». Un épisode plein d’humour et complètement décalé, qui en dit beaucoup sur notre monde lorsque l’on sait lire entre les lignes. Margaret Atwood évoque les corps féminins, les poules (vous saurez deviner de qui il s’agit), mais aussi les coqs, et d’autres animaux. On y croisera aussi Blanche-Neige, le Petit Chaperon Rouge, ou carrément Ève, qui côtoie les mannequins des magazines féminins… Atwood opère une véritable déconstruction des mythes et des images qui ont forgé « la » femme, des plus anciens aux plus récents, et le tout avec le charme de la fiction enfantine.

Margaret Atwood se montre particulièrement malicieuse dans ce recueil étonnant et détonnant. Subtiles, ses histoires se lisent et se relisent. Ce sont de véritables textes à clés que nous livre l’autrice canadienne. Je trouve que ces nouvelles, contes ou fables, ces histoires courtes en somme, permettent d’approcher avec beaucoup de justesse la délicatesse mêlée de brutalité propre à la plume d’Atwood. Elle ne nous épargne rien, mais le fait avec une forme de douceur amère parfois désarmante. Surtout, ne vous arrêtez pas à La Servante écarlate, explorez bien plus de cette autrice unique, et pourquoi pas par le biais de ses recueils ?

Ô mon hypocrite lectrice ! Ma semblable ! Ma sœur ! Rendons grâce aux sottes qui nous donnèrent la littérature.

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Margaret Atwood

En quelques mots…

cynique voire désabusé
complètement décalé et perché
subtil et délicat
réécritures
à interpréter et à déguster

Carte d’identité du livre

Titre : La petite poule rouge vide son cœur
Autrice : Margaret Atwood
Traductrice : Hélène Filion
Éditeur : Le Serpent à Plumes
Date de parution : 12 octobre 1999

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Coup de cœur

féminismeblog

 

#303 Un mariage anglais – Claire Fuller

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Le résumé…

Ingrid a 20 ans et des projets plein la tête quand elle rencontre Gil Coleman, professeur de littérature à l’université. Faisant fi de son âge et de sa réputation de don Juan, elle l’épouse et s’installe dans sa maison en bord de mer.
Quinze ans et deux enfants plus tard, Ingrid doit faire face aux absences répétées de Gil, devenu écrivain à succès. Un soir, elle décide d’écrire ce qu’elle n’arrive plus à lui dire, puis cache sa lettre dans un livre. Ainsi commence une correspondance à sens unique où elle dévoile la vérité sur leur mariage, jusqu’à cette dernière lettre rédigée quelques heures à peine avant qu’elle ne disparaisse sans laisser de trace.

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Mon avis…

Les mariages anglais sont de saison, en littérature aussi. Pourtant, rien à voir entre l’union d’Harry et Meghan et celle qui est relatée dans ce livre. Claire Fuller nous raconte ici la longue histoire d’un drame. Nan et Flora, les deux filles de Gil et Ingrid, sont bouleversées après l’accident de leur père. Il dit avoir vu leur mère, depuis la fenêtre de la librairie du village, sauf que celle-ci a été portée disparue depuis des années. On dit qu’elle s’est noyée en mer, elle qui était pourtant excellente nageuse. Flora refuse d’y croire. Le livre est partagé en deux trames romanesques. D’une part, il y a l’histoire de ces deux filles, qui doivent prendre soin de leur père atteint par des lubies de plus en plus étrange, bouleversé par sa rencontre avec le fantôme de son épouse. D’autre part, il y a celle d’Ingrid, la mère, qui raconte, dans des lettres qu’elle destine à Gil et cache dans les livres qu’il entasse dans leur maison, son coup de foudre puis son mariage avec lui, son professeur de littérature.

Claire Fuller nous raconte ici une histoire d’amour à la fois exceptionnelle et banale, comme toutes les romances, finalement. Elle en dessine les balbutiements, le paroxysme, la perfection, la passion, puis le déclin, les déceptions… Elle fait le portrait d’une femme déterminée, qui avait décidé de ne pas se laisser enfermer dans une vie dont elle ne voulait pas. Elle voulait faire des études, voyager, ne pas se marier ou avoir d’enfants (du moins, pas trop vite), avoir la liberté des hommes, être libérée du destin que l’on réservait à la plupart des femmes. Et pourtant, son histoire d’amour, sensuelle et romantique, avec son professeur de littérature, va la mener dans un mariage comme on en fait des centaines, un mariage anglais, tout ce qu’il y a de plus banal. Pourtant, malgré la « normalité » de ce qui est raconté, Claire Fuller nous fait ressentir la singularité des personnages, leur profondeur. Le récit est traversé de long en large par les multiples références littéraires. Le suspense n’est pas absent, malgré quelques longueurs. Le rythme du livre représente exactement la vie de ses personnages, une vie comme on pourrait en vivre, nous aussi.

