#192 Bardo or not Bardo – Antoine Volodine

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Le résumé…

Présumant que le défunt est obligé par son karma de traverser les quarante-neuf jours du Bardo, et qu’il doit rencontrer, sur le chemin de la renaissance, de terribles visions et obstacles, un lama lit le Bardo Thödol, le Livre des morts tibétain, pour guider le mort et l’aider à triompher des dangers qui le menacent. Voilà le principe.

Mais que se passe-t-il lorsque le mort refuse d’écouter les conseils qui lui sont prodigués ? Ou lorsque l’existence dans le Bardo lui plaît au point qu’il ne veuille plus en sortir ? Ou lorsque le lama, au lieu de réciter le texte sacré, se met à lire à haute voix un livre de cuisine et des poèmes ? Que se passe-t-il quand au monde des mystiques se superpose le monde des fous, des révolutionnaires ratés, des imbéciles et des sous-hommes ?

L’écrivain et acteur Bogdan Schlumm, dans une solitude psychiatrique semblable à celle de l’espace noir, tente de mettre en scène les réponses à ces questions. Personne ne l’écoute. Les arbres l’entourent, les oiseaux lui fientent dessus. Il est très seul.

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Mon avis…

L’année dernière, j’ai pu voir Antoine Volodine en conférence… et autant vous dire que sur le coup, je me suis demandé ce que je faisais là ! Ce monsieur, dont on ignore le véritable nom puisqu’il écrit sous divers pseudos dont le principal est « Antoine Volodine », parlait de lui à la troisième personne, décrivait le mouvement littéraire qu’il a lui-même créé, inspiré par le bouddhisme tantrique, les régimes totalitaires, les révolutions, les camps de concentration, et plein d’autres références sympathiques. Pour être honnête, je n’ai dû comprendre que 70% de cette conférence… Et la grande majorité de ce que j’ai compris est devenu clair après relecture de mes notes ! Je partais donc d’assez loin en commençant Bardo or not Bardo. Je me suis en effet dit, qu’après tout, le mieux pour comprendre un auteur était encore de lire ses livres…

Pourquoi avoir choisi Bardo or not Bardo ? Tout simplement parce qu’on me l’a recommandé (chaudement ou avec beaucoup plus de distance parfois) pour approcher l’univers de Volodine. La lecture n’a pas été des plus passionnantes, je dois l’avouer, pour la simple et bonne raison que je n’ai encore pas tout compris ! A priori, on croit à un roman, peut-être un roman policier à la lecture des premières pages, mais finalement on se rend compte que chaque chapitre correspond à une histoire différente… Donc, des nouvelles ? Oui mais non… Il y a des échos partout, plein de mises en parallèles plus ou moins perceptibles. En fait, il y a vraiment de quoi embrouiller l’esprit de la première à la dernière page, syntaxiquement, stylistiquement comme sémantiquement parlant ! J’ai plutôt bien aimé le premier chapitre, car je n’étais pas encore, à ce stade, totalement perdue… Par la suite, on a un choc parce que les personnages changent du tout au tout, mais avec des noms qui reviennent, sauf que ces noms désignent des personnes différentes, il y a je-ne-sais-combien de narrateurs (7 ou 49 ?), beaucoup de poules, un au-delà bouddhiste qu’il vaut mieux connaître un peu avant la lecture, des espions russes, et plein de Schlumm…

Si vous ne comprenez rien à ma chronique, ne vous inquiétez pas, c’est plutôt normal. Sans aucune ambition volodinienne, bien sûr, le but est de vous faire comprendre l’univers complétement « perché » de cet auteur. Je ne pense pas, honnêtement, qu’il aimerait mon article. Je comprends son projet de constituer un « édifice littéraire de 49 oeuvres » mais, même pour un étudiant en Lettres qui a l’habitude d’interpréter, c’est tout de même très « hermétique ». Je mets ce dernier mot entre guillemets car il est revendiqué par Volodine lui-même. Il est flatté que l’on considère ses oeuvres comme des OVNIs : Objets Volodiniens Non Identifiés… C’est un joli projet, après tout, bien que très pessimiste, souvent déprimant, marqué par l’horreur, l’enfermement, la torture, la mort, malgré l’humour omniprésent (qui est en fait un humour très très noir). Si vous aimez les défis littéraires, faisant appel à vos connaissances historiques, religieuses, à votre esprit, si vous avez envie d’interpréter et de vous casser la tête à le faire, n’hésitez pas : sautez sur Bardo or not Bardo. Personnellement, alors que je me passionne pour l’interprétation littéraire et que je compte en faire ma vie, le projet de Volodine ne me parle pas… Alors, je propose à Bardo or not Bardo de nous donner rendez-vous d’ici quelques années, quand j’aurais l’esprit assez échauffé pour approcher ce labyrinthe aveugle et mouvant.

P.S. : J’ajoute avoir eu la curiosité de lire le Bardo Thödol, c’est-à-dire le Livre des morts Tibétain. A priori, cela me semblait une lecture plus ardue que Bardo or not Bardo… et pourtant, les bouddhistes ont le talent fou de rentre tout d’une clarté éblouissante ! Résultat, j’ai bien mieux compris les ambitions littéraires de Volodine dans ce « roman » après la lecture de ce texte… Si le bouddhisme vous intrigue, je vous conseille vivement la lecture du Bardo Thödol, cela peut paraître étrange comme suggestion, mais faites-moi confiance !

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Ma note…

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#190 Journal d’un vampire en pyjama – Mathias Malzieu

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Le résumé…

« Ce livre est le vaisseau spécial que j’ai dû me confectionner pour survivre à ma propre guerre des étoiles. Panne sèche de moelle osseuse. Bug biologique, risque de crash imminent. Quand la réalité dépasse la (science-) fiction, cela donne des rencontres fantastiques, des déceptions intersidérales et des révélations éblouissantes. Une histoire d’amour aussi. Ce journal est un duel de western avec moi-même où je n’ai rien eu à inventer. Si ce n’est le moyen de plonger en apnée dans les profondeurs de mon cœur. »

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Mon avis…

Mathias Malzieu a toujours eu un talent fou, celui de rendre poétique chaque élément de la vie, de la plus petite poussière au plus grand soleil. Il est l’exacerbation des sentiments, la communication des plus infimes aux plus vibrants frissons, l’héroïsme poétique au delà de tout… Au fil des pages, tout prend une importance douce et apaisante dans le cœur : les baisers, les sourires, les goûts, les odeurs, les crêpes, la lumière du jour… Le Journal d’un vampire en pyjama marque une montée en puissance de ce talent poétique sur roulettes. Mathias Malzieu nous fait monter avec lui sur son skateboard, nous fait entrer dans son fauteuil en forme d’œuf (qui n’a pas rêvé d’en avoir un ?), et nous emmène jusqu’à la chambre stérile qui est devenue sa chambre le temps de refaire le plein de vie…

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En bon Superman de la poésie, en Jedi maîtrisant la force des mots, Mathias Malzieu m’a happée, touchée, émue… L’expérience racontée dans ce livre, ou plutôt dans ce journal magique, aurait dû me faire pleurer. C’est du moins ce que je pensais… Non pas que je voulais pleurer, bien sûr, mais je connais ma sensibilité, je me connais. Pourtant, je ne pouvais pas passer à côté de ce livre, et je savais aussi que Mathias Malzieu était, pour moi, le seul auteur capable de rendre à ce point poétique et pétillant les moindres joies ou malheurs de la vie. Après cette lecture, j’ai le sentiment que, malgré cette idéalisation de son talent, je le sous-estimais. Jamais je ne me serais attendue à une telle expérience. Ce qui est intrigant, c’est que je ne saurais pas mettre de mots sur ce que j’ai ressenti. Je n’ai pas pleuré, non, mais j’étais triste, tout en étant émue, sans pouvoir m’empêcher de sourire de cette folie douce, de cette gentille ironie, de cet espoir sans faille, de la puissance poétique qui persiste malgré la faiblesse du corps…

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Je crois que le Journal d’un vampire en pyjama est le livre qui peut changer une vie, ou du moins la vision de la vie. Cela a toujours été une évidence, pour moi, de donner mes organes, mais je n’avais jamais pensé à donner ma moelle, je l’avoue… Maintenant, j’y songe très sérieusement. J’ai eu l’impression de partager avec Mathias Malzieu son expérience, même s’il ne s’agit que d’une infime partie de ce qu’il a vécu, j’ai traversé certains jours de sa maladie avec lui… Il n’a pas senti ma présence, bien sûr, j’arrive trop tard, ce moment est passé, il a souffert et est désormais sauvé. Mais j’ai senti sa présence, j’ai perçu ses frissons, ses sentiments de panique, ses intenses joies… Et cet infime parcelle de vie que nous offre Mathias Malzieu dans ce livre est un cadeau, un véritable don, car désormais je vois tout différemment. Je ne me baladerais pas partout en skateboard, j’avoue que je ne sais pas en faire et je ne suis décidément pas douée pour ce genre de choses, mais je compte vraiment profiter du moindre petit morceau de crêpe sur ma langue, du moindre rire de ceux que j’aime, de la plus petite pensée heureuse qui traverse la rivière de l’esprit…