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En quelques mots…

de la naissance au déclin de l’amour
traversé par la littérature
passionnant et bien écrit
l’histoire d’une femme
quelques petites longueurs
réalisme psychologique

Carte d’identité du livre

Titre : Un mariage anglais
Autrice : Claire Fuller
Traductrice : Mathilde Bach
Éditeur : Stock
Date de parution : 02 mai 2018

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#290 Toutes blessent, la dernière tue – Karine Giébel

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Le résumé…

Maman disait de moi que j’étais un ange.
Un ange tombé du ciel.
Mais les anges qui tombent ne se relèvent jamais…
Je connais l’enfer dans ses moindres recoins.
Je pourrais le dessiner les yeux fermés.
Je pourrais en parler pendant des heures.
Si seulement j’avais quelqu’un à qui parler…

Tama est une esclave. Elle n’a quasiment connu que la servitude. Prisonnière de bourreaux qui ignorent la pitié, elle sait pourtant rêver, aimer, espérer. Une rencontre va peut-être changer son destin…
Frapper, toujours plus fort.
Les détruire, les uns après les autres.
Les tuer tous, jusqu’au dernier.

Gabriel est un homme qui vit à l’écart du monde, avec pour seule compagnie ses démons et ses profondes meurtrissures.
Un homme dangereux.
Un matin, il découvre une inconnue qui a trouvé refuge chez lui. Une jeune femme blessée et amnésique.
Qui est-elle ? D’où vient-elle ?
Rappelle-toi qui tu es. Rappelle-toi, vite !
Parce que bientôt, tu seras morte.
*
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*

Mon avis…

Je disais il y a peu que le talent de Karine Giébel reposait essentiellement dans son efficacité, dont elle fait la démonstration dans ses histoires courtes, telles que Chiens de sang et D’ombre et de silence. Mais ici, l’autrice nous propose un véritable pavé. Un bon gros livre ! Et je finis par me dire que le talent de Karine Giébel n’a en fait besoin d’aucune condition particulière pour exister. Toutes blessent, la dernière tue est un livre choc qui ne laissera très certainement aucun lecteur indemne.

C’est un thriller psychologique qui s’inscrit dans une réalité souvent ignorée et méconnue, dont on parle très peu : l’esclavage domestique. Aujourd’hui, en France comme dans d’autres pays, des personnes sont exploitées, réduites en servitude. Ce livre, c’est leur histoire. Le récit des longues années de séquestration et de sévices de l’héroïne est si violent que l’on aimerait n’y voir que de la fiction. Pourtant, c’est l’innommable du réel qu’exploite Karine Giébel, comme l’a fait Olivier Norek, dans un autre registre, avec son excellentissime Entre deux mondes.

Grâce à des personnages très forts, elle construit un roman tout à fait passionnant, étoffé, impossible à lâcher jusqu’à la dernière page. On n’a certainement pas l’impression de lire un livre de plus de 700 pages ! Totalement saisissante, étonnante et bouleversante, cette plongée dans les méandres et les vicissitudes de l’esprit humain est diaboliquement orchestrée par la maîtresse du machiavélisme réaliste. En bref, un roman à ne pas mettre dans toutes les mains mais qui, pourtant, devrait être lu de tous ! Paradoxe ? Oui et non.

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#286 Sexe et mensonges – Leïla Slimani

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Le résumé…

Sexe et mensonges, c’est la parole, forte et sincère, d’une jeunesse marocaine bâillonnée dans un monde arabe où le sexe se consomme pourtant comme une marchandise. Les femmes que Leïla Slimani a rencontrées lui ont confié sans fard ni tabou leur vie sexuelle, entre soumission et transgression. Car, au Maroc, la loi punit et proscrit toute forme de relations sexuelles hors mariage, tout comme l’homosexualité et la prostitution. Dans cette société fondée sur l’hypocrisie, la jeune fille et la femme n’ont qu’une alternative : vierge ou épouse. Sexe et mensonges est une confrontation essentielle avec les démons intimes du Maroc et un appel vibrant à la liberté universelle d’être, d’aimer et de désirer.