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Ce livre a fait émerger en moi des projets, des désirs, des résolutions… Loin d’être le journal d’un malade, c’est le journal de la vie, d’une vie qui redémarre, d’une renaissance. Comme Mathias Malzieu, j’aimerais sur-vivre, vivre encore plus que d’habitude, vivre réellement, pleinement… Tout cela pourrait sembler extrême pour ceux qui n’ont pas lu ces pages, mais le Journal d’un vampire en pyjama n’est pas un roman, c’est un échantillon de vie pétillante et sucrée, qui se révèle à travers l’atmosphère aseptisée de l’hôpital, de la salle d’attente de la mort… L’humour est omniprésent, tout comme l’espoir, la passion, la dérision, l’envie de vivre à tout prix, de profiter de chaque instant qu’il nous reste à vivre… Après tout ces mots, comment dire clairement que je vous conseille ce livre ? Je ne sais pas, chaque lettre que j’écris ne me donne pas l’impression de rendre justice à ce journal… En fait, il s’agit d’un livre qu’on ne peut même pas décrire tant il est riche… Le Journal d’un vampire en pyjama de Mathias Malzieu est une greffe de bonheur, d’espoir, une greffe de poésie qui prend au fil des pages.

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Ma note…

Est-ce vraiment nécessaire d’en donner une ?

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Je remercie mon amie et copinaute Sorbet-kiwi de m’avoir offert ce livre dédicacé pour mon anniversaire. 

Enquête sur l’usage du dictionnaire au XXIe siècle

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Voici une enquête menée dans le cadre de recherches de sociolinguistique à l’Université de Picardie Jules Verne. Nous nous intéressons aux dictionnaires et à leur usage au XXIe siècle. Toutes vos réponses nous intéressent au plus haut point ! Prenez votre temps, partagez autour de vous, ne gardez pas votre langue dans votre poche ! 

Si vous ne voyez pas le formulaire sur cet article, cliquez ici.

MERCI

#177 D’après une histoire vraie – Delphine de Vigan

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Le résumé…

« Ce livre est le récit de ma rencontre avec L.
L. est le cauchemar de tout écrivain.Ou plutôt le genre de personne qu’un écrivain ne devrait jamais croiser.»
Dans ce roman aux allures de thriller psychologique, Delphine de Vigan s’aventure en équilibriste sur la ligne de crête qui sépare le réel de la fiction. Ce livre est aussi une plongée au cœur d’une époque fascinée par le Vrai.

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Mon avis…

J’avoue avoir entendu parler de ce roman notamment grâce au prix Renaudot qu’il a remporté cette année… Cette lecture s’inscrivait dans un état d’esprit de lectrice désireuse d’explorer la littérature et ses facettes. En effet, ces derniers temps, j’aime me plonger dans des oeuvres qui réfléchissent le rapport à l’écriture, à la lecture, tout en restant divertissantes et loin des théories, bien que passionnantes, parfois un peu lourdes, des linguistes, sémiologues et autres chercheurs. D’après une histoire vraie est justement le genre de livres qui pousse le lecteur à réfléchir, à grandir dans sa pratique de sa lecture, et ce de façon très douce et progressive, sans même s’en rendre compte en réalité. On se plonge littéralement dans une histoire passionnante, on ne sait absolument pas où elle va nous mener, mais on sait que Delphine de Vigan est là, qu’elle nous accompagne au fil de ce parcours qu’elle a sans doute elle-même déjà suivi… Puis tout doucement les doutes s’éveillent, le mystère est si omniprésent que tout est interrogé, de l’intériorité, du plus intime, au plus vaste et universel : l’humanité elle-même.