Mon avis…

Leïla Slimani, nous la connaissons surtout pour ses romans : Dans le jardin de l’ogre, premier livre exceptionnel et très prometteur, ainsi que, bien évidemment, Chanson douce, qui a eu le prix Goncourt. Aujourd’hui, la notoriété qu’elle a acquise permet à Leïla Slimani de s’attaquer à des sujets délicats, sous une forme plus documentaire. Après avoir touché à la fiction, elle s’attaque à la réalité. Sexe et mensonges, c’est le fruit de plusieurs rencontres. Elles sont tantôt touchantes et émouvantes, tantôt drôles et rebelles. Parfois, elles sont résignées, mais souvent, elles affirment la volonté d’un changement. Ce que narre l’autrice dans ce livre, c’est la façon dont la sexualité est vue au Maroc, mais surtout la façon dont elle est vécue. Et la différence entre les deux. L’hypocrisie. C’est un livre qui est écrit avec un style fluide, qui nous accroche tout de suite. A la lecture aussi facile qu’un roman, ce livre recueille des témoignages multiples et enrichissants. Une synthèse de nombreux regards différents sur une seule et même question, permettant de se faire ainsi une idée complète et développée sur le sujet. Leïla Slimani, en chef d’orchestre, prend le lecteur par la main pour l’accompagner dans ce parcours de voix qui se croisent et se rencontrent parfois. C’est un plaisir de lire un tel ouvrage, de découvrir une réalité souvent ignorée. C’est le portrait d’un pays, à travers ses pratiques sexuelles, à travers sa jeunesse. Avec ses regrets et ses espoirs. Sans fioritures, sans détours, le sujet est abordé avec tact et sensibilité à la fois. Vraiment, aucune erreur dans ce livre abordable et didactique.

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#272 Une si longue lettre – Mariama Bâ

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Le résumé…

L’auteur fait parler une femme du Sénégal, Ramatoulaye Fall qui écrit à une amie de jeunesse, Aïssatou Ba. A travers le quotidien qu’elle lui conte, c’est toute l’existence des femmes africaines qui se trouve dévoilée.

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Mon avis…

Quel chef d’oeuvre que ce livre… Un peu méconnu, mais véritable monument de la littérature féminine et féministe, ce roman nous offre un regard inédit sur la vie des femmes africaines. Mariama Bâ, en s’inspirant notamment de sa propre vie, nous raconte l’histoire de plusieurs personnages, parmi lesquels Ramatoulaye et Aïssatou. Toutes les deux ont en commun, mais à leur manière, de s’investir dans la lutte pour le droit des femmes. Pourtant, chacune fait des choix de vie différents. L’auteur aborde des thèmes parfois tabous sous un angle original. Ce livre traite notamment de la polygamie et de la façon dont cette pratique courante est vécue par les femmes. Aïssatou, elle, a choisi de quitter son mari et d’aller vivre sa vie ailleurs, refusant cette situation imposée. Ramatoulaye, contrairement à elle, reste. Mais elle n’en est pas moins touchée par ce qu’elle considère comme une trahison de la part de son mari. Ce roman nous fait voir la dureté de la société et la difficulté de ces êtres à s’y affirmer. C’est un livre engagé, vibrant de réflexions sur le féminin dans le monde africain, mais aussi sur les rapports entre êtres humains, sur l’amour, l’amitié, les obstacles de la vie sociale. C’est un texte essentiel, qui se lit vite et bien, grâce à une écriture efficace et claire. Un véritable trésor à découvrir !

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#227 Illettré – Cécile Ladjali

Coup de coeur

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Le résumé…

Illettré raconte l’histoire de Léo, vingt ans, discret jeune homme de la cité Gagarine, porte de Saint-Ouen, qui chaque matin pointe à l’usine et s’installe devant sa presse ou son massicot. Dans le vacarme de l’atelier d’imprimerie, toute la journée défilent des lettres que Léo identifie vaguement à leur forme. Elevé par une grand-mère analphabète, qui a inconsciemment maintenu au-dessus de lui la chape de plomb de l’ignorance, il a quitté le collège à treize ans, régressé et vite oublié les rudiments appris à l’école. Puis les choses écrites lui sont devenues peu à peu de menaçantes énigmes. Désormais, sa vie d’adulte est entravée par cette tare invisible qui grippe tant ses sentiments que ses actes et l’oblige à tromper les apparences, notamment face à sa jolie voisine, Sibylle, l’infirmière venue le soigner après un accident. Réapprendre à lire ? Renouer avec les mots ? En lui et autour de lui la bonne volonté est sensible, mais la tâche est ardue et l’incapacité de Léo renvoie vite chacun à la réalité de ses manques : le ciel semble se refermer lentement devant celui que les signes fuient et que l’humanité des autres ignore.