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 On a du mal, au moment de clore le livre, à savoir ce qu’on vient de lire : autobiographie, roman, essai ? Peut-être tout en même temps, d’autant que l’appellation « roman » sur la couverture est là pour nous rappeler que la fiction est là, d’une manière ou d’une autre. Et c’est justement la question de cette présence qui est posée. Les limites entre réel et fiction sont interrogées, leur écho dans l’écriture surtout, la façon dont ils la pénètrent, parfois indépendamment de la volonté de l’auteur (ou de celle du lecteur). Delphine de Vigan explore aussi l’intertextualité, montre la ligne invisible mais pourtant bien présente qui relie notre état d’esprit, notre culture, notre expérience, nos peurs, nos rêves, nos projets, notre inconscient, notre entourage, finalement tout ce qui constitue l’être humain. Cette ligne est le fil conducteur du récit, le moteur de l’écriture, et ce livre est le résultat d’une expérience exceptionnelle pour l’auteure comme pour le lecteur. En effet, tant de romans nous sont passés entre les mains sans que nous nous soyons interrogés sur ce qui se déroulait dans notre esprit à ce moment-là, sans se demander ce que ces lectures devenaient par la suite, ce qu’il en restait, ni même sans chercher à savoir d’où vient cette histoire qui nous touche autant (ou au contraire nous déplaît)…

Delphine de Vigan nous livre ici un texte multiple, à la fois pseudo-autobiographie, thriller psychologique, dont certaines parties nous rappellent les essais sur la littérature qu’on a pu lire ou dont on a entendu parler… On ne peut pas sortir indemne d’une telle lecture car elle parle à toute personne qui côtoie le livre, la littérature, l’écriture… Je ne peux que conseiller ce roman et féliciter son auteure pour les prix qu’elle a reçus, et qu’elle a amplement mérités…

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Ma note…

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Je suis Charlie

je suis charlie

J’ai appris la nouvelle hier midi, à la sortie d’un partiel… Jamais je n’aurais pu me douter de ce qu’il se déroulait tandis que je ne pensais qu’à réussir mon travail. Le choc a été grand, j’ai arrêté ma voiture le temps de digérer l’information, et lorsque je suis repartie, je n’ai pas cessé une seule seconde d’avoir les larmes aux yeux. A mon arrivée chez moi, mon premier réflexe fut d’allumer la télévision. J’avais besoin de savoir, même si cela était douloureux.

Je n’ai pas souvent lu le journal satirique Charlie Hebdo, mais j’adorais voir leurs illustrations, leurs couvertures franches et sans complexes. J’aimais leur franc-parler, leur culot. Ils me ressemblaient dans leur état d’esprit, dans leur revendication de leur liberté à s’exprimer, dans leurs coups de gueule… Ils étaient engagés, moi aussi, ils disaient tout haut les choses que parfois je pensais tout bas… Ils faisaient tout cela avec l’humour qui leur était propre, celui que j’aurais aimé avoir.

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Les personnes qui ont été sauvagement assassinées pendant cet attentat ne sont pas seulement des membres de la rédaction d’un journal, ce sont des gens qui utilisaient leur droit à la parole et le revendiquaient. En les attaquant, les terroristes nous ont nous aussi attaqués. Nous, qui sommes libres. Nous sommes tous Charlie, car nous sommes tous libres. Elsa Wolinski, la fille du dessinateur mort hier, a déclaré : « Ce n’est pas parce qu’on tue un homme qu’on tue ses idées. ». Désormais, nous sommes tous porteurs de ces convictions. Ils voulaient nous diviser, ils ont fait une erreur : nous allons nous unir.

Ce petit article n’est évidemment pas à la hauteur de ce que j’aimerais exprimer. Les mots me manquent pour dire à quel point j’ai de la peine. Ils ont tenté d’assassiner notre liberté, d’insinuer en nous la peur même de nous exprimer, ils ont voulu nous briser. Je pense qu’ils ont échoué pour la plupart d’entre nous, tant la réaction sur le plan national comme international est forte et unificatrice. Il y aura cependant toujours des gens qui chercheront à tirer profit de notre malheur.

J’aimerais simplement vous dire à tous que nous devons être fort, dire NON à ces terroristes, et continuer à brandir nos crayons, à nous exprimer, continuer à assumer nos opinions. Et surtout : continuer à être tolérants, solidaires, et à nous soutenir.

« Je n’ai pas peur des représailles. Je n’ai pas de gosses, pas de femme, pas de voiture, pas de crédit. ça fait sûrement un peu pompeux, mais je préfère mourir debout que vivre à genoux. » (Charb, 2012)

On devrait pouvoir faire mourir de rire, mais pas mourir pour faire rire.

Voici pour rendre un hommage (modeste, certes) à Charlie Hebdo, quelques images…