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Mon avis…

Voici mon gros coup de cœur du moment, enfin un d’entre eux en tout cas… J’ai entendu parler de ce livre pour la première fois il y a un moment dans La Grande Librairie. Cécile Ladjali m’avait totalement séduite en parlant de son livre, on sentait une profonde envie et une belle honnêteté, un projet magnifique. J’ai mis un peu de temps à pouvoir lire ce roman et, malgré ma très bonne impression lors de la diffusion de l’émission, je ne m’attendais pas à aimer autant ! Comment dire ? J’ai été surprise… L’écriture est magistrale, les mots choisis apportent une dimension poétique vraiment fabuleuse, tandis que la perception du monde qu’a Léo est d’une beauté indicible. Ce livre est le fruit d’un pari immense : faire comprendre à des lecteurs, et donc des personnes « lettrées », ce que c’est d’être illettré, et tout ça avec une narration riche en vocabulaire et en poésie. Un pari fou ? Oui, sûrement, mais un pari réussi ! Rarement un livre ne m’a arraché autant de larmes et de sourires à la fois…

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Léo est probablement un des personnages dont j’ai lu l’histoire qui me marquera le plus dans ma vie, j’en suis presque sûre. Illettré est un roman bouleversant, qui fait voir le monde de façon totalement différente… Les personnages, peu nombreux, sont vraiment très très attachants, et l’auteure sait nous mener là où elle veut, là où une telle histoire mène forcément… Cette lecture est un véritable électrochoc dont on sort changé, elle ne peut pas laisser indifférent. J’avoue que c’est très difficile de parler de ce livre, Cécile Ladjali a tellement bien choisi ses mots, les a parfaitement dosés, alors je ne pourrais pas vous dire les choses aussi bien qu’elle. Vraiment, si vous cherchez un livre à lire à tout prix, c’est celui-là. Il a tout pour lui : une écriture fabuleuse, une poésie merveilleuse, des personnages envoûtants, une histoire émouvante… Il n’y a pas vraiment de morale dans ce roman, c’est à vous de la découvrir, à vous d’en tirer quelque chose, à vous de transformer cette splendide expérience de lecture en autre chose… N’hésitez pas, vous avez la chance de pouvoir lire et comprendre ce livre, ce chef d’œuvre.

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Ma note…

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#132 Cœur de brindille – Yves-Marie Robin

 

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Le résumé…

Été 1975, Cité des Biscottes, dans le Nord de la France. Lolita dite Brindille, une adolescente de 15 ans, vit seule avec sa mère, alcoolique notoire. En vraie « fleur de béton », Brindille ne rêve que de partir – d’abord et avant tout, pour revoir son frère aîné Angelo, incarcéré à Marseille.

C’est à l’occasion d’une rencontre foudroyante avec un jeune jongleur travaillant dans un cirque tzigane qu’elle concrétise ce désir… au grand désarroi de son professeur de lycée, très attaché à cette élève atypique qui va se lancer à sa poursuite. Mais Lolita laisse peu de traces ; lancée sur les routes avec le cirque, elle apprend le métier, change d’identité, s’adapte aux péripéties en suivant son instinct, toujours. En cargo, à pied ou sur la selle d’un scooter, elle ira jusqu’au bout de son aventure…
… par le chemin où naissent les légendes !
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Mon avis…

Cette nouveauté Sarbacane m’a accompagnée lors de mon petit séjour ensoleillé à Lyon. J’étais donc dans de très bonnes dispositions pour l’apprécier ! Ce qui m’a d’abord frappé, c’est la poésie qui émane de l’écriture d’Yves-Marie Robin… On a beau être projeté dans un univers urbain et plutôt triste, à savoir les logements sociaux lillois, dans une région pluvieuse, beaucoup de lumière et de douceur ressortent des mots. Les personnages sont très attachants et cet aspect tient beaucoup à l’écriture. Le roman est court, se lit assez vite, et il peut donc paraître étonnant qu’on ait le temps de s’accrocher ainsi à Diego, Angelo et bien sûr Lolita. Le lecteur est emporté dans un véritable voyage au fin fond de la détresse humaine, guidé par une écriture qui fait ressortir l’espoir là où l’on croyait ne plus le trouver.

J’ai été très émue par ce livre qui m’a beaucoup fait penser à Bloc de Haine, également sorti dans la collection Exprim’ de Sarbacane. Le point de vue sur la vie sociale française est assez différent car ici c’est la quête de liberté qui domine avant tout. Néanmoins, on peut dire que l’auteur parvient à nous faire voir avec des yeux nouveaux la société dans laquelle nous évoluons tous et que malgré tout nous essayons souvent d’ignorer. Ce roman est un petit chef d’œuvre très plaisant, et je peux dire désormais que je fais pleinement confiance aux éditions Sarbacane dans leurs choix ! Pour le moment, aucune déception et ce n’est certainement pas Cœur de brindille qui me fera dire le contraire… Je conseille vivement ce livre car il y a vraiment une très belle écriture par laquelle le lecteur parvient à s’imprégner de l’amour et de l’espoir dont chaque mot regorge.

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Ma note…

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Merci aux éditions Sarbacane pour cette lecture.

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